À force de frapper à toutes les portes, le Collectif du Collège Félix Éboué a réussi à obtenir le dossier concernant les risques sismiques dans ce collège. Ce dossier est en possession de plusieurs institutions depuis 2010.
Par soucis de transparence et pour ne pas agir comme ceux qui savent et qui se taisent, le Collectif du Collège Félix Eboué a décidé de vous présenter les conclusions du rapport en ce qui concerne le collège de Petit-Bourg.
De quel document dispose-t-on aujourd’hui ?
Il s’agit du document « Diagnostic sismique des collèges de Guadeloupe (971) - Méthodologie EVETM » sous la référence « TV/TV/372 – 0064B », commandé par le Conseil Général de la Guadeloupe et remis le 04 août 2010, ainsi que l’annexe concernant le collège Félix Éboué.
Qui a participé à cette étude ?
Le Bureau Véritas, le Bureau d’études MIAGE, Antilles Études (ndlr : entreprise nommée pour réaliser un nouveau bilan), MRC, et Dynamique Concept.
Il est à noter que le Bureau Véritas est un cabinet d’expertise en tous genres allant de la certification de produits de consommation (ex : Certification "Origine France Garantie") à l’analyse de la conformité des bâtiments face aux différentes normes (pollutions, sismicités, etc.). Le Bureau Véritas a donc été chargé de chapeauter des entreprises expertes dans le domaine de la conformité des bâtiments.
Quelles sont les conclusions pour le Collège Félix Eboué ?
L’ensemble des bâtiments du collège ont été classés dans une des 3 catégories suivantes.
·TV ou Très Vulnérable : « Bâtiment dont la reconstruction est la seule réponse techniquement envisageable ».
·PVS ou Peu Vulnérable Structure : « bâtiments qui n’ont besoin d’aucune expertise complémentaire en raison de leur faible vulnérabilité »
·TVP/MV ou Très Vulnérable Patrimonial/Moyennement Vulnérable : ce sont les bâtiments moyennement vulnérables pouvant être confortés et les bâtiments vulnérables voire très vulnérables mais avec une forte valeur patrimoniale.
Le Collège Félix Eboué est divisé en 16 lots (bâtiments ou ensemble de bâtiments). Sur 16 lots, 8 sont classés dans la catégorie Très vulnérable. Il s’agit essentiellement des bâtiments d’enseignement ou accueillants des élèves (bâtiment principal d’enseignement, CDI, salle de permanence, bâtiments d’enseignement SEGPA et cafétéria). Les logements de fonction de la Direction sont aussi classés dans cette catégorie.
Les ateliers SEGPA sont classés comme étant vulnérables mais pourraient être confortés (catégorie TVP/MV).
Seuls les vestiaires du plateau sportif, la loge, les bâtiments ALTI et les salles de l’administration sont classés dans la catégorie Peu vulnérable structure.
Quels sont les éléments de vulnérabilité ?
Le classement final du collège (et de chaque bâtiment du collège) découle de la prise en compte des paramètres :
- de stabilité des structures,
- du risque pour les occupants,
- du ressenti de l’expert (défaut de contreventement[1], endommagement ou l’état d’usure des structures, les configurations défavorables et l’état des joints),
- de l’environnement du collège,
- de mesures (effet de site[2], résonance entre sol et structure[3]).
Ce classement « est basé sur un indice de vulnérabilité spécifique : plus l’indice est élevé, plus la vulnérabilité est forte. L’indice est fortement amplifié lorsque plusieurs facteurs de vulnérabilité sont présents, car la probabilité que l’un d’eux joue en cas de séisme est beaucoup plus forte, donc le risque encouru augmente».
Bâtiment Principal (1997) :
-Escalier d’évacuation souple en patio.
-Poteaux bridés façade Nord.
-Joints petits et pleins.
-Irrégularités de forme en plan et en élévation.
-Structure béton lourde des brise-soleil façade Sud.
-Mélange de structures métal et maçonnerie.
