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Billet de blog 9 juin 2023

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La légalisation de la mort provoquée : une rupture avec l’idéal du soin

Sur quel idéal de soin est fondé notre société? Cet idéal peut-il être changé simplement? Cela aura-t-il un impact important? Toutes ces questions sont celles que pose la légalisation de la mort provoquée. Nous pouvons dans ce petit article essayer d'apporter un début de réponse.

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Si les débats sur la fin de vie, et de surcroît sur la légalisation d’une forme de mort provoquée, suscite autant de controverses, c’est qu’elle remet en cause profondément notre idéal du soin. Et cet idéal est fondamental. Aussi aimerions nous, avant de le présenter, partager une anecdote :

« Il y a des années, un étudiant a demandé à l’anthropologue Margaret Mead ce qu’elle pensait être le premier signe de civilisation dans une culture. L’étudiant s’attendait à ce que Mead parle d’hameçons, de casseroles en terre cuite ou de moulins en pierre. Mais ce ne fut pas le cas.

Mead affirma que le premier signe de civilisation dans une culture ancienne était un fémur cassé puis guéri. Elle s’expliqua : dans le règne animal, si tu te casses la jambe, tu meurs. Tu ne peux pas fuir le danger, aller à la rivière boire ou chercher de la nourriture. C’est n’être plus que chair pour bêtes prédatrices. Aucun animal ne survit à une jambe cassée assez longtemps pour que l’os guérisse. Un fémur cassé qui est guéri est la preuve que quelqu’un a pris le temps d’être avec celui qui est tombé, a bandé sa blessure, l’a emmené dans un endroit sûr et l’a aidé à se remettre. »

A la suite de cette histoire, Margaret Mead affirma que le soin, l’aide et l’accompagnement étaient les points de départ de la civilisation.

Aussi, parler d’un idéal du soin revient à parler d’un acte au fondement de toute société et de toute relation humaine. Il nous faut maintenant caractériser cet idéal du soin, qui s’incarne parfaitement dans le serment d’Hippocrate :

« Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination. J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance. Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au-dessus de mon travail. Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort. Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque. »

Voilà en quelques mots l’idéal du soin : la promesse d’aider, d’accompagner, de soulager et de guérir quand c’est possible celui qui nous accorde sa confiance. Et de cet idéal découle la relation de soin entre le patient et le soignant : une relation certes déséquilibrée, entre une personne qui demande de l’aide et une autre qui l’apporte, mais une relation profondément humaine, avec son lot de dépendance, de vulnérabilité et de faiblesse.

En faisant peser sur les soignants la responsabilité d’accepter ou non de participer au suicide d’un patient, c’est cette relation fragile qui s’en trouverait menacée. Pour préserver cet idéal du soin, bien précieux et commun, il nous faut réaffirmer avec force que la main qui soigne ne doit ni ne peut, jamais, être la main qui tue.

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