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Billet de blog 12 juillet 2025

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Pompes sur mesure - épisode 21

Vingt-et-unième épisode de « Pompes sur mesure », écrit par le metteur en scène et ancien maître de cérémonie Robert Valbon, récit de son travail et de son vécu aux côtés des endeuillés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

DIX-SEPT

 Ma copine Alima, effondrée, m’informe il y a un mois que son presque frère a eu un infarctus. Avant-hier, elle m’annonce sa mort, avec la manifestation de la douleur propre aux Magrébins.

Après une heure et demie passée chez elle en soirée pour recueillir les infos nécessaires, il m’a fallu une heure le lendemain matin pour écrire l’hommage. La cérémonie fut très émouvante, parfaitement réussie. De nombreuses personnes sont intervenues, j’ai pu improviser de temps en temps. Des femmes m’ont même demandé si j’étais un imam !

Et c’est ici que le passage du rouge au noir de ma monture s’explique. Cet hommage préparé dans l’urgence, dans une salle de réunion de ma ville, en l’absence du défunt... tout cela était vraiment spécial. Avec la satisfaction du travail accompli, je rentre chez moi un peu perdu dans de pompeuses pensées. En sortant du tunnel, je me prépare à doubler une fourgonnette qui se range sur le côté. Tout va bien, je suis arrivé dans trois minutes.

Le type de la fourgonnette se rabat à droite non pour me laisser passer mais pour faire un demi-tour, sans clignoter évidemment. Il n’a rien à foutre de la moto, de mon clignotant, de la ligne blanche, du reste du monde. Je m’écrase sur le coin arrière gauche de sa poubelle. La bécane est pliée, mes couilles ressemblent à des figues bien mures. Mais je tiens suffisamment debout pour ranger la moto sur le trottoir, ramasser les débris et tenir tête à ce connard qui refuse de faire un constat.

Ne pouvant pas me passer d’un deux-roues, je trouve quelques jours plus tard la même moto, plus récente et parfaitement noire. Ce qui va renforcer le côté professionnel de mes prestations.

 samedi 10

Hommage A

Abdel Hafid H, 52 ans

versets du Coran (en musique)

Mesdames, Messieurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre un tout dernier hommage à Monsieur Abdel H. Actuellement, son corps est au funérarium de l’hôpital P à Paris, il sera transféré à Tanger pour être inhumé mardi dans la tradition marocaine, en présence de sa mère.

Il n’existe pas de discours capable d’estomper une perte. En revanche, mes paroles peuvent offrir une ressource de sens : aider à passer le deuil, à construire la relation à ce qui est perdu.

La cérémonie qui suit la disparition d’un être aimé échappe à… impro sur la routine. Nous sommes ici, à A, la ville de Hafid, pour vivre ensemble une étape, pour reprendre le souffle qui s’est suspendu avec sa mort. Une respiration nécessaire, indispensable, afin de laisser aller les souvenirs, les joies passées, la tristesse bien présente. Hafid H nous a quittés jeudi, la veille de ses cinquante-trois ans.

Il y a un mois, alors qu’il était au Maroc, Hafid a eu un infarctus. Rapatrié à Paris, il a parfaitement supporté l’assistance cardiaque réalisée à l’hôpital P, mais son cerveau n’a pas tenu.

Cinquante-trois ans, c’est beaucoup trop tôt pour mourir. Et c’est arrivé tellement soudainement que la douleur est insupportable.

Btissem, Camelia, Latifa, Azdin, Hassan, Mohamed, c’est aujourd’hui votre premier chagrin pour lequel votre papa, votre époux, votre frère, ne pourra pas vous consoler. Nous sommes ici, avec vous, avec Alima (sa grande sœur d’adoption) pour tenter d’adoucir la brutalité de cette douleur.

HLM (Renaud)

Les HLM, Hafid connaissait. Né à A le 9 janvier 19…, il a vécu au Val Notre-Dame, puis à la cité de Gode. Son enfance, puis sa vie d’adulte, c’est ici qu’il les a vécues. Avec beaucoup d’événements, des deuils : ses deux sœurs, son frère il y a un an, des joies : la naissance de ses filles et l’amour de Latifa. Il a vécu avec beaucoup de courage, et d’humour aussi, car il lui a fallu apprendre à vivre avec une vue extrêmement faible. La malformation des nerfs optiques qu’il a connue dès l’enfance s’est aggravée ces dernières années ; Hafid distinguait très mal les formes et les couleurs. Ce qui ne l’empêchait pas, bien au contraire, de prendre toute sa place, d’assumer ses responsabilités, de s’engager.

