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Billet de blog 1 novembre 2022

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Une concertation sur les services publics pour ne rien changer

Le 28 octobre dernier, le collectif Nos services publics a participé à la concertation sur les services publics organisée par le ministère de la transformation et de la fonction publiques. On n'en attendait pas grand-chose... Mais retour sur cette journée qui ne fait malheureusement que confirmer que rien ne changera.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Échanger avec un gouvernement qui porte haut le dénigrement des fonctionnaires et qualifie l’administration d’ “Etat profond”, le collectif a hésité avant d’y aller. Toutefois, prenant en compte le fait que dans une démocratie, l’échange est le mode de résolution normal pour gérer les conflits, nous avons finalement tranché collectivement en faveur d'une participation

La matinée n’a pas été décevante : 

  • le ministre Stanilas Guérini a annoncé qu’il voulait redonner du sens au service public, répondre aux problèmes d’attractivités, rompre avec le dénigrement systématique des fonctionnaires ;
  • Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a rappelé qu’il ne fallait pas trop dépenser. Il faut donc investir mais sans dépenser ;
  • François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a donné sa méthode : “poser les objectifs, fixer les moyens” et “pour permettre l'épanouissement des agents, les laisser libres de trouver la méthode pour y arriver !”.  

Dans l’ensemble, le ton était plutôt très unanime. Tout le monde voulait, à l’unisson du ministre, « redonner du sens », « réinvestir massivement dans l'humain » et « mettre fin au dénigrement systématique des fonctionnaires ». On l’avoue, on avait envie d’applaudir.

Mais cette unanimité tranchait avec ce qui nous remonte du terrain. Il y a un an, le collectif recueillait plus de 3 000 témoignages d’agents confrontés à la perte de sens au quotidien qui se retrouve à tous les niveaux :

  • chez Isabelle, enseignante d’anglais, à qui on demande de faire classe à 35 élèves, en donnant priorité à l’interaction orale ;
  • chez Stéphanie, cette kiné du sud-est quand elle nous raconte devoir rééduquer à la marche, quelqu’un qui sera contentionné le reste de la journée ;
  • chez Eric, ce jeune administrateur territorial, à qui l’on demande à l’automne des idées de nouveaux projets, et 6 mois plus tard, de nouvelles pistes d’économies…

… mais aussi chez les commissaires de police débordés par la politique du chiffre, les personnels du soin qui se sentent déplacés comme des pions, les agents de l’Office national des forêts que l’on ne remplace plus… Ces injonctions contradictoires entre les grandes paroles des politiques et la réalité du terrain provoquent la perte de sens que nous constatons au quotidien. 

Et si tout n’est pas une question financière, il est impossible de se voiler la face : fournir un service, c’est aussi une question de moyen. Or, l’ensemble des interventions allait dans le même sens : il faut faire mieux avec moins. Cela était au moins cohérent avec le fait qu’au même moment, à l’Assemblée nationale est discuté le 2e budget le plus austéritaire des 20 dernières années

On le comprend : à ce stade, aucune solution concrète ne sera apportée à Isabelle, Stéphanie, Eric et toutes celles et ceux qui fabriquent le service public sur le territoire. Alors, certes, l'école ou l'hôpital ne vont pas s'effondrer d’un bloc. Notamment car les agents publics ne les laisseront pas tomber. En revanche, un risque nous guette : celui de la dégradation méthodique de leur qualité et peu à peu de leur universalité. Lorsque le service public ne s’adressera plus qu’aux usagers et aux usagères qui n’ont pas les moyens d’aller ailleurs, il sera trop tard. Cela a déjà commencé : les plus riches inscrivent leurs enfants à l’école privée Montessori (+110% d’établissements scolaires hors contrat depuis 2010), payent les frais d’inscription des écoles de commerce (2x plus de créations de place d’enseignement supérieur privé que public sur le dernier quinquennat), et vont se soigner dans les hôpitaux privés (+40% de places d’hospitalisation dans le secteur à but lucratif entre 2013 et 2020), le tout parfois largement financé par des dotations publiques. La sécession des élites, c’est la possibilité pour une partie de la population de contourner les services publics lorsqu’ils sont défaillants, maltraitants, qui excluent les plus précaires, notamment celles et ceux qui ne maîtrisent pas la numérisation.

Pourtant, au sein de Nos services publics, nous pensons que la réponse aux crises actuelles - et en particulier à la crise climatique - nécessite une bascule majeure de richesses et de pouvoir du privé vers le public, du secteur rentable vers le secteur démocratique. C’est ce que nous avons indiqué au ministre lorsque nous avons pris la parole. Nous avons rappelé que nous croyons que seule une société gouvernée par le bien commun nous permettra de sortir de l’impasse dans laquelle des décennies de privatisation et de libéralisation ont plongé l’humanité. Nous devons nous réinventer massivement, adapter nos services publics et notre société. La transition écologique sera impossible sans équité. Elle sera impossible si elle est punitive pour les plus fragiles, et se borne à constituer l’opportunité d’une meilleure vie pour les 1% les plus riches. En attendant, comme nous l’avons rappelé lors de notre intervention, ce ne sont pas les services publics qui craquent, c’est le soutien du pouvoir politique. Au vu des trajectoires actuelles, il va falloir une très sérieuse inflexion pour redresser la barre, rendre leur vocation universelle aux services publics et recréer à travers eux, la cohésion nationale. Nous nous y attelons déjà.

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