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Billet de blog 18 juin 2025

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Rapport sur la pauvreté infantile : les propos inacceptables de Caroline Parmentier

Le Collectif #ÉcolePourTous dénonce vivement les propos de Caroline Parmentier (RN) dans le rapport parlementaire sur la pauvreté infantile. Sa solution ? « Renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière ». En tant que premiers concernés par la précarité infantile, nous demandons à être reçus par la Délégation aux droits des enfants afin de faire entendre nos solutions.

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St Denis, le 17 juin 2025

Objet : Lettre ouverte à Perrine Goulet, présidente de la Délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale au sujet du rapport d’information sur la pauvreté infantile

Madame la députée,

Le collectif #EcolePourTous prend acte de la parution du rapport d’information parlementaire sur la pauvreté infantile, examiné par la Délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale le 21 mai 2025. Ce travail de terrain, riche par la diversité des contributions du secteur associatif, comportait des enjeux essentiels. Car en France, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Et derrière les chiffres, ce sont des visages, des histoires, des humiliations, mais aussi beaucoup de courage.

Nous saluons certaines recommandations importantes portées dans ce rapport, notamment :

  • La recommandation n°19, qui appelle à inscrire dans la loi une trêve scolaire républicaine, pour mettre fin aux expulsions habitatives pendant les périodes de cours.
  • La recommandation n°31, qui rappelle le devoir absolu de garantir l’accès à l’école à chaque enfant, sans condition de domiciliation et sans délais
  • La recommandation n°32, qui appelle à rendre effectif le droit à la scolarisation pour tous les enfants

Ces mesures s’inscrivent dans les combats que nous menons depuis des années au Collectif #EcolePourTous. Et nous ne pouvons que nous réjouir que le Parlement commence (enfin) à s’en emparer.

Mais notre satisfaction s’arrête là.

Une instrumentalisation xénophobe indigne d’un rapport sur l’enfance

L’avant-propos signé par la députée Caroline Parmentier (RN) constitue pour nous un énorme choc. Ce texte, censé ouvrir un rapport sur la pauvreté des enfants, s’en prend longuement et exclusivement à ce qu’elle appelle « l’immigration irrégulière ». L’autrice n’hésite pas à affirmer que les enfants qu’elle a rencontrés vivent dans la précarité parce qu’eux-mêmes et leurs parents sont étrangers et sans papiers. Et que le véritable levier pour lutter contre la pauvreté infantile serait de... renforcer la lutte contre l’immigration. Elle en fait d’ailleurs la première recommandation de ce rapport, que sa co-rapporteure Madame Piron n’a pas souhaité soutenir : « renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière afin de réduire la pression et la saturation des structures et des dispositifs d’accueil ».

C’est inacceptable. C’est faux. Et c’est dangereux.

Rien, ni dans les principes des droits de l’enfant, ni dans nos vécus du quotidien de terrain, ne justifie une telle mise en accusation. Pour ce qui est de la difficulté d’accéder à l’école et du racisme vécu à l’école, ce que nous observons en tant que premiers concernés, habitants dans des lieux précaires (bidonvilles, hôtels sociaux…), ce n’est pas un lien entre « clandestinité » et pauvreté : c’est un lien entre politique publique défaillante et pauvreté structurelle.

Un enfant qui dort dans la rue et qui manque l’école, comme ce fut le cas pour Slavi, à cause d’une expulsion habitative, un enfant qui se trouve à la rue livré à lui-même, comme Sow, notre porte-parole, car l’Etat n’a pas voulu reconnaître sa minorité, une enfant qui est privée d’école comme Ana, parce qu’elle habite un bidonville, tout cela n’est pas un problème de statut administratif. C’est un problème d’Etat, d’engagement et de justice sociale. Et face à ces errances administratives, Slavi, Sow et Ana n’ont pu compter que sur leur courage et quelques belles rencontres, soit un parcours loin de l’idéal d’égalité des chances prôné par les ministres de l’éducation nationale successifs.

Un enfant n’est jamais « irrégulier ». Il est un enfant, point.

Nous rappelons que la France est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui stipule en son article 2 que « les États parties s’engagent à respecter les droits énoncés [...] sans distinction aucune, indépendamment de la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique [...] ou de l’origine nationale, ethnique ou sociale ». Et en son article 3 que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Le rapport oublie une chose essentielle : un mineur ne peut pas être en situation irrégulière. Parce qu’il est mineur. Parce qu’il n’a pas à répondre de la situation administrative de ses parents. Parce que c’est un enfant. Parce qu’il a des droits.

Quand une députée détourne dans un rapport officiel un sujet aussi grave que la pauvreté infantile et ce afin de nourrir un discours politique xénophobe, ce ne sont pas seulement des principes qui sont bafoués. Ce sont des vies d’enfants que l’on piétine.

Nous connaissons ces enfants, car ils sont comme nous et ils nous ressemblent : Ce sont les enfants de Saint-Denis, de Lille, de Besançon, de Mamoudzou. Ce sont ceux qui décrochent de l’école à cause du racisme ou encore des expulsions habitatives. Ceux qui dorment en foyer, à l’hôtel, dans des voitures.

Comme Ana, 15 ans, arrivée en France avec sa famille, elle a voulu aller à l’école mais ce droit lui a été refusé pour la seule raison qu’elle vivait dans un bidonville. Ce n’est pas sa nationalité qui l’a plongée dans la misère. C’est le refus des services de l’Etat de lui appliquer les droits de base.

Comme notre marraine Anina Ciuciu, dont la famille a été expulsée à quelques jours de la rentrée à l’école primaire. Il a fallu une mobilisation acharnée pour qu’elle retrouve un toit et qu’elle retourne à l’école. Elle n’a jamais manqué une seule journée de cours. Mais ce que le système lui a renvoyé, c’est qu’elle dérangeait.

Nous sommes ces enfants. Nous ne demandons pas de traitements de faveur, nous demandons une égalité réelle. Nous demandons à pouvoir vivre pleinement, à aller à l’école, et à réussir pour être les citoyens de demain. Nous demandons à pouvoir être des enfants. Parce qu’il n’y a pas des enfants « de papier », des enfants « en trop » ou des enfants « illégaux ».

Il y a des enfants. Et des adultes qui doivent les protéger. Nous n’avons pas oublié la grande promesse de la République.

Madame la députée, en tant que présidente de la délégation aux droits de l’enfant nous vous demandons de condamner les passages du rapport qui instrumentalisent la pauvreté infantile au profit d’un agenda xénophobe et de bien vouloir nous recevoir afin que nous puissions échanger sur la mise en œuvre concrète des recommandations 19, 31 et 32 du rapport.

Veuillez agréer, Madame la députée, l’expression de toute notre considération. 

Pour le Collectif #EcolePourTous

Jassem Issouf, Président

contact@ecolepourtous.org

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