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Billet de blog 17 mai 2025

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Pompes sur mesure - épisode 13

Treizième épisode de “Pompes sur mesure”, écrit par le metteur en scène et ancien maître de cérémonie Robert Valbon, récit de son travail et de son vécu aux côtés des endeuillés.

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DIX

 vendredi 10

 Lorsque je participe à des funérailles dans l’assistance comme aujourd’hui, j’aimerais utiliser mes compétences professionnelles. Cécile H (quatre-vingt-dix ans), ancienne élue de Bobigny, mère d’un de mes bons copains d’enfance, est enterrée par les PFG à La Courneuve.

Pour cette fois, le cimetière ne dégage aucun romantisme. Sans doute à cause de l’autoroute qui le borde et anéantit sans vergogne les odeurs et les bruits.

Sans surprise, les croque-morts bâclent le boulot, bafouillent l’identité de la défunte, s’emmêlent dans les câbles d’une sono défaillante, c’en est ridicule. Ayant présagé que cet enterrement serait bien tristounet, je me suis préparé à dire quelques mots en demandant au préalable l’autorisation à mon pote Philippe.

Arrivé sur place, j’interroge deux amies de Cécile pour alimenter mon propos. Durant la cérémonie, les trois enfants et un petit-fils ont lu un très beau texte qu’ils ont composé à partir d’un propre écrit de leur maman. J’interviens à la fin, pas plus de trois minutes. Je fais le lien avec Odette et Madeleine[1], toutes deux figures de la lutte antinazie comme le fut également Cécile. Je parle de sa modestie, de sa chaleur, son charme, sa douceur contagieuse, son caractère posé, et bien sûr son époux Albert qui nous a toujours fait rire. J’évoque son arrivée à Bobigny alors que mon père était maire et qu’il s’était entouré d’une équipe intelligente à forte proportion féminine. Cécile avait su à son tour mettre ses compétences au service des administrés. Je conclus avec une très jolie image rapportée par une cousine du Val d’Aoste : « Nathalie, Jean-Claude, Philippe et vos enfants, c’est maintenant votre premier chagrin pour lequel votre maman, votre grand-mère, ne pourra pas vous consoler ».

Vous retrouverez souvent cette image dans les funérailles qui suivent.

C’est le moment de m’expliquer sur la construction du récit. J’ai choisi de conserver les formules telles que je les prononçais – au risque de lasser le lecteur, j’en ai bien conscience – parce que chaque cérémonie fut une “aventure” indépendante. J’ai travaillé ces phrases avec le plus grand sérieux. Je les ai utilisées en piochant selon les circonstances dans le catalogue ainsi constitué. Cette littérature de prêt-à-porter funéraire glissée çà et là au gré des chapitres me permettait d’introduire la personnalisation et l’authenticité de mes hommages. Lorsque je prononçais telle ou telle sentence bien tournée, cela résonnait en moi comme un écho des obsèques précédentes et à venir. La répétition me procurait une tranquillité qui alimentait ma maîtrise… de la cérémonie.

[1] Odette Nilès, Madeleine Riffaud

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