J'arrive à l'école, c'est un mercredi, il est midi, l'heure de la sortie des classes. Beaucoup de parents sont au portail, attendant leur(s) enfant(s), dans le tumulte des retrouvailles quotidiennes, ordinaires. Je demande à un instituteur de m'indiquer l'accès au gymnase : « – Le prochain portail, à gauche, il faut longer l'école, c'est le bâtiment de droite, face au terrain de sport extérieur », et un élève de préciser « – Le bâtiment marron ».
Je passe ledit portail, en sens inverse des vélos, trottinettes, poussettes, paires de jambes de toutes tailles, familles qui rentrent chez elles poursuivre leur journée.
Au bout du chemin : le fameux bâtiment marron (l'indication m'avait été bien utile). Je vois la banderole « Et si c'était vos enfants qui dormaient dehors », je suis au bon endroit, voici la porte d'entrée principale. Devant la porte, il y a trois personnes, deux bénévoles, et une toute petite fille – M., deux ans – qui joue avec une des bénévoles. Je me présente, « –Je suis du collectif de parents, je viens pour deux heures de permanence, jusqu'à 14h ».
Dans le gymnase, je découvre des couvertures tendues tout autour du gymnase, pour séparer les espaces, des tentes de différentes tailles, une table au centre avec quelques chaises – 6 chaises pour une trentaine de personnes.
Dehors, les élèves et les parents qui quittent l'école passent devant le gymnase. Un garçon, de six ou sept ans, demande : « – Ce sont les gens qui dormaient à la rue ? – Oui, tu veux regarder dans le gymnase ? » Il dit que ce n'est pas drôle de dormir dans un parc, mais que le gymnase c'est pas une maison. Sa petite sœur et lui tapent dans le ballon pour le renvoyer vers les enfants qui vivent dans le gymnase et jouent avec. Puis ils repartent.
Passent deux familles – elles disent être pressées, mais posent quelques questions, puis d'autres. Elles resteront une dizaine de minutes. Elles sont choquées de réaliser l'absence de proposition de solutions pour ces personnes, ces familles et ces enfants. Une mère de famille prend note des besoins pour le gymnase : un frigo, des micro-ondes, des matelas, du linge de maison, etc. Elle donne son numéro de téléphone. Elle doit sûrement avoir des choses à donner chez elle, on ne peut pas laisser ces familles dans cette situation, c'est trop une honte pour la France.
Je m'installe à l'intérieur, autour de la table, les enfants jouent au centre du gymnase avec un ballon, des cerceaux. La petite M. va en courant retrouver sa mère – sa petite sœur vient de se réveiller. Le lieu est calme. Quelqu'un demande de l'aide pour vider une camionnette, des matelas sont donnés – deux pères de famille hébergés se déplacent pour les décharger et les installer. Un bénévole a amené des feutres, il y a quelques feuilles de brouillon, la petite M. demande à dessiner. Elle apprend déjà à enlever le bouchon, tenter de le remettre. Les feutres passent dans d'autres mains. Une mère de famille a reçu un appel. Elle demande à son fils âgé de douze ans, et qui parle anglais, de traduire sa demande à une bénévole. Il y aurait une place attribuée dans une école pour lui. Il faut rappeler la directrice de l'école en question – c'est l'heure de pause, il faudra attendre 14h. Une petite dizaine d'enfants vivent ici, ils sont deux ou trois à avoir moins de trois ans. Aucun des plus grands présents n'est pour l'instant scolarisé.
Des bénévoles s'en vont, d'autres arrivent, la petite M. cherche d'autres genoux pour jouer, L. souhaite faire un peu connaissance, profite de parler un peu anglais.
La famille de M. doit être logée à Vitré cet après-midi, le 115 appelle – ce sera finalement une chambre d'hôtel sur une commune de Rennes Métropole, une meilleure solution pour le père de famille qui travaille à Rennes. Au moment de se préparer pour partir la petite M. hésite, elle était contente de jouer ici. « – Au fait, j'ai un rehausseur qui ne me sert plus, dans le coffre de ma voiture » : il sera utilisé pour déménager la famille et les enfants.
On échange un peu entre bénévoles – « – Vous êtes de quelle association ? – Et vous ? ». On parle des dernières nouvelles dans les médias, du dernier positionnement du ministre, des articles de telle association ou de tel organisme.
Il est déjà plus de 14h. Je pars du gymnase, je ressors d'une expérience particulière, mon quotidien me rattrape, je dois me dépêcher de faire des courses, préparer la fête d'anniversaire de mon fils, demain.