Collectif Hippocrate (avatar)

Collectif Hippocrate

Collectif de soignant.e.s

Abonné·e de Mediapart

14 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 juin 2023

Collectif Hippocrate (avatar)

Collectif Hippocrate

Collectif de soignant.e.s

Abonné·e de Mediapart

Contribution extérieure : Les mots à l’épreuve de la réalité

Dans le cadre du débat sur la fin de vie, une bataille des mots fait rage. Un camp s'est auto-proclamé défenseur de la liberté (contre les "voleurs de liberté") et de la dignité. Un peu de décence inviterait ces mêmes personnes à ne pas monopoliser ces notions bien plus complexes. Contribution extérieure.

Collectif Hippocrate (avatar)

Collectif Hippocrate

Collectif de soignant.e.s

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dignité, soin, liberté … Autant de concepts qui interviennent systématiquement dans le débat sur la fin de vie. Mais à quel titre ? On ne peut pas adapter les mots au contexte : c’est la réalité du contexte qui vient rejoindre celle des mots. 

Il ne s’agit pas de remettre en cause la nécessité de l’évolution de la langue française à travers le temps, mais de réaffirmer le sens dont les mots sont porteurs par essence, qu’on  ne peut pas manipuler et nier.

Ceux qui plaident en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir considèrent qu’elle participe de la dignité des patients. Mais de quelle dignité parlons-nous ? Pourquoi le fait de se donner la mort prématurément, dans une temporalité mal contrôlée, garantirait le droit à la considération, au respect par autrui ? En quoi cet acte traduirait le respect qu’une personne se porte à elle-même ? 

Ouvrir la porte à l’idée qu’un corps, un esprit dégradé par la maladie n’est plus empreint d’aucune dignité, c’est aller contre les valeurs républicaines d’égalité et de fraternité dans la différence, contre la mission d’Etat de protéger les plus vulnérables. 

Or la dignité, intrinsèque à tout être humain, lui est d’abord conférée par une autre personne. Si la maladie remet en cause cette dignité première chez le patient, c’est notre regard qu’il faut interroger. Notre société accepte-t-elle réellement les plus faibles ? Cela nous ramène au problème des soins palliatifs. Certes, nous pouvons être confrontés parfois à des cas extrêmes, dont la souffrance, physique et morale, n’est pas mesurable. Mais si nous ne pouvons pas d’abord garantir un accès universel aux soins palliatifs, comment pourrons-nous un jour apporter des solutions supplémentaires aux souffrances de nos concitoyens ? C’est par le développement des soins que nous pourrons garantir la dignité de chaque patient dans les derniers moments de leur vie, là où elle semble être en péril.

La notion de liberté revient elle aussi souvent dans les débats. Liberté de choisir sa mort. Mort naturelle, mort violente, moment de la mort … Liberté réservée à certains, qui seraient en capacité de faire un choix éclairé, qui pourraient exercer leur discernement (sans parler des autres conditions qui donneraient accès à l’aide active à mourir). Quelle liberté lorsqu’on vous propose d’en finir avec la souffrance ? La liberté requiert l’absence de contrainte externe. Vous remplissez les critères, vous avez donc la liberté d’accéder à l’aide active à mourir. Les critères d’accès à l’aide active à mourir ne sont-ils pas par définition des contraintes externes ? La pauvreté de l’offre palliative n’est-elle pas une contrainte externe ? Ces contraintes sont autant d’injonctions sociétales envers les plus faibles à en finir avec une vie pour laquelle ils pourraient choisir de se battre, si une réelle liberté de choix pouvait être exercée. 

Des termes donc qui ne peuvent motiver une potentielle légalisation de l’aide active à mourir en France. Pascale Favre, médecin et doctorant en philosophie, condamne cette édulcoration du discours, qui vise selon lui à “modifier notre perception des choses”. “Il faut que les gens aient une juste appréciation de ce que chaque mot veut dire”. Cette édulcoration  sémantique qui consiste à invoquer tel ou tel concept quant à une situation qui ne s’y prête pas mène  à une perte de compréhension au sein du débat public. Or le débat sur la fin de vie mérite que chacun se penche sur le sujet à partir d’un socle sémantique commun.  

Contributrice extérieure pour le Collectif Hippocrate

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.