
En France, une personne étrangère gravement malade a le droit de rester sur le territoire pour se faire soigner et d’avoir un titre de séjour pour raison médicale depuis la loi Chevènement de 1998. Ce droit est pourtant attaqué par des législations de plus en plus restrictives. Dernière en date, la Loi du 7 mars 2016 confie l’évaluation de l’état de santé des étranger·es susceptibles de bénéficier d’un titre de séjour pour raisons de santé, auparavant dévolue aux médecins des ARS (MARS, sous tutelle du ministère de la Santé), aux médecins de l’OFII (sous tutelle du ministère de l’Intérieur). Cette bascule des prérogatives traduit une préoccupante indexation de la santé des personnes étrangères à des logiques sécuritaires de gestion des flux migratoires. La chute brutale des avis favorables octroyés, passant toute pathologie confondue de 75 % en 2013 – après évaluation par les ARS – à 52 % pour 2017 après évaluation de l’OFII a conduit une partie du monde associatif et des soignant·es à se mobiliser. C’est dans ce même mouvement que le collectif du Dasem Psy a organisé le 26 mars 2021 les premières assises « Psychotrauma et étrangers malades », qui ont réuni 400 personnes, pour dénoncer les conséquences de ce transfert de la mission d’évaluation. En effet, les pathologies psychiatriques
enregistrent plus particulièrement une très forte baisse des avis positifs, qui passent à 25 % en 2017 puis à 17,2 % en 2020. (OFII 2020 : 33). Ces précédentes assises ont été l’occasion d’un état des lieux et d’une première mise en relation entre soignant·es du champ psy, travailleurs et travailleuses sociales, universitaires et associatifs, inquiet·es des effets de cette baisse pour les personnes concernées. L’aggravation de la situation
observée s’inscrit de plus dans un contexte de politiques migratoires de plus en plus restrictives à l’échelle européenne, qui limite le droit au séjour et à la santé des personnes immigrées.
Ces raisons appellent à nous réunir de nouveau lors d’assises pour faire entendre nos constats et créer de nouvelles alliances entre champs psy, militant et universitaire. Par rapport aux analyses produites lors des précédentes assises, les pathologies psychiatriques sont toujours autant déconsidérées au cours des évaluations de l’OFII. Leur gravité et le risque de retour au pays où ont eu lieu des événements traumatiques sont déniés par les médecins évaluateurs de l’OFII, de même que les conséquences sur la santé des enfants et des familles d’un éventuel refus de titre de séjour et que la nécessité d’une stabilisation socio-familiale en France où les personnes tentent de reconstruire leur vie. De plus, l’approche adoptée par l’institution pour trier drastiquement les demandes se fait au mépris d’une clinique de l’exil et du psychotraumatisme. Les critères d’examen ne prennent en considération ni la gravité des pathologies, en particulier traumatiques, ni les réalités des systèmes de santé des pays d’origine où la santé mentale ne peut être prise en charge sinon pour des catégories sociales privilégiées très réduites. Il en va de même de l’importance des liens avec les soignant·es et les intervenants sociaux et associatifs, qui sont constituant à part entière d’une prise en charge de qualité. Enfin, ces avis négatifs sont suivis de refus de régularisations par les préfectures, et d’OQTF aux conséquences catastrophiques pour les patient·es qui ne peuvent, contrairement à ce que ces avis énoncent, rentrer dans leur pays pour y être soigné·es. Les conséquences sont psychiques mais aussi sociales (perte d’emploi et de logement parfois, du fait du non renouvellement du titre de séjour) pour nos patient·es et pour leurs familles et enfants. Les parcours familiaux sont fragmentés et fortement précarisés. L’usure des soignant·es impliqué·es auprès des exilé·es faisant des demandes de titres de séjours pour soins est un risque réel, qui oblige à poursuivre plus que jamais notre plaidoyer et à faire valoir nos
revendications pour la santé de nos patient·es.
Dans la suite des précédentes Assises de 2021, les Assises de 2023 seront l’occasion de réitérer notre demande afin que :
- la mission d’évaluation du droit de séjour en France des étrangers pour raison médicale revienne au ministère de la Solidarité et de la Santé
- les critères d’évaluation soient basés sur la clinique, en respectant les indications posées par le ministère de la santé dans son arrêté du 5 janvier 2017, en particulier pour les pathologies psychiatriques, et donc prennent en compte l’importance du lien thérapeutique, du contexte socio-familial, du problème d’un retour au pays lors de situations traumatiques par violences intentionnelles
- l’accessibilité aux demandes de droit de séjour en France pour raison de santé soit inconditionnelle.
- Les capacités d’accueil et de soins des pathologies des étrangers soient augmentées.
Rejoignez-nous le 5 avril 2023 à 9h au campus Condorcet à Aubervilliers ou en ligne (lien d’inscription).
Inscriptions en ligne ici :
Informations pratiques : Deuxièmes Assises du collectif Dasem psy - Étranger·es malades mal/traité·es par l'État
Mercredi 5 Avril 2023
ICM – grand amphithéâtre du campus Condorcet - Aubervilliers, métro Front Populaire
Contact : dasempsy@gmail.com
Organisateurs : COMEDE, Centre Primo Levi, Ethnotopies, Antigone 24, ICM, Orspere-Samdarra
Partenaires : Liste en préparation
Programme provisoire
Version du 5 décembre 2022 : à confirmer !
9h - 9h15 Accueil
9h15 - 10h – Conférence inaugurale
Thierry Baubet (PUPH, Université Sorbonne Paris Nord, AP-HP, Centre National de Ressources et de Résilience)
10h - 11h30 – Généalogie du droit au séjour pour soins : vers une policiarisation de la santé des
étranger·es ?
- 1. Nicolas Klausser (postdoctorant en droit public, CNRS, juriste)
- 2. Léo Manac'h (doctorant en anthropologie, Ceped, U. de Paris, ICM, Non lieux de l'exil). « L’OFII, stratégies de normalisation et de dépolitisation du contrôle sanitaire des étranger·es »
- 3. Arnaud Veïsse (médecin, Comede) et François Journet (psychiatre) : évolution des constats sur terrain
- 4. Modération : Danièle Lochak (Professeure émérite en droite)
11h30 - 11h45 – Pause
11h45 - 13h – Table ronde. La précarisation du séjour pour soins et ses conséquences pour les parcours
de soin
- 1. Georges Yoram Federmann (psychiatre)
- 2. Muriel Montagut (psychologue, CIMADE)
- 3. Claire Gekiere (psychiatre)
- 4. Modération : Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky (professeure des universités en anthropologie, Cessma,
Inalco, psychologue clinicienne)
13h - 14h30 Pause
14h30 - 15h45 – Table ronde. Enfants et famille en demande de titres de séjour pour soins
- 1. Camille Schmoll (maitresse de conférence en géographie, USCP, Université de Paris)
- 2. Laure Wolmark (psychologue et chercheuse, Médecins Sans Frontières, Non lieux de l'exil)
- 3. Frédérique Fogel (directrice de recherche en anthropologie, LESC, Nanterre)
- 4. Modération : Claire Mestre (psychiatre et anthropologue, Ethnotopies, Bordeaux)
16h15 - 17h30 – Table ronde. Vers une alliance des mobilisations pour le droit au séjour pour soins
- 1. Lucile Abassade (avocate, ADDE)
- 2. Matthias Thibault (Cimade).
- 3. En attente de confirmation
- 4. Modération : Adeline Toullier, juriste