Olivier Buisson - Naturaliste, administrateur de l'ANA-CEN Ariège:
"Notre maison brûle et on regarde ailleurs..." ai-je entendu quelque part. La biodiversité s'effondre. Pas seulement les ours blancs et les gorilles. Chez nous aussi. Devant notre porte. La première cause de ce déclin est la disparition ou la dégradation des habitats. Mais en Ariège, me direz-vous, on pourrait croire que nous vivons dans un écrin de nature et que nos milieux naturels sont préservés des destructeurs. En êtes-vous sûr ?
Voilà qu'un projet immobilier vient s'installer à Montbel. Attention là c'est différent, il s'agit d'un projet écoresponsable. On va valoriser sans détruire nous dit-on.
Sauf que le lieu choisi est un écrin de biodiversité d'une richesse exceptionnelle dans le secteur. Tout autour, les milieux naturels sont soumis à une pression forte : fréquentation, activités nautiques, agriculture... Au milieu de cette zone se maintient un îlot de quiétude : le lac constant et le bois de la Fajane. Forêt dense, broussailles, accès difficile. Le lac constant accueille des herbiers de plantes rares dans la région. Le bois de la Fajane est la relique d'une forêt ancienne dont la présence remonte à bien avant le remplissage du lac. Ce type de milieu où la forêt de feuillus borde l'eau stagnante est rarissime en plaine dans notre département. On trouve encore ici des espèces dont la présence en plaine est devenue rare : sapin pectiné, grenouille rousse, vipère aspic. La liste des espèces qui fréquentent le secteur pour hiverner, se nourrir, se reproduire, s'abriter est impressionnante : Insectes, Amphibiens, Reptiles, Chauve-souris, Oiseaux... Je ne vais pas les citer toutes ici. Elles sont listées dans l'ABC (Atlas de la Biodiversité Communale) que la communauté de commune avait commandé et que l'ANA-CEN Ariège a mené de 2018 à 2020. La conclusion de l'ABC est que la zone la plus riche de la commune est bien ce lac constant et ce bois où Coucoo veut installer son projet immobilier.
Sans détruire ? Aux 25 "cabanes" de luxe qui devraient remplacer arbres et arbustes, il faut ajouter les voies d'accès et les zones débroussaillées pour éviter les incendies (50 mètres autour de chaque cabane, 10 mètres autour des chemins). La zone de quiétude, cet écrin de biodiversité, va changer radicalement d'aspect. La forêt va être traversée de "couloirs". Ces larges zones dénudées ne seront plus empruntées par les Amphibiens, Reptiles et Insectes, au risque d'y être écrasées ou prédatées. La fréquentation, le bruit vont augmenter considérablement, faisant fuir ou disparaître les espèces les plus sensibles (qui sont généralement les plus rares et les plus menacées).
Écoresponsable ? Ce qui serait écoresponsable, ce serait d'installer le village de cabanes dans une zone fortement dégradée et de créer des plantations et des aménagements pour y faire revenir la faune. A Montbel ce projet ne l'est certainement pas. Ce n'est qu'une attaque de plus sur un milieu naturel préservé. Le lac constant et le bois de la Fajane sont des richesses pour notre département et notre devoir est de les conserver en l'état."
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Claudine Delmas - Naturaliste-photographe, bénévole à l’ANA-CEN Ariège et Nature en Occitanie (Groupe herpétique, veille écologique)
"J’ai signé la lettre du collectif car nous devons aujourd'hui préserver au sein de nos campagnes ces espaces peu ou non urbanisés, derniers refuges pour la faune et flore sauvage, et si essentiels pour nous-mêmes. Nous avons la chance en Ariège d'en abriter encore, mais pour combien de temps si nous n'y prenons pas garde ? Ce projet est incompatible au maintien de la biodiversité actuelle et des écosystèmes en place. L’ étude environnementale incomplète des porteurs du projet n'a eu de cesse de minimiser les impacts réels sur la faune, la flore et les milieux naturels. L’étude naturaliste réalisée avec le concours de Nature en Occitanie démontre toute cette richesse écologique et mets en évidence les impacts du projet. L’Atlas de Biodiversité Communale autour du lac de Montbel réalisé par l’Association des Naturalistes de l’Ariège Conservatoire des espaces Naturel Ariège conforte cette analyse.
