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Billet de blog 16 juin 2024

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En priorisant le pouvoir d'achat, le Nouveau Front Populaire renonce à l'écologie

Égalitaristes et écologistes, nous serons beaucoup à faire barrage à l’extrême-droite en votant pour le Nouveau Front Populaire. Mais nous ne ferons plus semblant de croire que cette gauche-là répondra un jour à nos besoins.

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   La séquence politique actuelle est à la clarification. Pour ce qui concerne monsieur Macron, clarification d’un discours qui se rapproche toujours davantage du maccarthysme, et qui voudrait nous faire croire maintenant qu’il n’y a rien d’acceptable à gauche de Raphaël Glucksmann. Du côté de la droite supposément « républicaine », clarification d’une rupture entre l’aile qui reste politiquement libérale et celle — dont Ciotti est le nom — qui est déjà fascistoïde. Quant à la gauche institutionnelle : clarification d’un consensus idéologique presque total, dont seules les querelles d’appareils et de personnes ont retardé jusqu’ici la concrétisation politicienne. 

    Comme iels ne cessent de le répéter depuis quelques jours, « socialistes », « communistes », « insoumis·es » et même « écologistes » sont en effet d’accord sur plus que l’essentiel. En particulier sur la hausse du pouvoir d’achat de la population française, déclarée partout dans la communication du « Nouveau Front Populaire » (NFP) comme prioritaire... et compatible avec une amélioration quelconque de la situation planétaire, tant sur le plan écologique que sur le plan géopolitique. Elle ne l’est pas, et ne l’a jamais été. 

Illustration 1
Savard, Couverture de Survivre et vivre n°10, 1971

   Comme nous le répétons depuis des années, le PIB par habitant dans les pays qui respectent l’Accord de Paris se compte en centaines d’euros par mois, de même que celui des pays dont l’empreinte écologique est vraiment généralisable. Et c’est dès aujourd’hui que la France, elle aussi, doit respecter de tels seuils pour que cessent ses crimes climatiques et son pillage impérialiste. Il n’y a réellement aucun débat scientifique sur ces sujets : dans tout le monde riche dont nous faisons partie, les niveaux de consommation comme de production doivent baisser, de toute urgence et de beaucoup. À défaut d'un tel plafonnement économique, le monde n'évitera pas une catastrophe socio-environnementale globale sans commune mesure avec les morts déjà causées par écosystème interposé, lesquelles avoisinent pourtant chaque année celles de la Seconde Guerre Mondiale. Il n’y a sur ces sujets que des débats — ou plutôt des dénis — purement rhétoriques, à partir desquels nous ne construirons jamais l’ombre d’un programme efficace. Car comme disait l’autre, « on ne fait de politique que sur des réalités ».

    Mais le NFP, comme une bonne part de la population française, préfère continuer à croire que c’est seulement la « crise ». Si depuis 15 ans tout empire chez nous à petit feu, ce ne serait qu’à cause de la conjonction malheureuse entre une suite d’évènements fortuits — subprimes, eurozone, covid, invasion russe… — et de politiques cruelles — dérive sarkozyste, puis trahison de François Hollande et radicalisation macroniste du « bloc bourgeois ». Votons maintenant pour les gentil·les, distribuons de l’argent magique, et tout ira enfin mieux. Mais ça ne peut pas fonctionner. Augmentation du SMIC, blocage des prix, maintien des pensions de retraites… les promesses du NFP seront reniées, car intenables et irresponsables. D'abord parce que l'état et la composition de la balance commerciale française ont de quoi invalider toute velléité keynésienne. Mais aussi parce que depuis 15 ans, deux des grands déterminants de notre ralentissement économique sont les contraintes de ressources et l’explosion des pollutions, qui ne vont pas disparaître à la simple condition de le vouloir très fort. Et que personne dans les négociations internationales sur l’environnement ne va prendre au sérieux une France qui continue à se raconter des histoires de « transition écologique » à horizon lointain quand tout brûle déjà. Or si ces négociations échouent, la possibilité de faire coexister pacifiquement 10 milliards de personnes sur cette Terre est une chimère. 

    Depuis cinq ans les mouvements écologistes de terrain auxquels nous avons participé — Greenpeace, ANV COP21, Youth for Climate, Extinction Rebellion… — se sont montrés incapables de dépasser le nationalisme et le négationnisme ambiants sur ces sujets, à gauche comme ailleurs : beaucoup de leurs membres, jeunes ou moins jeunes, y adhèrent avec force, les médias qui les invitent n’ont souvent rien envie d’entendre d’autre, et on y voit régulièrement des gens appeler « stratégie » l’ambition absurde de rallier la population nationale autour d’un projet — sauver la planète sans perdre des sous — pour la convaincre ensuite du bien-fondé d’un autre qui lui est radicalement contraire — préserver le climat et la biodiversité pour de vrai, selon ce que la situation matérielle nous impose aujourd’hui.

    Nous aussi — qui croyons à la poursuite rationnelle de la paix par l’égalité entre les humains — nous avons donc maintenant une clarification à faire, et d’abord vis-à-vis de nous-mêmes. La réalité qui nous fait face est dure et amère : nos espaces de débat et d’expression ont été réduits à rien. Sur le plan politicien, nous n’avons plus d’espoir à placer en personne sinon celui de résister à l’extrême-droite. Sur le plan de l’activisme, le mouvement des Soulèvements de la terre pousse à son terme la logique qui nous fait perdre : le renoncement au cosmopolitisme inhérent aux problèmes écologiques pour un alignement contre-productif sur l’intérêt autochtone mal compris. Traduction concrète : une agitation qui, tout en continuant à revendiquer l’héritage du « mouvement climat », se résume finalement à la mise en scène d’une histoire complotiste digne de Disney, où nous serions empêché·es de concilier « fin du monde » et « fin du mois » par une poignée de sans-cœurs qui s’approprie la terre et l’eau. Un discours de confusion que le NFP, évidemment, adore, et s’empresse d’ajouter à son programme : il suffirait à présent de « décréter un moratoire » sur la construction d’autoroutes et un autre sur les méga-bassines pour « relever le défi climatique ». Ce qui, bien sûr, n'a aucun rapport avec une baisse des émissions.

    En fait, dans tous les collectifs auxquels nous pouvions encore apporter un soutien critique il y a deux ou trois ans, cette tactique du bouc émissaire — « c'est la faute du gouvernement, des organisations plus grosses, des individus plus riche que nous » — ne supporte plus la moindre critique. Rien ne retient la petite bourgeoisie qui les composent en majorité d’assimiler désormais tout écologisme conséquent à la réaction, au néolibéralisme voire au fascisme. Paradoxalement, alors qu’une partie de la société française comprend de mieux en mieux le dilemme de notre situation, ces mouvements sont ainsi aujourd’hui le lieu d’une répression sociale anti-écologiste plus féroce que dans beaucoup d’endroits où il est possible de discuter rationnellement des faits.

    Il ne s’agit donc même plus, pour l’heure, d’espérer gagner ou non la « bataille du siècle », ni même d'obtenir des victoires électorales. Il s’agit d'abord de pouvoir nous réunir, assumer nos idées et réfléchir ensemble à un horizon sérieusement écologiste. Nous avons à reconstruire des espaces où cela est possible. Nous sommes un collectif informel et ouvert qui veut s'y employer. 

Collectif Ensemble Vide
Pour nous contacter : ensemblevide@proton.me

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