L’ordre des médecins a toujours défendu les principes de la charte de la médecine libérale (1) marchant ainsi main dans la main (2) avec certains syndicats médicaux tels que la CSMF (Confédération des Syndicats Médicaux Français) et le SML (Syndicat de la Médecine Libérale) qui se battent pour un exercice sans contrainte de la médecine et l’augmentation des revenus des médecins.
Dans le champ de l’exercice professionnel et de l’accès aux soins, cela s’est traduit successivement par l’opposition de l’ordre à toute évolution pouvant représenter un progrès pour les professionnel.les et pour les habitant.e.s : exercice en groupe de médecins, exercice pluri-professionnel, Service public territorial de santé, généralisation du tiers payant (3), suppression des dépassements d’honoraires.
Au fil du temps, l’ordre a été obligé d’admettre des évolutions dans les modes d’exercice, se servant même de ses changements de position pour revendiquer sa capacité d’évolution (4).
Pourtant, dans son rapport de 2019, la Cour des comptes relève qu’en dépit de rapports successifs, « l’ordre des médecins n’a procédé qu’à une petite partie des changements qui lui étaient recommandés » et que « des missions importantes qui justifient son existence sont peu ou mal exercées ».
La Cour des comptes a étudié plusieurs de ces missions dans le champ de l’exercice professionnel et de l’accès aux soins et a relevé :
- « Une absence de contrôle de l’actualisation des compétences des médecins » alors que « L’ordre s’est vu confier depuis 2011 la mission d’assurer la promotion du développement professionnel continu (DPC) et de vérifier le respect de l’obligation faite aux médecins de se former pendant toute leur carrière »
- « Un contrôle lacunaire des contrats entre médecins et avec l’industrie » alors que « Tout contrat conclu par un médecin doit être soumis pour avis à l’ordre, soit au titre du contrôle du respect du code de déontologie, soit au titre du respect de la loi dite « anti-cadeaux » de 1993, s’agissant des contrats conclus avec des industriels du médicament ou de dispositifs médicaux »
- « Une position ambiguë sur les refus de soins » : Alors que la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a crée des commissions auprès des ordres professionnels chargées d’évaluer le nombre et la nature des pratiques de refus et de remettre un rapport annuel au ministre chargé de la santé « La commission placée auprès de l’ordre des médecins n’a produit qu’un rapport depuis lors. En dépit de disponibilités dépassant les 100 M€, l’ordre considère en effet ne pas disposer du budget suffisant pour faire fonctionner la commission et refuse de financer des études sur les refus de soins. L’ordre n’est pas particulièrement zélé sur le sujet. Ainsi, en janvier 2017, trois associations ont saisi le Défenseur des droits pour des mentions discriminatoires (refus de bénéficiaires de la CMU) apposées, par deux sites de rendez-vous médicaux en ligne, aux côtés des coordonnées de certains médecins. Fin 2018, le défenseur des droits a enjoint aux deux plateformes de faire disparaître ces mentions. En revanche, les médecins en cause n’ont pas fait l’objet de poursuite disciplinaire par l’ordre, qui considère impossible « la recherche systématique sur tous les sites de prise de rendez-vous en ligne de mentions discriminatoires ».
Face aux nombreux dysfonctionnements de l'ordre des médecins, nous réclamons donc sa dissolution mais nous ne réclamons pas une dérégulation complète de l’exercice médical, ce qui serait préjudiciable à la santé publique. Nous demandons en revanche un contrôle plus démocratique et plus juste du pouvoir médical. Il existe déjà des institutions et organismes publics pouvant assurer ces missions, sous réserve de leur donner les moyens humains et financiers à la hauteur.
Nous appelons soignant.e.s et habitant.e.s à se joindre à nous pour demander la dissolution de l’ordre des médecins (5) et le transfert des missions ordinales actuelles à des institutions publiques.
1) C’est devant la perspective de l’adoption des lois d’assurance sociale obligatoire en 1928 et 1930 que des syndicats médicaux auparavant divisés se sont réunis pour adopter cette charte qui affirme plusieurs principes dont : le libre choix du médecin par le patient, le droit à des honoraires pour tout malade soigné, le paiement direct des honoraires par le patient (refus du tiers payant), le contrôle des malades par la caisse mais le refus de tout contrôle des médecins par les caisses …
2) La Cour des comptes dans son rapport public thématique de 2019 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/lordre-des-medecins critique ces prises de position : « Délaissant le cœur de ses missions, l’ordre intervient par ailleurs de plus en plus sur le terrain de la défense des intérêts de la profession ».
3)Ordre des médecins et tiers payant :
Le N° 35 du bulletin de l’ordre des médecins de juin 2014 titrait : Généralisation du tiers-payant : « l’Ordre reste sur ses gardes ». S’il reconnaissait que « la généralisation du tiers-payant n’était pas en soi anti-déontologique », l’ordre écrivait qu’il «restait vigilant sur les difficultés et les dérives éventuelles liées à cette généralisation ».
Cette prise de position avait été motivée par une consultation de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2013 à propos de la généralisation du tiers payant. Dans son « rapport sur le tiers payant pour les consultations de médecine de ville » l’IGAS conclue que cette réforme est « justifiée sur le fond: elle est conforme aux principes d’une assurance maladie universelle…; c’est d’ailleurs bien la pratique de la grande majorité des pays à assurance maladie (ex : Allemagne, Autriche, Pays-Bas) ; cette généralisation permettrait une simplification considérable des formalités de l’ensemble des assurés et un meilleur accès aux soins pour les ménages pour lesquels l’avance des frais demeure un problème ; cette généralisation allègerait enfin la pratique des médecins qui n’auraient plus à apprécier l’état de disponibilité financière de leurs patients ».
Rappelons que suite à la mobilisation des médecins qui s’y opposaient, le gouvernement a reculé et la généralisation du tiers payant n’a toujours pas vu le jour.
4) Le 8 février 1971 dans un ITW au journal le Monde le Professeur Lortat Jacob président du Conseil de l’ordre des médecins précisait à propos des associations que « L'ordre a même été très loin dans ce sens puisqu'il autorise maintenant le groupement par juxtaposition de leurs cabinets de médecins de disciplines différentes » mais refusait la participation de non-médecins à de tels groupements. Cette participation d’autres soignants est aujourd’hui la base des Maisons de santé pluriprofessionnelles.
A noter que dans le même article il rappelait son opposition à l’IVG
5) Pétition « Dissolution de l’Ordre des médecins » : https://www.change.org/p/emmanuel-macron-dissolution-de-l-ordre-des-m%C3%A9decins