Malgré les attentats, malgré le cortège de basses polémiques sur les migrants ou sur le burkini, le chômage et l'emploi restent la préoccupation numéro un des Français[1].
Malgré les annonces sur une inversion de la courbe du chômage, les derniers chiffres du chômage ont passé sous silence que le nombre total d'inscrits à Pôle emploi à atteint 6,514 millions de personnes[2] : c'est tout simplement le record absolu !
Pourtant, cette rentrée annonce une nouvelle période de désinformation totale sur la question, empêchant de poser un diagnostic juste et de trouver des réponses adaptées.
Il suffit de regarder le programme des candidats à la primaire de la droite et du centre. Cette fois, il veulent tous bel et bien la peau des 35 heures. C'est même la course à celui qui proposera la plus longue durée du travail possible, voire la suppression de toute durée légale.
Il suffit encore de remarquer le silence absolu de la gauche de gouvernement sur la question du partage du travail.

Plus que jamais, il va donc être essentiel de remettre quelques pendules à l'heure dans le débat public.
D'abord, la plupart des interventions politiques et médiatiques font état d’une situation du marché du travail qui serait plus mauvaise en France que dans d'autres pays européens. L'Allemagne et le Royaume-Uni, avec des taux de chômage deux fois moins élevé que la France, seraient même « proches du plein emploi ». Cela est répété en boucle.
Sauf que c'est faux. Archi-faux. Certes, leur taux de chômage est proche de 5% quand le notre voisine avec les 10%. Mais que cache cet exploit statistique apparent ?
La réponse et simple, mais presque jamais évoquée. Dans tous ces pays, sans aucune exception, il y a au moins 25% de temps partiel !
Quand un quart des travailleurs est à mi-temps (Allemagne, Royaume-Uni, Danemark, Norvège, Autriche...), voire un tiers (Suisse) ou carrément la moitié (Pays-Bas)[3] : où est le prétendu « plein-emploi » ?!
La vérité doit être rétablie et répétée : il n'existe pas aujourd'hui d'économie proche du plein emploi.
Evidemment, cela n'arrange pas du tout ceux dont l'unique pensée est de taper sur les 35 heures en demandant de faire « les réformes nécessaires », c'est à dire moins de charges pour les entreprises et moins de protections pour les salariés. Pourquoi l'analyse qu'ils nous resservent pour 2017 est-elle totalement périmée ?
D'abord, parce que cette politique est menée de longue date en France et qu'elle n'a pas empêché le nombre de demandeurs d'emplois de franchir les barres des 4 et 5 millions sous Sarkozy, puis des 6 millions sous Hollande.
Ensuite, c'est un non-sens de persévérer dans une stratégie qui n'a pas marché ailleurs, dans la mesure où les pays qui sont allés plus loin que la France dans cette direction ne font pas mieux, redisons-le, contre le sous-emploi.
Il faut enfin s'arrêter sur le mensonge central qui pollue le débat sur l'emploi. La France travaillerait moins que les autres pays, serait donc pénalisée et récolterait le chômage qu'elle mérite. Alors, NON : la France ne travaille pas moins que les autres.
Soyons précis. La durée légale du travail à temps plein est de 35h. Un salarié français à temps plein travaille en moyenne 37,4h du fait des heures supplémentaires. Et lorsqu'on inclue dans le calcul les personnes à temps partiel, un salarié français travaille en moyenne 34,5h[4].
Voyez-vous déjà bondir la droite-primaire et ses perroquets ? « C'est bien ce qu'on vous disait ! ». Et bien, non. Vous répétez que la France est « le seul pays au monde qui a les 35h » et que « les Français travaillent moins que les autres ». Allons donc voir les autres.
Un salarié allemand travaille en moyenne 34,3h. Un salarié britannique travaille en moyenne 35,5h. D'autres exemples ? Le chiffre est de 35h en Finlande, de 34,6h en Suède. Et même de 33,4 h au Danemark ou de 30,4 h aux Pays-Bas. Et aux Etats-Unis, hein, aux Etats -Unis ? Et bien : 34,4 h[5].
Le résultat est sans appel. TOUS les pays auxquels la France est comparée travaillent autour de 35h, voire un peu moins. Et donc, NON, la France ne travaille pas moins que les autres.
Ces contrevérités empoisonnent le débat public et empêchent tout nouveau scénarios d'émerger. Le Collectif Roosevelt, à travers sa campagne nationale de mobilisation et son nouveau petit livre[6] a un rôle important à jouer dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Rien ne nous condamne à vivre dans une société où il faudrait choisir entre 10% de chômage et 25% de mini-jobs précaires.
Chiffres à l'appui, il faudra battre en brèche les mensonges idéologiques de la droite. Mais il faudra aussi lever le tabou qui empêche une grande partie de la gauche de passer à l'action. Proposons, clarifions, donnons envie : il ne s'agît pas d'une bataille d'experts, mais bien d'un nouveau projet de société. Les Français attendent cela, pour peu qu'on leur explique.
Bonne rentrée à toutes et à tous !
Jean-Marie Perbost, Co-fondateur du Collectif Roosevelt
[1]Etude Yougov septembre 2016 -
[2]Dares, Séries mensuelles nationales sur les d'emplois inscrits à Pole Emploi
[3]Eurostat, série lfsa_eppga
[4]Eurostat 2015, série lfsa_ewhan2
[5]BLS.gov 2016, Table B-2
[6]« Stop au chômage et à la régression sociale », Démarest Guy, Feltz David, Montigné Michel , Les Editions de l’Atelier, 2016