PREMIÈRES NOTES
par Frédéric Moreau
1. C'est le film d'un cinéaste en pleine forme. Au top. Pleine maîtrise des moyens narratifs, formels, moraux… Pleine forme physique. L'Allemand a toujours été un athlète, mais l'athlétisme de ses films fut parfois outré, maladroit, gonflé : trop d'exploits, pas assez de sport. Ici, non. Son Bad Lieutenant est le film moins malade de ce début d'année. Le plaisir pris à le faire est évident, palpable. Cet homme qui danse le hip hop au dessus de son cadavre, vous l'avez reconnu : c'est Werner Herzog. Il exulte. C'est clair : il sait que personne, aujourd'hui, ne fait ça.2. Ce n'est pas le film d'un revenant : Herzog n'a jamais cessé de tourner, souvent au rythme de plusieurs films par an, courts, longs, documentaires, fictions. C'est pourtant bien un film de fantômes. La musique de la fin – l'Amérique, le poulet – de La Ballade de Bruno pendant la danse évoquée à l'instant. Nicolas Cage qui imite Aguirre, même dos voûté, même entrée dans le cadre « par la caméra ». Qui imite Nosferatu, celui de Murnau, mais aussi celui de Herzog et de Kinski, à nouveau : fantôme d'un fantôme d'un fantôme. Le souvenir obsédant et insaisissable du Bad Lieutenant de Ferrara, dont ce film est et n'est pas un remake. Katrina. La deuxième chance offerte à un héros qui ne la mérite pas. Brad Dourif – Le Malin de Houston – en book-maker à queue de cheval, un fils à papa dont les «Oh yeah» sont comme d'un exorciste. Etc. Etc. Bad Lieutenant est un film magique. Vaudou, oui, on peut le dire aussi.
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