Alima prend la parole

Adulte, Hafid apprend le braille (grâce à l’Institut Valentin-Haüy), fait une formation de standardiste, et intègre la très riche et nombreuse équipe du personnel communal de notre bonne ville, et notamment la commission handicap.

le premier adjoint prend la parole

Ses collègues se souviennent de l’homme élégant (chaussures cirés, chemises repassées, rasé de frais), de sa grande politesse. Parmi ses qualités, outre le courage que j’ai déjà évoqué, on se souvient du rire et de son talent de comédien. Très généreux, sociable et fidèle en amitiés, Hafid s’intéressait à tout et adorait parler de tout. Il aimait également la musique, la poésie.

De Mahmoud Darwich, “Et nous, nous aimons la vie autant que possible” :

« Nous dansons entre deux martyrs.

Entre eux, nous érigeons pour les violettes un minaret ou des palmiers

Nous aimons la vie autant que possible

Nous volons un fil au ver à soie pour tisser notre ciel, clôturer cet exode

Nous ouvrons la porte du jardin pour que le jasmin inonde les routes comme une belle journée

Nous aimons la vie autant que possible

Là où nous résidons, nous semons des plantes luxuriantes

et nous récoltons des tués

Nous soufflons dans la flûte la couleur du lointain, lointain,

et nous dessinons un hennissement sur la poussière du passage

Nous écrivons nos noms pierre par pierre.

Ô éclair, éclaire pour la nuit, éclaire un peu

Nous aimons la vie autant que possible. »

un frère (soutenu par 2 belles-sœurs)

rappel sur le sportif, le judo

j’ai sucré la suite prévu dans mes notes, déjà évoquée par Alima

Le militant : sans papiers / manifs de 95-99 / St-Ambroise à Paris / Centre pastoral / Palestine / Ali Ziri / FCPE / association Boum Europe

Révolution (Nas al Ghiwan)

Khalil Gibran (Le Prophète) “la Joie et la Tristesse” :

« Une femme dit alors : Parle-nous de la Joie et de la Tristesse.

Il répondit :

Votre joie est votre tristesse sans masque.

Ce même puits d’où jaillit votre rire fut souvent rempli de vos larmes.

Comment en serait-il autrement ?

Plus profondément la tristesse creusera dans votre être, plus abondamment vous pourrez le combler de joie.

La coupe fraîche qui contient votre vin n’est-elle pas celle-là même qui fut brûlante dans le four du potier ?

Et le luth qui apaise votre esprit, n’est-il pas de ce même bois qui fut taillé à coups de couteau ?

Lorsque vous éprouvez de la joie, sondez votre cœur et vous trouverez que seul ce qui dans le passé vous a causé de la peine fait à présent votre bonheur.

Et dès lors que la tristesse vous envahit, sondez de nouveau votre cœur et vous verrez qu’en vérité vous pleurez sur ce qui autrefois vous a rendu heureux.

Certains d’entre vous disent que la joie est plus grande que la tristesse, et d’autres de soutenir le contraire.

Mais moi, je vous dis qu’elles ne sont point séparables.

Elles marchent la main dans la main ; et quand l’une vient s’attabler seule avec vous, n’oubliez pas que l’autre s’est assoupie sur votre lit.

En vérité, vous êtes comme les plateaux d’une balance, oscillant entre votre joie et votre tristesse.

Il faudrait que vous soyez vide pour rester immobile et en équilibre.

Et quand le gardien du trésor vous soulève pour peser son argent et son or, vous ne pouvez empêcher votre joie ou votre tristesse de faire pencher la balance. »

Stairway to heaven (Led Zeppelin)

prises de parole : Omar, Francis, Fouzia, remerciements de la veuve

Ce qui fait la valeur d’un instant, c’est qu’il nous offre la possibilité de sortir du temps, de rencontrer cela même qui est au-delà du temps : la vérité, la beauté, le monde ou son mystère.

Non seulement nous vivons avec nos morts, mais cette relation intérieure que nous avons avec eux est une des choses les plus intenses et les plus belles qu’il nous soit échu de vivre.

Faire son deuil, c’est à la fois accepter une perte, préserver quelque chose de la personne sous la forme de souvenirs qu’on a intériorisés, et ainsi se raccommoder : continuer à vivre pour soi.

Envole-moi (Goldman)

je rappelle la présence du cahier de condoléances et le rendez-vous pour la levée du corps

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