Agrandissement : Illustration 1
Une photo stylée, lumière sombre, un regard doux et profond, un marcel orné d’un cœur brisé… Le footballeur de l’Inter Milan Benjamin Pavard propose il y a trois jours à ses 2,4 millions de followers sur Instagram un portrait aux antipodes des codes ultravirilistes du football.
L’auteur d’un des plus beaux buts de l’Équipe de France de football, lors de la Coupe du Monde 2018, vient de commettre une erreur fatale.
Les imbéciles et les homophobes lui tombent immédiatement dessus, parmi lesquels ses coéquipiers Kylian Mbappé (123 millions de followers insta), Marcus Thuram (1,9 million followers insta), Lucas Hernandez (2,1 millions followers insta), Ousmane Dembélé (14,6 millions de followers insta)…
Emojis "j’en peux plus de rire" de Mbappé et Dembélé, commentaire "J’ai plus les mots" de Thuram… La cybervague de dénigrements, humiliations et commentaires homophobes contre Benjamin Pavard est lancée, boostée par des footballeurs stars manifestement jamais sensibilisés aux discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre qui gangrènent le football, les terrains, les tribunes, et donc aussi les esprits des joueurs et personnalités parmi les plus influentes du monde, en particulier pour les jeunes.
Nous attendons des réactions de la part de la Fédération Française de Football
Devant ce carnage aux conséquences graves pour le bien-être et la sécurité au quotidien des personnes LGBT, nous avons interpellé le jour même la Fédération Française de Football (FFF), avec qui nous avions pu avoir des échanges francs et prometteurs le 21 janvier dernier, échanges qui doivent quand même se traduire en actes à l’occasion de cette affaire.
Devant l’ampleur qu’a prise aujourd’hui celle-ci, nous pensons que la FFF doit saisir cette occasion pour saluer au contraire ce choix d’expression inclusif d’un de ses internationaux, et rappeler fermement ses chers collègues à leur obligation d’exemplarité.
Aucune sensibilisation sur les enjeux d’homophobie et d’identité de genre ne semble avoir été mise en place en leur direction: à la lumière de leurs réactions stupides et inconséquentes, c’est selon nous une nécessité et une urgence pour la FFF.
Nous pensons également que la Fédération, responsable des joueurs de l’Équipe de France de Football, de leur bien-être, de leur respect, de leur sécurité physique et psychologique, doit agir en justice en ce qui concerne les auteurs de commentaires injurieux à caractère homophobe, qui constituent des délits.
Un traitement médiatique ahurissant
Par ailleurs, notre Collectif ne décolère pas face au traitement de cette affaire par la presse sportive (ou non) et constate là aussi une banalisation aggravée de l’homophobie et du masculinisme dans le football. Un édito récent du journal L’Équipe nous avait déjà alertés, allant jusqu'à qualifier les injures homophobes lancées dans les stades de football de « sain défouloir ».
C’est donc depuis quelques jours sous l’angle hilare d’un simple “chambrage” que les journaux (ici ou là) traitent de cette affaire, avec une mention spéciale pour Onze Mondial titrant : « La réaction GÉNIALE de Mbappé et des Bleus à un post de Pavard ». Aucun article n’a proposé le moindre contrepoint à ce traitement "hilare". Nulle part un début de réflexion sur ce qui, au départ, provoque et explique ces réactions, qui nous blessent pourtant profondément.
On lit même en conclusion de cet article un conseil donné à Benjamin Pavard d’« y réfléchir à deux fois » dorénavant avant de publier une photo qui ne respecte pas les codes ultra virilistes et toxiques du football, ceux-là même qui nourrissent l’homophobie par ricochet dans l'ensemble de la société. Dans ce climat d’homophobie à ce point banalisée, y compris dans les rédactions sportives, à combien de fois un footballeur gay devrait-il y réfléchir avant de faire son coming-out ?