SEPT
Outre le travail d’écriture réalisé pour chaque cérémonie, j’effectuais également une recherche musicale d’après les informations que j’avais pu recueillir lors des contacts téléphoniques. Souvent, on me rappelait ou on me laissait un texto afin de modifier telle interprétation, ou remplacer telle chanson.
Pour éviter la déconvenue liée à un appareil de diffusion sonore absent ou défectueux, j’avais prévu d’acheter une enceinte amplifiée rechargeable de bonne qualité. J’y connecterai mon magnéto numérique, une clé USB et même un micro HF. Ainsi, je serai paré pour les chambres funéraires et les cimetières. Les crématoriums disposent quant à eux de leur propre sonorisation. Rien ne m’obligeait à cette application, mais la musique est quand même mon métier de base. Les convois y gagneront en qualité émotionnelle.
vendredi 12
chambre funéraire C, cimetière C
Geneviève L, 88 ans (Paris 13)
Préparation funérarium fleurs, sono, musique (Allegri Miserere)
Église portage cercueil, placement de la famille, livre condoléances, annonce
Cimetière
Proclamation
Mesdames, Messieurs, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour rendre un dernier hommage à Madame Geneviève L. La famille vous remercie pour votre présence en ce moment de deuil.
Selon sa volonté, Madame L sera inhumée.
Bio
Utiliser la cérémonie à l’église pour compléter impro
Née le 23 mars 19… à Paris 13e, Geneviève L nous a quittés lundi dernier. Durant sa longue vie, Geneviève s’est consacrée à sa nombreuse famille.
Vous pleurez la maman, la mamie, la tante, l’arrière-grand-mère, l’amie, vous pleurez cette femme qui a su si bien remplir vos vies.
Aujourd’hui, le temps est bousculé, presque stoppé, comme si Geneviève voulait vous retenir encore un peu pour vous dire, pour chuchoter au creux de votre douleur, de poursuivre vos vies… et d’être heureux. Comme elle vous l’a enseigné.
Je veux vous dire à vous ses enfants : Marie-Josée, Jean-Paul, Dominique, André, Frédéric… Marie-Philiberte (dite Mimie), à vous ses petits-enfants : Olivier, Sophie, Sylvie, Karine, Wilfried, Jérémy, Fanny, Marine, Vincent, Alexandre, Océane, ses arrière-petits-enfants : Maurine, Cloé, Marion, Nathan, Robin, Zilya, je veux rappeler ici la richesse d’avoir dans une famille une “ancêtre” sur laquelle on peut se reposer en toute confiance !
Mémoire
Tricot impro sur le tricot, sujet inépuisable !
Séparation
Nous allons maintenant nous séparer définitivement de Madame Geneviève L.
Descente cercueil, inclination
Recueillement
je montre le chemin
En signe de dernier hommage, je vous invite à déposer quelques pétales dans la tombe, à faire votre geste d’adieu.
J’espère que la famille a bien vécu cet enterrement ; pour moi il fut gâté par plusieurs causes. Pour commencer, impossible d’entrer dans le funérarium de C. J’ai dû faire patienter une quinzaine de personnes qui s’énervaient. L’agence ne savait pas quoi répondre au téléphone. N’ayant pas pour habitude de rester les bras croisés devant une difficulté, j’ai bidouillé la gâche de la grille, suis entré dans la cour, ai réussi à aller plus loin grâce au code qu’un des porteurs conservait dans son téléphone. Malgré une alarme assourdissante, j’ai installé mon magnéto magique. J’avais confectionné des bouchons d’oreilles avec des mouchoirs en papier. Mais impossible d’ouvrir la grande porte arrière devant laquelle attendait le corbillard. Dommage parce que nous aurions rentré le cercueil et procédé à la mise en bière.
En contact permanent avec l’agence, j’ai appris que les types des PFG (qui gèrent ce funérarium comme des centaines d’autres établissements en France) auraient déjà fait ce coup-là.
Après une heure, un gars qui évidemment n’y était pour rien est arrivé avec la clé et a stoppé l’alarme. Avec les porteurs, nous avons agi au plus vite. J’ai participé à la mise en bière, aidé à habiller la défunte. Ce n’est qu’une fois la famille se recueillant dans le salon qu’un des fils me dit que sa mère ne portait pas le costume prévu ! Il y avait un sac poubelle avec des fringues effectivement, mais aucune consigne nulle part. J’ai rendu le sac à la toute fin, après avoir plusieurs fois présenté mes excuses. Je les réitère ici à toutes les familles qui ont pu se retrouver dans le même cas.
Le convoi est arrivé avec trois quarts d’heure de retard à l’église où nous attendait pas mal de monde pour une célébration minable. L’institution de l’Église apparaît maintenant dans toute sa splendeur. Je ne m’attendais pas à être ébloui, mais tout de même à un peu plus de classe, d’autant que nous étions dans une chapelle à l’architecture tout à fait charmante, très bien décorée.
Le jeune prêtre qui officiait était limite intégriste et un vieux chantre ânonnait plutôt qu’il ne chantait. L’assistance, au tiers croyante m’a-t-il semblé, était nombreuse. Quelques textes, religieux pour la plupart et sans aucun intérêt, ont été lus. Ils n’avaient rien à voir avec la défunte et ne m’ont été d’aucune utilité pour la suite. En revanche, comme c’était ma « première église », le même porteur m’a bien aidé en m’indiquant la procédure ; un super collègue que cet Aymeric, jeune, très compétent et sympathique.
Une fois au cimetière, avec une demi-heure de retard, il y avait la famille proche, soit une vingtaine de personnes. J’ai plus ou moins lu mon texte, brodé autour de la mamie, de l’amour, du tricot, et aussi de sa dernière fille morte (la défunte la rejoignait ainsi que ses parents dans le même caveau). J’avais appris tous les prénoms des enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, mais déconcentré par ces péripéties, j’ai utilisé mes notes.
Je n’ai pas ressenti d’émotion et me suis trouvé très mauvais ; ce qu’ont infirmé deux des petits-enfants. Ensuite, j’ai eu un mal de chien à leur faire quitter le cimetière, car ils attendaient la fermeture du caveau ! L’employé est arrivé très en retard (j’avais de nouveau téléphoné) et plusieurs personnes ne décollaient pas du tombeau. La famille est relativement aisée, catho, des gens habitués au pouvoir à n’en pas douter. Ils furent constamment très aimables avec moi, mais le peu d’informations que j’ai récoltées a été insuffisant pour compléter l’étape église.
Ce qu’il faut retenir : pour les cérémonies avec passage à l’église, le MC ne sert à rien d’autre qu’à contrôler que tout se passe bien. Aucun intérêt ! Bon, je me suis rattrapé au cimetière.