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Billet de blog 9 janvier 2023

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Lettre au Président de soldats blessés

Un ex-adjudant chef de l'armée française a adressé cette lettre à l'Elysée en juin 2022 afin d'y alerter sur les difficultés administratives et financières rencontrées par les soldats français blessés. En l'absence de réponse, il a choisi de la rendre publique. Elle a depuis été signée par une cinquantaine d'ex-militaires blessés, qui se sont constitués en collectif.

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Monsieur le Président de la République,

Lors de votre discours sur la politique de défense, vous avez déclaré le 13 juillet 2022 : « Il n'y a pas de force morale durable sans lien fort avec nos blessés, leurs familles ainsi qu'avec les familles endeuillées. Protecteur des Invalides, héritier d'une tradition enracinée depuis Louis XIV et qui m'oblige, je porte avec vigilance le souci de « ceux qui ont exposé librement leur vie et prodigué leur sang pour la défense et le soutien de notre pays »... « Pour un blessé du fait de son engagement militaire, il doit y avoir une présomption de bonne foi : nous devons alléger la charge de la preuve qui pèse sur l’individu, nous devons la neutraliser, même. Et je le dis clairement, oui, nous devons savoir sortir de la prévalence structurelle, inconsciente mais bien présente, de la défense des intérêts financiers de l’État. Nos administrations doivent sortir de cette logique qui a eu toute sa légitimité, qui peut l’avoir dans encore bien des domaines, mais nous devons avant tout l’empathie, l’accompagnement et réussir à répondre à ce que nous devons à nos blessés, quels qu’ils soient, et à toutes les familles. Nous devons garantir aux blessés, aux familles une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante en cas de blessures ou de décès en service. » 

Forts de ce discours sans ambiguïté, nous nous permettons aujourd’hui de vous écrire de façon collective afin que vous puissiez mieux comprendre l'ampleur des difficultés de nos parcours médico-administratifs de Soldat Blessés (tous grades confondus), et de l'énorme déception pour nous tous, de devoir saisir le Tribunal administratif), afin de juste faire tout simplement valoir nos droits.

En effet, vous qui connaissez nos armées opérationnelles, n'ignorez pas que lorsque sur un théâtre d'opération extérieure, un procédé s'avère inefficace, des RETEX et comptes-rendus permettent une réorganisation très rapide afin que nos missions  soient couronnées de succès et contribuent, tant à sauver des vies qu’au rayonnement de la France. Nous allons vous énumérer, en étant le plus concis et le plus précis possible, le quotidien récurrent auquel de plus en plus d’entre nous devons faire face. Des exemples réels, concrets et non romancés, qui touchent Vos soldats Blessés. 

Avant tout, pourquoi nous traiter comme « CAS SOCIAUX GRAVES », tels sont les mots qui ont été employés dans des mails de réponse à des démarches légitimes ??? Comment est-il possible que le général DESPORTES puisse se permettre sur des plateaux télé, de nous dévaluer de la sorte en nous traitant de « Bac – 5 » ???

Nous constatons que la reconnaissance minimum pour nos sacrifices, nos valeurs et notre engagement sans faille est inexistante. Les suites données à tous nos courriers, que ce soit la CABAT ou autres organismes administratifs, répondent plus à des besoins de communication, à une « vitrine », qu'aux réels besoins que nous exprimons. De plus, si nous n'allons pas vers elles, elles ne viennent, trop souvent, pas vers nous. La seule chose que nous demandons instamment c'est de pouvoir conserver notre dignité et pouvoir subvenir dignement aux besoins de notre famille, malgré nos handicaps. Vous n'ignorez pas qu'une Blessure psychique, physique, neuropathique est extrêmement impactante au quotidien « et pas des Cas Sociaux Graves ».

Pourquoi, après avoir Servi au risque de nos vies, sommes-nous confrontés à un parcours de démarches de soins, administratifs et financiers si complexes ? Toute cette souffrance pour Qui, pour Quoi ? Pourquoi sommes-nous obligés de saisir les tribunaux, le Conseil d'État voire la Cour Européenne, accompagnés d'avocats, pour faire valoir nos droits suite à des accidents en service, des blessures en opération et imputables au service. Pouvez-vous seulement imaginer ce que nous avons perdu « physiquement, psychologiquement, professionnellement, financièrement ».

La réalité du combat de devoir attendre des années est plus que jamais d'actualité, une décision concernant nos demande de pensions militaires d'invalidité (PMI), alors que nous savons par avance que le taux retenu par l'expert missionné par le Service des Pensions et des Risques Professionnel de La Rochelle, sera systématiquement revu à la  baisse par la commission consultative des médecins conseils, nous obligeant à saisir la Commission des Recours de l'Invalidité (CRI) avant le tribunal. Trop souvent, des médecins diligentés par le SDP pour les expertises, ne correspondent pas aux pathologies concernées, ne possèdent pas les dossiers complets, censés avoir été envoyé par le service des pensions avant les expertises. Les médecins, spécialistes, les chirurgiens suivant les Blessés ou indépendants, ne comprennent que trop bien et le disent clairement : c'est juste une façon drastique de limiter les dépenses financières, ce qui est inadmissible. Nous savons que malheureusement beaucoup d'entre nous, s'épuisent dans ces combats car les dépenses financières et les éprouvent durement. Lassés, ils abandonnent : le SDP et les instances le savent bien. Le maître mot non-dit est « faire des économies sur le dos des Blessés », car c’est la grande Muette… mais pas très gentille !

