MONTEZUMA MON AMOUR
France vs Mexique 0 - 2
Tu n'as rien vu à Polokwane. Pour savoir ce que l'on a vu et ce que l'on a pas vu jeudi soir, lors de France-Mexique, il faut commencer par comprendre qu'avec l'équipe de France on ne voit jamais tout. Le jeu de l'équipe de France, tout au moins celle des dernières quinze années, est un film dont tout n'est pas visible. Revoyez les matches depuis 1998. Vous avez en tête de grands gestes, tout à la fois athlétiques et théâtraux : l'individu en acte servi par le plan serré ou moyen - un doigt sur la bouche de Thuram, deux têtes de Zidane sur corner, un débordement de Pirès pour Wiltord. Mais le jeu - l'œuvre collective, la pensée qui l'anime - vous ne l'avez pas vu, de vos yeux vu. Ils ont pourtant dû jouer, puisqu'ils ont gagné des titres et des matches qui ont marqué l'histoire de ce sport.
Oui, ils ont joué, mais d'un jeu qui n'a pas d'image. Prenez au contraire le jeu du Mexique, comme celui de l'Argentine, du Portugal ou de l'Espagne. Ce sont des jeux dont il existe une image, tout simplement parce que le geste individuel y trouve immédiatement sa signification dans le plan large : le geste d'un seul est toujours la pointe d'un triangle, d'un quadrilatère régulier ou quelconque, l'une de ces figures en lesquelles le mouvement collectif s'exprime. On monte facilement le plan serré en insert des plans larges, sans rompre la logique du mouvement, puisque le jeu manifeste son sens dans l'image même : sa pensée s'incarne sous la forme sensible de la géométrie. Dans le jeu français, qu'il soit gagnant ou perdant, la difficulté est qu'il n'existe pas de tel schème visible de l'intelligibilité du jeu : il n'y a que des images individuelles, qui travaillent, sous l'image, à faire surgir d'autres images individuelles.
épisodes précédents :