Coucoo, sous couvert d’écoresponsabilité, qui s’apparente ici plutôt à de l’écoblanchiment où greenwashing*, avec la complaisance des pouvoirs publics urbanise des espaces naturels, agricoles et forestiers à l’origine inconstructibles. Cette pratique doit être dénoncée car il s’agit là ni plus ni moins de contourner la législation en vigueur sur la protection de ces espaces et des espèces protégées qui y vivent pour permettre l’implantation de leurs projets dans des zones à forts enjeux environnementaux.
Anthropisation, urbanisation, artificialisation et marchandisation de la nature. Voilà l’ ADN de Coucoo.
*Greenwashing : procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique nationale ou territoriale, etc.) dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse)."
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Christian Cordelier - Naturaliste indépendant (flore, mammifères, papillons de
jour, odonates, orthoptères, amphibiens, oiseaux, poissons d'eau douce...)
formateur en biodiversité, adhérent SNPN et SOS Busards.
"Malgré tout ce que Coucoo peut dire, la réalité c’est qu’il va y avoir encore un espace (de plus) de Nature qui va être impacté pour satisfaire le plaisir de quelques-uns et l’enrichissement d’autres.
Egalement encore un espace dans lequel tout un chacun peut se ressourcer gratuitement, se retrouver en communion avec la faune et la flore sans leur porter préjudice ; mais qui ne sera plus.
De plus à force d’aménager des espaces naturels l’amoureux de la Nature se reporte sur les quelques endroits sauvages encore restants… mais il y a à cela une double conséquence : d’une part c’est une fréquentation accrue des milieux naturels reliques avec un impact sur les espèces qui les peuplent et d’autre part de plus en plus d’interdictions venant de leurs propriétaires qui ne veulent pas constater un surcroît d’affluence.
Au final nos enfants devront-ils se résigner à ne plus pouvoir savourer ces moments si importants pour notre bien-être ?
Devront-ils également pleurer sur ces espaces perdus ?
Et se retourner vers nous en nous demandant comment nous avons pu laisser faire ?
Il ne faut pas perdre de vue une logique :
A l’échelle des temps, c’est le Vivant non humain qui a créé nos propres conditions d’existence.
Aujourd’hui c’est l’humain qui détruit les conditions d’existence du Vivant.
Exprimé autrement : l’art et la manière de scier la branche sur laquelle on est assis !
Et tout cela pour qui ? pour quoi ?
L’humanité est certainement en train de vivre le siècle (les décennies) dans lequel tout peut basculer irrémédiablement, il serait temps – vraiment – d’ouvrir les yeux et à minima d’arrêter une telle consommation des espaces de Nature pour des enjeux non primordiaux à notre survie."
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Carine Delmas - Naturaliste, ornithologue amateur, bénévole ANA-CEN Ariège: Nature en Occitanie/Administratrice du centre de Sauvegarde de la Faune Sauvage (Millau 12).
"Préserver la nature selon Coucoo = Maximiser l' atout Capital Nature. Eco tourisme, Eco domaine, Eco lodge, Eco sensible, Eco responsabilité, calendrier Ecologique des travaux encadrés par les Ecologues...
(tout cet Eco blabla est déballé en quelques lignes dans le document :demande d'examen au cas par cas préalable a la réalisation d'une évaluation environnementale 9/7/2020)
Pourquoi autant d'arguments "Eco » pour justifier la réalisation de "simples cabanes » innocentes ? Bon ils ont oublié l' Eco baignoire, tant pis ! Eco nomie d'eau exige ? Les « cabaneurs » comprendront grâce à Coucoo qui est là pour les sensibiliser à la protection de la nature qu'ils viennent d' aménager pour eux.
L' Etat lutte contre la cabanisation « sauvage » dans la nature. Nos élus encouragent la cabanisation de luxe au lac de Montbel... Cherchez l'erreur !
Amis touristes, et amoureux de la nature, ne vous y trompez pas, vous ne participerez pas à la protection de la nature en louant très cher une cabane estampillée écolo, qui aurait poussé un matin presque « naturellement » en harmonie au beau milieu d'un espace qui évolue librement depuis 40 ans, vierge de tout aménagement touristique.
La réalité est moins enchantée ; c'est un parc résidentiel de loisirs, 25 logements, des stations d'épuration, des réseaux d'adduction d'eau et d'électricité. Un véritable quartier urbanisé qui s'étendrait en pleine zone naturelle. Encore de la consommation d’espaces naturels et agricoles pour un type de projet qui pourrait se réaliser en continuité de zones déjà aménagées.
La cabane isolée au bord d'un lac perdu au Canada, ce n'est pas à Montbel. Ça sent quand même l'arnaque à la carte postale..."
"Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ?" (Sylvain Tesson)