Connaissez-vous l'impact quasi-systématique, quant à l'absence de prise en compte de notre protection sociale complémentaire par les assurances « GMPA et AGPM » pourtant obligatoires ? Des garanties qui ont été confiées au groupe Allianz, au sein duquel des généraux nous représentent, alors que nous sommes obligés de passer par des avocats, des médiateurs, pour des refus de prise en comptes ITT, minimisés par des grilles d'invalidité pour les IPPA.

Des médecins certifiant pourtant devant témoin, que les blessés reçus comportent des pathologies entraînant des invalidées évaluait entre 70 et 90 pour cent pour certains, mais que les grilles fournies par ces assurances sont plafonnées et ne pouvant excéder 15 pour cent. Voilà des faits incompréhensibles pour nous, hormis l'aspect systématique de limiter les dépenses par tous les moyens. Des contrats sont signés mais quand on en a besoin, il n'y a plus rien ni personne !

De plus, lorsque vous êtes réformé pour infirmité, infirmités multiples et mis à la retraite, et si vous n'avez pas toutes vos annuités, vous percevez une pension de réversion partielle n'excédant pas, pour la plupart des concernés, les 1000 euros pour service rendu ! Mais lorsque vous ne trouvez pas d'emploi ou que vous ne pouvez tout simplement pas reprendre une activité professionnelle, comment pouvez-vous vivre avec cette somme ??? Vous n'avez pas droit à ASS  de pôle emploi, pour des dépassement de 2,87 euros, que vous n'avez pas droit à l'AHH car vous dépassez de 80 à 100 euros. En fait, vous n'avez droit à pas grand-chose. De ce fait, de nombreux soldats en sont aussi de leurs propres deniers pour poursuivre leurs soins !!!

Le premier échelon de prise en charge des blessés au sein des unités, dont la mise en place des dossiers de demandes de PMI auprès du Service  des Pensions de la Rochelle, est géré par un militaire, ou un personnel civil de la Défense. Il y a un gros problème de fonctionnement car il ne faut surtout pas que ces personnels fassent trop bien leur travail pour nous Blessés, malgré les directives techniques et les grands discours, sous peine d'avoir des problèmes de la hiérarchie ou instances supérieures. On en arrive à un stade où l’on muselle ces personnels, jusqu'à des changements de postes, voire même jusqu'au tribunal administratif. Pourtant ces personnels sont reconnus intègres, professionnels, efficaces mais « trop », sur l'implication qu'ils ont pour les Blessés.

Monsieur le Président de la République, vous ne savez que trop bien que le métier des armes pour la Défense de notre Pays, la sécurité de nos concitoyens n'est pas un travail, un emploi que l'on exerce pour le salaire « la solde » mais pour la plus grande majorité par « vocation de Servir ».

Les soldats Blessés sont soumis à des PMI, GMPA, AGPM et autres qui devraient normalement assurer la continuité du suivi des Blessés mais qui emploient des experts rémunérés gracieusement avec, comme objectif, d'indemniser au strict minimum voire pas du tout,  des soldats qui étaient prêts à aller au sacrifice ultime pour leur Pays.

Monsieur le Président de la République, savez-vous quelle est la pensée malheureuse de nombreux soldats Blessés ? «  Il vaut mieux être un soldat ayant été au sacrifice ultime qu'un soldat Blessé », car le sacrifice ultime débloque toutes les instances.

Cette situation d'être Blessés, nous ne l'avons pas choisie et, alors  que les discours sont censés prioriser, notre réalité dans ce combat est d' être effacés au bénéfice des citoyens qui possèdent la CMU et civils, qui ont eu des accidents de travail.

Beaucoup de soldats Blessés ont dû ou sont sur le point de vendre leur maison, leurs biens, faire des crédits pour pouvoir faire face. Le problème croissant fait se rencontrer de plus en plus des Blessés de tous horizons « armées, gendarmerie, RAID, police, pompiers » pour essayer de s'aider sur les procédures à faire pour tenter de s'en sortir.

Serait-il si regrettable de prendre en compte réellement vos soldats Blessés, face à notre triste réalité ?

Pour tout cela nous avons décidé de vous rendre compte directement, de la situation, des faits avec lesquels vous nous excuserez, nous l'espérons, d'avoir parlé sans filtre, avec nos mots et notre intégrité au service de la France.

Nous vous remercions de l'attention que vous  aurez bien voulu porter à notre courrier et vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Président de la République,  l'expression de notre haute considération.

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Ce texte est aussi disponible sur Change.org : Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République

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