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Billet de blog 12 septembre 2024

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Enfants à la rue, à Rennes : notre réponse au préfet d'Ille-et-Vilaine

Le 4 septembre dernier, Philippe Gustin, préfet d'Ille-et-Vilaine, tenait une conférence de presse au cours de laquelle, interrogé au sujet des enfants à la rue, à Rennes, il a sciemment multiplié les mensonges et les attaques, notamment envers les associations présentes sur le terrain, pour et avec ces enfants. Nous lui répondons.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 29 août dernier, à la veille de la rentrée scolaire, UNICEF France et la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS) publiaient un communiqué relevant « une augmentation alarmante du nombre d’enfants sans abri, malgré les alertes répétées et les recommandations formulées, loin d’être suivies »1 et comptabilisant « au moins 2043 enfants sans solution d’hébergement dans la nuit du 19 août »2.

Le 4 septembre, invité à s’exprimer au sujet de la situation de ces enfants sans toit à Rennes, Philippe Gustin, préfet d’Ille-et-Vilaine, a une fois encore nié toute responsabilité de l’État, et donc la sienne, dans ce scandale. Et, malgré l’affirmation selon laquelle « les faits sont têtus », a multiplié les mensonges.

Nous, parents d’élèves du Collectif Élèves Protégé·es Rennes, souhaitons lui répondre.

L’argumentaire de M. Gustin tient en quatre points.

Premièrement, M. Gustin, affirme, péremptoire, que le chiffre de 75 enfants à la rue à la veille de la rentrée (comptage établi par la Mairie de Rennes comme par les associations d’aide aux personnes migrantes) est tout simplement faux. M. le préfet « aimerait qu’on lui prouve » ce chiffre. Il ajoute que, « comme pour les manifs, il y a les chiffres de la police et les chiffres des manifestants », et annonce pour sa part un total de 20 enfants à la rue, résultat d’un comptage « fait par la Police aux frontières ».

Notre réponse est simple. En misant, pour la défense de ses services, sur la contestation de chiffres de sources concordantes, M. le préfet cherche avant tout à détourner l’attention de la détresse de ces enfants que nous côtoyons quotidiennement. Nous, parents d’élèves agissant en-dehors de toute formation partisane, n’avons rien à gagner à mentir sur le nombre d’enfants à la rue. Et, contrairement à une manifestation, éphémère, mobile et potentiellement massive, il est très simple d’effectuer un comptage sur les quatre campements qui existent actuellement à Rennes (Hautes-Ourmes, Bréquigny, Saint-Cyr, la Touche) et qui ne disparaîtront pas avant une éventuelle évacuation dont M. Gustin sera fatalement à l’initiative. Nous l’invitons donc à venir effectuer ce comptage en notre compagnie. La presse est également la bienvenue.

Deuxièmement, M. Gustin annonce que les personnes présentes sur ces campements « sont en très grande majorité, s’agissant en tout cas des familles, des Géorgiens qui ont épuisé toutes les voies de droit », qui sont « déboutés, re-déboutés, re-re-déboutés » et dont le parcours n’a plus qu’une issue qui est « l’éloignement ».

M. Gustin ment éhontément, une fois encore. Parmi les personnes présentes sur ces campements, environ la moitié est en situation régulière sur le territoire français, que leur demande d’asile ait été acceptée ou soit encore à l’étude. Les personnes d’origine géorgienne ne constituent qu’environ un quart des personnes présentes, et toutes ne sont pas en situation irrégulière. Certains, bénéficiaires de la protection subsidiaire, attendent même un hébergement de la part de l’État, comme le prévoit la loi. Il nous apparaît par ailleurs dangereux de pointer du doigt une communauté particulière, d’autant plus en usant d’arguments fallacieux. Et là encore, nous proposons à M. Gustin de nous accompagner sur les campements pour vérifier la véracité de nos propos. À défaut d’accepter notre offre, nous attendons de M. le préfet les preuves de ce qu’il avance.

Troisièmement, M. Gustin aborde la question des mineurs isolés. Selon lui, « ces jeunes se disent mineurs » alors même qu’ils « ont subi tous les tests qui ont prouvé qu’ils n’étaient pas mineurs ».

Nous souhaitons rappeler, à ce sujet, le large consensus scientifique concédant notamment le manque de fiabilité de ces tests, en-dehors même de toute considération éthique. Et nous laissons de plus fins connaisseurs de la problématique répondre précisément à M. le préfet, s’ils le souhaitent.

Enfin, dans son discours, M. Gustin affirme que la problématique des enfants à la rue est « rennaise ». Il attaque de front la Mairie de Rennes, dont il accuse la « politique généreuse », et le « tissu associatif » qui ferait en sorte de convoyer des personnes migrantes à Rennes depuis toute la France. « Ce sont des faits », ajoute-t-il.

Depuis deux ans, notre collectif se bat pour que tous les enfants, à Rennes, aient accès à des conditions de vie et d’apprentissage dignes. Cela passe en premier lieu par la sécurité d’un foyer. Dans notre lutte, nous avons tissé des liens avec de nombreux collectifs et associations dont la vocation est la même, partout en France. Leur constat est univoque. Les chiffres d’UNICEF France et de la FAS le prouvent : même en prenant le chiffre de 75 enfants à la rue à Rennes, contesté par M. Gustin, qui le trouve surévalué, cela ne représente qu’une part très réduite des plus de 2000 enfants sans toit recensés par ces associations. La situation n’est malheureusement pas spécifique à Rennes. La politique d’accueil des personnes migrantes de la Ville de Rennes et du Département d’Ille-et-Vilaine, et la présence d’associations sur le bassin rennais, permettent à peine (le permettent-elles encore ?) de pallier l’incurie de l’État et de rendre la situation humanitaire un peu moins insupportable.

Nous aimerions conclure en soulignant l’indignité de M. Gustin lorsqu’il oppose le droit, pour justifier son refus d’héberger des enfants dont les parents sont en situation irrégulière et donc expulsables, et le pathos de ses « nuits blanches » quand une femme victime de violences ne peut elle-même accéder à un hébergement d’urgence. Nous refusons de hiérarchiser les peines. La faillite des politiques en matière de logement, d’immigration ou de protection des femmes victimes de violences n’est pas une fatalité, mais le résultat de choix hasardeux. L’État porte une responsabilité non négligeable dans ce naufrage annoncé. Qu’il sache le reconnaître pour changer de cap.

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