Il y a quelques jours, le collectif Nos services publics publiait une somme de plus de 300 pages, retraçant l'évolution des services publics des dix aux quarante dernières années.
Trois jours plus tard, nous nous essayons au défi de résumer ces 300 pages en quelques mots.
D'où vient ce projet ?
Il vient d'un paradoxe : les tensions autour des services publics s'accroissent en France, au point qu'on dit parfois que « ça craque ».
Et pourtant, il y a aujourd'hui plus d'agents publics qu'il y a vingt ans. Plus d'argent public dépensé, aussi.
Comment l'expliquer ?
C'est toute la nouveauté du rapport : comparer l'évolution des services publics à celle des besoins sociaux. Car la société se transforme :
• Un jeune sur quatre obtenait le bac il y a 40 ans, 4 sur 5 aujourd'hui ;
• on a observé une augmentation de 30% des maladies chroniques en 10 ans ;
• le nombre de kilomètres a été multiplié par cinq en 60 ans ;
(Etc.)
Notre travail documente point par point ces évolutions des besoins.
Il constate, à l'inverse, que les moyens des services publics n'ont pas suivi, marqués par l'injonction à la baisse des dépenses (moins d’impôts, moins de fonctionnaires).
Entre besoins et moyens, on observe un écart croissant.
C'est le deuxième point majeur du rapport : dans cet espace croissant entre besoins de la population et moyens des services publics, on voit se développer une forte progression du secteur privé.
Cette progression du secteur privé vient en retour déstabiliser le service public.
Et le tout, financé par l'argent public.
Ce mouvement est impressionnant car systématique, dans tous les secteurs. Dans l'éducation, les écoles privées sous contrat scolarisent une part croissante d'enfants de parents diplômés.

Agrandissement : Illustration 1

L'éducation nationale apparaît, en comparaison, de plus en plus ségréguée. Le tout sur fonds publics.
Dans la santé, on retrouve un schéma similaire : le secteur privé à but lucratif se concentre sur les actes les plus rentables, comme la chirurgie ambulatoire par exemple, laissant au secteur public :
• les urgences
• les soins lourds (comme la réanimation)
• les patients précaires
Le tout sur fonds publics.
En réalité, public et privé ne sont pas « en concurrence », ils ne font pas le même métier :
• les services publics accueillent inconditionnellement
• ces secteurs privés lucratifs sélectionnent par l'argent et choisissent les segments les plus rentables et/ou les plus simples.

Agrandissement : Illustration 2

Deuxième conséquence de cet écart entre besoins et moyens publics : la hausse des inégalités.
En 10 ans,
• 10 départements qui étaient déjà au-dessus de la moyenne nationale ont vu leur nombre de médecins par habitant augmenter ;
• 48 départements en dessous de la moyenne voyaient leur nombre de médecins par habitant baisser.
Troisième conséquence : la rupture croissante avec la population et avec les agents des services publics.
L'exemple de la numérisation est marquant : le fait qu'elle se soit substituée totalement aux guichets de proximité a ainsi été sanctionné par le Conseil d’État et la CEDH.
Enfin, chez les agents aussi, la rupture est flagrante :
• on observe une stagnation de la rémunération réelle depuis 2009, quand elle augmentait de 13% dans le privé ;
• une division par 4 du nombre de candidats aux concours de la fonction publique d'État en 25 ans ;
• perte de sens dans le travail
(Etc.)
Redisons-le en deux phrases : l'écart qui se creuse entre les besoins sociaux et les moyens des services publics conduit à une marchandisation croissante de la réponse aux besoins, à une hausse des inégalités et à une rupture avec la population et les agents.
C'est un choix de société que nous mettons en lumière, car l'impératif climatique va continuer d'accroître les besoins sociaux.
Deux options : ou l'on y répond collectivement, par les services publics. Ou l'on y répond individuellement, par une prise en charge individuelle privée, aujourd'hui en expansion.
Ce choix est d'autant plus crucial que, sans débat démocratique, la tendance des 20 dernières années est d'emprunter à ces deux options ce qu'elles ont de plus inégalitaire : un recours croissant au secteur privé, subventionné par l'argent public.
Ce débat, le collectif Nos services publics le portera dans les mois à venir. En relayant nos messages, les articles qui en parlent ou en rejoignant ou soutenant le collectif : n'hésitez pas à nous y aider !
Pour aller plus loin, le rapport est disponible sur le site du Collectif Nos services publics.