Le 16 février 2023. Nous sommes à Clichy-sous-Bois.
Et chaque année les parents d’élèves attendent et retiennent leur souffle.
Qu'attend-on ?
Les prochaines, mauvaises, nouvelles du Ministère de l’Éducation Nationale.
Et elles tombent, inexorablement, telle une épée de Damoclès qui n'aurait jamais le temps de reprendre sa suspension au-dessus de l'avenir de nos enfants.
On s’explique. En clair, ça veut dire quoi ?
Nous sommes les milliers de parents mais surtout les milliers d'élèves.
Ces écoliers, ces collégiens, ces lycéens, de pro ou de général, toutes filières confondues. Nous sommes les parents de ces invisibles.
Et depuis des années, dans cette zone classée REP +, ou ZEP +, ou je ne sais quoi de “ + ” d'ailleurs, tellement on coupe, recoupe, ajuste et réajuste dans les moyens alloués à nos vingt-trois écoles, nos trois collèges et notre unique lycée.
C’est beaucoup de “+” pour toujours trop de moins !
Concrètement, de quoi parle-t-on, de quoi souffre-t-on ?
Du non-remplacement systématique des professeurs absents durant des semaines voire des mois,
Des centaines d’heures de cours perdues toutes matières confondues,
De la “disparition” de certaines matières, comme la musique, faute de professeur,
Des inclusions, à n’importe quel prix, d’enfants à besoins particuliers ou porteurs de handicap qui souffrent déjà d’un manque absolu d’AESH,
Des suppressions de postes,
Des dispositifs UPE2A en souffrance surtout en élémentaire avec la diminution du nombre de classes qui rend certaines inclusions impossibles et accentue encore la perte des effectifs,
Des 16 classes vouées à la fermeture pour la rentrée 23/24, alors que les besoins et les difficultés des élèves, eux, ne cessent de croître,
Des effectifs classes à 35 élèves en Terminale dans des salles conçues pour 24,
Des spécialités surchargées et du matériel non adapté à cette surcharge,
Du manque de tables et du manque de chaises, du manque de matériel informatique et de TP …
Un Tiers-Monde au cœur d’une République du 21ème siècle.
Pas assez concret ? Voici quelques exemples.
Nous avons reçu des témoignages de lycéens de Terminale qui se voient contraints de partager un plateau de TP en SPÉ physique-chimie: 1 seul plateau de TP pour 5 élèves, pour 5 candidats au Bac. Rappel du coefficient de cette SPÉ : 16.
Puis, ils sont 35. Des chaises ? On se débrouille. Des tables ? Pas assez.
Mais on se débrouille. Alors dans certains cours, on place 3 élèves par table, 3 élèves par ordinateur et cela, bien sûr, quand les ordinateurs fonctionnent.
Certains professeurs nous ont même confié la lourde charge qu'est devenue pour eux la notation d’autant d’élèves lors de l’évaluation en contrôle continu.
Trop d’élèves par SPE mais pas assez de professeurs, trop d’élèves par matière et toujours pas assez de professeurs. Et on ferme des classes ?
En droit, pas de professeur durant des mois.
En filière professionnelle, le constat est alarmant, pas de professeur de maths, d’anglais, de lettres-histoire et aucun remplacement durant des mois, juste de petits “ arrangements “ internes épuisants pour les professeurs et stressants pour les élèves.
Et malgré cela, à la rentrée prochaine, à effectif constant, nous perdrons une classe de Première et une classe de Terminale et cela uniquement pour la filière générale et technologique.
Au collège ? Mieux ?
Petit retour en arrière. Nous sommes en septembre 2022 et déjà dans certains emplois du temps des classes de 5ème: 5 professeurs absents et non remplacés.
Donc, dès la rentrée, pas de cours de technologie, pas de musique, pas de physique-chimie, pas d’histoire-géographie et pas d’espagnol durant des semaines.
Et n’eut été la détermination des parents d’élèves se rassemblant 1 fois par semaine devant le collège banderoles à la grille, et cela, durant plus de 4 semaines, nos enfants auraient peut-être encore à l'heure actuelle, des emplois du temps sous forme de “ gruyères “ administratifs.
C’est le même problème chaque année et malgré tout, nous venons d’apprendre la fermeture d’une classe de 5ème pour la rentrée prochaine.
Logique en réalité. Pas de professeurs, pas de classe. La solution est simple.
Et les élèves ? Me demanderez-vous. Des INVISIBLES, tout simplement.
Revenons-en à la base maintenant, dans le primaire.
Nous perdons apparemment des effectifs. Tant mieux pourrait-on se dire. Moins d’élèves dans les classes donc plus de chance de réussir et d’affermir ces acquis.
Et potentiellement, de meilleures conditions de travail et d’enseignement.
Et si la recette était … moins d’élèves pour plus d’enseignants et plus d’enseignants pour plus de réussite ?
Et bien non. Nous sommes en ZEP + ou REP + rappelons-nous.
Donc, on ferme des classes pour “ parquer “ les élèves. Un véritable TETRIS vivant.
Outre les pertes de postes d’enseignant et la dégradation des conditions de travail et d'enseignement, ces fermetures de classe ont des conséquences directes sur les dispositifs UPE2A, car à défaut de place d’inclusion dans les classes de niveau, le dispositif ne pourra plus accueillir de fratries ni de nouveaux élèves.
Alors, ces parents d’invisibles s’interrogent. Ils vous interrogent.
La considération et le respect d’un gouvernement envers ses jeunes citoyens ne sont-ils pas en réalité proportionnels aux moyens alloués à leur instruction ?
Baisse des moyens, dotations insuffisantes, non-remplacement des enseignants absents, fermetures de classe, bâti en souffrance …
Pour ces parents, c’est la nouvelle expression du mépris de classe.
Et enfin, quelle est notre véritable question au gouvernement ? Qui est-on ? De qui parle cette tribune ? Qui sont donc ces jeunes citoyens invisibles ? En voici quelques uns :
Manoor, Adam, Myriam, William, Kevin, Wassila, Asma, Mujtaba, Djibril, Jênna, Bastien, Aliza, Ilyes, Caroline, Amina, Alya, Shamyl, Khalid, Marwa, Emi, Chloé … et des milliers d’autres encore.
Invisibles, certes, mais pas muets. Alors à défaut d’être vus, faisons en sorte qu’ils soient entendus.
NOUS VOULONS LES MOYENS DE RÉUSSIR PARTOUT ET POUR TOUS !
STOP AUX FERMETURES DE CLASSES !
L’Union des parents d’élèves et enseignants mobilisés de la ville de Clichy-sous-Bois.