A l’aube de notre profession, nous prononçons le Serment d’Hippocrate. Nous nous engageons à rétablir et préserver la santé des personnes, santé physique ou mentale.
Nous nous engageons envers nos patients et leur entourage pour qu’ils puissent faire confiance à nos choix et nos décisions, ce qui n’est pas toujours évident. Cela nous oblige à porter attention à nos patients à chaque instant, à suivre l’évolution de leur santé et à agir en fonction de ce que nous savons et qui nous semble le meilleur. Nous devons tout mettre en œuvre pour que leur santé s’améliore et les mener vers la guérison en soulageant leurs souffrances.
C’est grâce à cette confiance que les soins que nous prodiguons sont les plus efficaces.
L’euthanasie changerait totalement cette relation de confiance que nous entretenons avec nos patients, leur famille et leurs amis. Si demain, nous médecins, sommes susceptibles de provoquer la mort par l’euthanasie ou en permettant un suicide assisté, comment nos patients pourraient nous accorder leur confiance alors que cette option de facilité s’offre à nous ? Nous ne serions plus ceux qui les aident à tout prix à sortir du gouffre et qui se battent pour leur offrir une vie meilleure. Il est inscrit dans notre ADN de soignant ou médecin que nous devons être entièrement tournés vers ce qui contribue à préserver l’intégrité physique et psychique des personnes et à nourrir leur envie de vivre.
Le regard que nous posons sur les plus vulnérables, sur les personnes fragilisées par la maladie et le handicap est porté par ce mystère qui entoure la vie de ceux dont nous nous occupons, et qui nous pousse à prendre toute décision complexe et délicate dans l’intérêt premier du malade et de celui de son entourage.
Il serait cependant malhonnête de dire que nous ne connaissons pas des moments dans lesquels le choix de la mort ne nous apparaît pas comme la solution la plus facile. Nous nous voyons impuissants, presque incapables d’améliorer la situation dans laquelle vit le malade que nous avons sous notre responsabilité. Ne vaudrait-il pas alors mieux qu’elle meurt comme elle le réclame parfois ?
Certains de nos confrères ont quelques fois dû poser des actes graves, parfois fatals. Heureusement, la loi jusqu’ici en vigueur nous a toujours protégés et nous encadre pour que nous posions des choix éthiques et cohérents. Nous avons le devoir de tout mettre en œuvre, avec le consentement et le discernement de la personne concernée et de son entourage, pour la soigner et la soulager. Mais nous n’avons pas le droit de la tuer !
Les pensées douloureuses qui nous traversent en tant que soignants ou médecins, certes, mais aussi en tant que personnes sensibles à la souffrance, exposent notre vulnérabilité. Nous discernons alors en équipe, pour le mieux, et en restant toujours dans le cadre posé par la loi.
Si la solution de la facilité nous est permise, comment penser que nous donnerons autant d’énergie dans des situations délicates dans lesquelles nous devons tout faire pour soulager le patient ?
La relation de confiance entre les patients et les équipes médicales en souffrirait énormément et disparaîtrait pour laisser place à la peur de tomber dans la simplicité.
Cet engagement que nous avons pris, de préserver la santé dans tous ses aspects, de tout faire pour soulager les souffrances et soigner, cet engagement qui nous permet de tisser ce lien de confiance avec nos patients, coeur de notre métier, serait mis à mal par l’euthanasie. Notre vocation, celle de préserver la santé des êtres qui nous entourent, est incompatible avec la possibilité de donner la mort.
Puisse la loi rester en cohérence avec ce qui constitue l’essence de notre profession, de notre engagement et de notre serment, qui conditionne la relation que nous entretenons avec les personnes que nous accompagnons, et la confiance qu’elles nous accordent !
Marie Bacquelin - pour le Collectif Hippocrate
Liste des signataires :
Benjamin Autric (équipe mobile douleur, soins de support, soins palliatifs GHM Lyon), Bacquelin (gériatre CH Bugey Sud), Isabelle Chazot (Médecin en EMSP-USP au CH du Puy-en-Velay), Alix de Bonnieres (Médecin USP Paris), Esther Decazes (Rouen), Clémence Joly (USP Pont Audemer - Eure), Myriam Legenne (Médecine Palliative HCL), Colette Peyrard (Médecin SP à la retraite Bénévole d'accompagnement à l'USP du Centre Léon Bérard à Lyon), Dr Julie POUGET (– Médecine Palliative – Cheffe de Pôle Soins de support- MSPB Bagatelle), Nicolas Sena (Roubaix), Sylvie Schoonberg (EMSP Agen), Arnaud Vaganay (coordonnateur des soins de support, équipe mobile de soins palliatifs, hôpitaux Nord-Ouest, Villefranche sur Saône), Laurence Bourgeois (coordinateur DAS Appui Santé Aisne), coordinateur EHPAD Bellevue Chateau Thierry