-Appuis « glissants ».
Cafétéria (1976) :
-Bâtiment semble mal réalisé, maçonneries non chaînées, poteaux et poutres de petites sections.
Technologie (1978) :
-Poteaux bridés.
Bâtiment B(1978) :
-Claustras lourds en patio.
Segpa (1981) :
-Garde-corps en voiles drapeaux, joints petits et pleins, poteaux bridés.
Totem décoratif :
-Elément lourd en partie haute.
Pourquoi rien n’a été fait depuis 2010 ?
L’inaction des pouvoirs publics s’appuyait sur une seule excuse: l’expertise réalisée par Véritas n’aurait été que visuelle… Cette assertion est fausse : le bilan n’a pas été seulement visuel, il y a bien évidemment eu des mesures : « L'audit technique des collèges est basé sur le principe du "dire d'expert" formulé à partir d’un diagnostic visuel, complété par des observations instrumentales (mesures réalisées sur site). De cette manière, la méthodologie retenue permet un recoupement des données lors de leur collecte et pendant le traitement. L’audit intègre par ailleurs une composante patrimoniale représentant l’enjeu particulier de l’ouvrage du fait de son histoire, son architecture ou sa position. ».
Dans tous les cas, il ne nous apparait pas acceptable que 6 ans après cet audit, les décideurs publics soient toujours à se contenter d’un tel bilan quant aux risques sismiques qu’encourent les personnes entrant quotidiennement dans ce collège.
Conclusion
Depuis la production de ce rapport en 2010, l’académie de Guadeloupe, comme les services de l’État mais aussi ceux du Conseil départemental de Guadeloupe sont clairement informés de la vulnérabilité totale du collège Félix Eboué de Petit-Bourg au risque sismique. Les bâtiments principaux d’enseignement (bâtiment A, CDI, bâtiment SEGPA) sont donc utilisés quotidiennement, alors même qu’ils sont structurellement « très vulnérables » tant au niveau structure qu’au niveau du « risque encouru par les occupants ».
Pour ces bâtiments, aucun confortement n’est possible (hormis les ateliers de la Segpa). Seule la démolition et la reconstruction des bâtiments est donc possible.
Depuis 6 ans maintenant, les collégiens et le personnel du collège sont donc accueillis dans des bâtiments dangereux du point de vue du risque sismique.
Le collectif exige donc une mobilisation sans précédent des services concernés pour sécuriser l’ensemble des usagers du collège Félix Éboué de Petit-Bourg. Il demande à ce qu’une commission spécifique de l’ensemble de la communauté éducative suive mensuellement l’avancée des études et travaux et en réfère à la commission Hygiène et sécurité du collège trimestriellement et à chaque Conseil d’administration.
En attendant que les solutions définitives soient mises en œuvre, et au regard du risque majeur factuel, le collectif exige également que des exercices d’évacuation soient organisés mensuellement dans le collège pour que les parades nécessaires deviennent des réflexes pour tous en cas de séisme.
Le collège doit également se doter des éléments nécessaires pour ne pas être sans moyen matériel et organisationnel le jour où un séisme majeur surviendra. Le PPMS sismique doit être immédiatement construit, au-delà des aspects administratifs couvrant judiciairement la Direction du collège, avec les fiches Action nécessaires pour être opérationnel dès la rentrée 2016-2017. Ce PPMS sismique doit être connu et maîtrisé par tous les usagers du collège, enfants comme adultes.
[1] Le contreventement est un système statique destiné à assurer la stabilité globale d'un ouvrage vis-à-vis des effets horizontaux issus des éventuelles actions sur celui-ci (par exemple : vent, séisme, choc, freinage, etc.) https://fr.wikipedia.org/wiki/Contreventement
[2]L’effet de site peut indiquer une augmentation de l’action sismique, des mesures sous bruit de fond ont été réalisées.
[3] La résonance démontre une interaction probable entre le sol et la structure, la faiblesse de la réponse étant analysée par rapport à la valeur attendue