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Billet de blog 7 novembre 2022

Ordre des médecins : magouilles et malversations

Pourquoi nous opposons nous à l’ordre des médecins ? Nous sommes 4 médecins membres du Syndicat de la Médecine Générale à passer en procès à Nantes le 15 novembre pour refus de paiement de cotisation à l’ordre des médecins. Voici les raisons de notre refus de cotiser à une institution dont l’action va globalement à l'encontre de la santé publique et des droits des habitant·es.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L'ordre des médecins gère des sommes considérables. Ses ressources représentent 99 % des cotisations (79 millions de cotisations encaissées par an). La Cour des comptes estime à 152 millions d'euros les réserves de l'ordre.

Le rapport de la cour des comptes (1) dénonce un système avec de « sérieuses défaillances de gestion ».

Il suffit de rependre les titres des différents chapitres pour en avoir une idée :

- « Des comptes souvent incomplets et insincères » avec « des ressources incomplètement retracées », « Un patrimoine mal comptabilisé et sous-estimé », « un défaut de suivi manifeste des actifs mobiliers ».

- « De sérieux manquements dans la tenue des comptes locaux » avec « un contrôle interne défaillant », « des comptes incomplets ou entachés d'erreur », « des comptes délibérément faussés ».

- « Une gestion dispendieuse » avec « des dépenses mal contrôlées, parfois irrégulières » (dépenses déraisonnables parfois étrangères aux missions de l'ordre, une entraide généreuse très hétérogène et parfois versée à tort), « des politiques d’achat et de gestion immobilière peu rigoureuses » (« politique d’achat non maîtrisée, sans supervision ni suivi », « Des consultations d’entreprises plus formelles que réelles » : la Cour des comptes épingle les marchés passés pour l'aménagement du siège du CNOM et des achats immobiliers dans les conseils locaux faits sans stratégie d'ensemble, des achats subventionnés par le conseil national et fréquemment réalisés auprès de professionnels de santé).

- « Une gestion de ressources humaines peu encadrée » avec « une forte croissance des effectifs », « une politique salariale hétérogène avec des niveaux de rémunération particulièrement élevés », « un manque de professionnalisme dans la gestion des ressources humaines », « des recrutements qui favorisent les liens familiaux ».

De la lecture de ce rapport atterrant nous relevons plus particulièrement que :

- L'ordre distribue ses ressources généreusement aux conseiller.e.s, sous forme d'indemnités et de primes (2) avec « des irrégularités constatés au niveau du conseil national » et des « situations très contrastées dans les conseils territoriaux », ainsi qu'à des salarié.e.s dont certain.e.s sont choisi.e.s parmi l'entourage des conseiller.e.s et notamment dans le milieu familial.

- L'ordre a un fonctionnement opaque, en huis clos où le secret reste de mise. Certains conseils départementaux ont d'ailleurs fait obstruction au contrôle de la cour des comptes, n'ont pas transmis les documents comptables demandés ou les ont sciemment dissimulés ou fait disparaître. Certains documents comptables ont été falsifiés.

- De nombreuses pratiques de détournement de fonds public sont relevées : « achats de cadeaux de naissance au personnel et élus ordinaux à l’occasion de mariage, d'anniversaire de plusieurs milliers d'euros », « prêts à des médecins, parfois même à des élus dans des conditions irrégulières », prêts non remboursés dans les délais, détournements de fonds par des conseillers ou des salariés couverts par les conseils.

Dans les irrégularités, on relève entre autres : travaux de bâtiment sans mise en concurrence, aménagements dispendieux, achats de villas avec piscines (ex. Bouches du Rhône), ventes immobilières avantageuses entre l'ordre et ses conseillers, primes indues, politique salariale inflationniste, notes de frais injustifiées, fonctions bénévoles largement indemnisées avec cumul retraite-indemnités.

L'ordre des médecins a toutes les caractéristiques d'un fonctionnement quasi-mafieux : opacité, petits arrangements, magouilles, culture du silence et de la discrétion, népotisme, détournements de fonds publics.

Face aux nombreux dysfonctionnements de l'ordre des médecins, nous réclamons donc sa dissolution mais nous ne réclamons pas une dérégulation complète de l’exercice médical, ce qui serait préjudiciable à la santé publique. Nous demandons en revanche un contrôle plus démocratique et plus juste du pouvoir médical. Il existe déjà des institutions et organismes publics pouvant assurer ces missions, sous réserve de leur donner les moyens humains et financiers à la hauteur. 

Nous appelons  soignant.e.s et habitant.e.s à se joindre à nous pour demander la dissolution de l’ordre des médecins (3) et le transfert des missions ordinales actuelles à des institutions publiques.

1. Cour des comptes : rapport public thématique de 2019 en, sur l’ordre des médecins : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lOrdre-des-medecins

2. Les fonctions ordinales sont bénévoles, mais peuvent être indemnisées dans les limites de trois fois le plafond de la Sécurité sociale. Les élus ordinaux sont par ailleurs remboursés des frais engagés en raison de leur mission (transport, repas et hébergement). En 2017, « Les seize membres du bureau du conseil national de l'ordre ont perçu au total plus d’un million d’euros d’indemnités soit en moyenne 68 000 € par personne ».

3. Pétition « Dissolution de l’ordre des médecins » : https://www.change.org/p/emmanuel-macron-dissolution-de-l-ordre-des-m%C3%A9decins

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