Neuroatypies : « Différentes », et pourtant si nombreuses
Dans « Différente » de Lola Doillon (11 juin 2025), on suit Katia, une femme brillante, en décalage avec les autres depuis toujours. À 35 ans, elle découvre qu’elle est autiste. Ce bouleversement raconte une réalité partagée par de nombreuses femmes : celle d’un diagnostic tardif ou absent. Le film met en lumière un autisme féminin masqué, mal repéré par les systèmes en place.
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Tribune signée par un collectif d'artistes, expert·e·s et associations engagé·e·s autour du film "Différente"
Un retard de diagnostic aux conséquences profondes
Les troubles du neurodéveloppement (TND) concernent environ 10 % des enfants*, et pourtant des dizaines de milliers de femmes sur le spectre de l’autisme, qui parfois ont aussi un TDAH (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité) et/ou des troubles dys (dyslexie, dyspraxie, etc.), ne sont diagnostiquées qu’à l’âge adulte; souvent après des années d’errance médicale ou psychologique.
Les chiffres sont éloquents : en France, les garçons obtiennent en moyenne quatre fois plus que les filles un diagnostic d’autisme**. Or, cet écart reflète plus les biais d’observation, d’écoute et d’outillage que la réalité biologique. Chez les filles, les signes de l’autisme sont souvent moins bruyants, plus intériorisés, ce qui retarde la reconnaissance des troubles, voire la fait complètement passer à côté.
Les recherches en psychologie cognitive démontrent queles critères actuels d’évaluation reposent majoritairement sur des profils masculins. Ce manque de reconnaissance des neuroatypies au féminin a des conséquences profondes. Certaines tombent dans la précarité, d’autres quittent l’école ou le travail faute de reconnaissance et d’accompagnement adaptés.
Un diagnostic précoce, au contraire, permet une meilleure compréhension de soi. Un accompagnement adapté pendant la scolarité ainsi que des aménagements indispensables pour l’accès et le maintien en emploi préservent la qualité de vie et la santé mentale des personnes concernées.
Une société inclusive commence par la reconnaissance de toutes ses différences
Nous demandons un effort à échelle sociétale pour une attention réelle et une reconnaissance égalitaire.
Car derrière chaque parcours de femme neuroatypique, il y a souvent des années de silence, de diagnostics erronés, de fatigue psychique, de culpabilité - et parfois des conséquences dramatiques.
Nous savons aussi que des garçons, des hommes et des personnes non-binaires passent eux aussi sous les radars, car leurs profils ne correspondent pas aux “standards” des tests ou attentes sociales. Des profils calmes, introvertis, ou au fonctionnement atypique, quel que soit le genre, continuent d’être mal compris, mal accompagnés. Il est donc urgent d’améliorer l’ensemble des outils de repérage, pour qu’ils reflètent la diversité des manifestations des TND, et non un modèle unique et dépassé.
Ces parcours invisibles ne sont pas des cas isolés : ils sont le symptôme d’un système qui ne reconnaît pas encore la diversité neurologique dans toute sa complexité. Construire une société inclusive, c’est garantir à chacun·e un accès équitable au diagnostic, à la santé, à l’éducation, à l’autonomie, quels que soient son sexe, son profil, ou la manière dont il ou elle interagit avec le monde.
Cela implique non seulement des décisions politiques, mais aussi un changement de regard collectif. Parents, professionnel·le.s, enseignant·e.s, recruteur·se.s, médias : nous avons toutes et tous un rôle à jouer.
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Former, repérer, accompagner : il est temps d’agir
Nous appelons le ministère de la Santé, le ministère de l’Éducation nationale, le Secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, ainsi que les organismes référents comme la Haute Autorité de Santé (HAS) et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), à prendre pleinement la mesure des biais actuels dans le diagnostic des troubles du neurodéveloppement, et à s’engager pour une transformation structurelle.
Le repérage précoce, équitable et genré des TND ne peut plus rester l’angle mort des politiques publiques.
Cela implique des mesures concrètes, réalisables et urgentes :
Former systématiquement les professionnel·l·es de santé, d’éducation et du travail social aux spécificités des TND dans toute leur diversité, en s’appuyant sur des ressources validées par les personnes concernées - y compris sur les manifestations moins visibles ou genrées de ces troubles.
Mettre en place des protocoles de repérage plus fins, fondés sur les travaux récents en neurosciences et psychologie, qui tiennent compte du "masking" et des profils camouflés.
Diffuser largement des outils de sensibilisation, comme le film Différente et l’ouvrage Pareils, pas pareils, pour ouvrir le débat dans les écoles, les médias et les institutions.
Fabienne Cazalis-Judet de la Combe, chargée de recherche au CNRS, co-autrice de Pareils, pas pareils (Nathan, 2025), conseil scientifique et comédienne pour le film « Différente »
Isabelle Filliozat, psychothérapeute, co-autrice de Pareils, pas pareils (Nathan, 2025)
Sandrine Josso, députée de la 7e circonscription de Loire-Atlantique, co-présidente groupe autisme à l’Assemblée Nationale
Magali Camilla, présidente de AspieJob, partenaire du film « Différente »
La FéGEMA, Fédération des Groupes d’Entraide Mutuelle, partenaire du film « Différente »
Le GEM « Les Phoenix Bleus » de Nantes, partenaire du film « Différente »
L’association Ikigaï, partenaire du film « Différente »
Claire Mallet, auteure de l'enquête "Diagnostic des TSA chez l'adulte, où en est-on ?"
Dominique Guérin, productrice de « Différente », Ping&Pong Productions
Nicolas Blanc, producteur de « Différente », Agat Films
Coline Aymard, fondatrice de Citizen 7, agence d’impact social pour le cinéma, productrice de la campagne d’impact de « Différente »
Pour aller plus loin et rejoindre la mobilisation :
Rendez-vous sur le site du film https://differente.lefilm.co/pour découvrir la campagne d’impact, organiser une projection, s’informer avec les ressources, ou soutenir les associations partenaires.
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