🔴Une réponse institutionnelle indigne
Nous sommes profondément choqué·e·s par cette réponse, indigne d’une ville de l’importance de Metz. Plutôt que de reconnaître les souffrances exprimées et de questionner le fonctionnement de ses services, la municipalité a préféré adopter un ton défensif et méprisant, réduisant nos témoignages à de simples « allégations » ou « désinformations » — allant même jusqu’à nous comparer à un emoji « Pinocchio », symbole d’un cynisme consternant.
Ce positionnement trahit, volontairement ou non, un profond manque de considération pour les personnes concerné·e·s. En refusant d’admettre la possibilité d’un dysfonctionnement dans vos services, vous fermez la porte à toute amélioration réelle. Ce refus d’écouter, c’est celui que peuvent rencontrer les personnes trans dans vos bureaux.
Au lieu d’ouvrir un dialogue constructif, vous avez choisi de discréditer, de délégitimer, et de faire taire. Ce mépris n’est pas nouveau : il reflète exactement ce que vivent les personnes trans dans leur rapport aux institutions — une violence froide, systémique, et obstinée.
🗣️ Nos témoignages sont légitimes, étayés et convergents
Les personnes qui ont témoigné sont nos ami·es, nos camarades, nos proches. Elles ont accepté de partager des récits douloureux, parfois pour la première fois. Nous n’avons aucun doute sur le fond de leurs témoignages, car ils sont circonstanciés, nombreux, et font état de pratiques similaires sur plusieurs années. Ce ne sont ni des impressions isolées, ni des fantasmes idéologiques, mais des faits concrets, vécus, documentés. Ils pointent tous dans la même direction : un traitement différencié, injuste, et humiliant des personnes trans par les services d’état civil de Metz.
L’anonymat de certain·e·s témoins est une protection nécessaire. Le respect de leur vie privée est essentiel, surtout face aux risques bien réels d’outing, de représailles professionnelles, ou d’isolement familial ou social. Mais que cela ne vous trompe pas : leur invisibilisation n’est pas un signe de faiblesse ou de manque de fiabilité, mais une stratégie de survie. Et c’est précisément pour cela que nous portons leurs voix. Revendiquer le droit à la discrétion, à l’oubli, à la sécurité, ce n’est pas fuir la vérité : c’est affirmer qu’aucune personne trans ne devrait avoir à sacrifier son intégrité ou sa tranquillité pour faire valoir ses droits.
🚩 Ce que cache la communication municipale
La mairie prétend que seules « deux plaintes » auraient été formulées. Mais combien de personnes ont renoncé à entamer leur démarche ? Combien n’ont pas été mis·e·s au courant des recours possibles ? Combien ont fui la mairie de Metz pour aller jusqu’à 200 km plus loin ? Et surtout Cette fuite est un indicateur accablant du manque de confiance dans vos services.
La stratégie de communication fondée sur la négation des faits est immonde. Elle dessert les élu·e·s et agents qui s’engagent sincèrement pour les droits humains que vous pensez défendre. Elle jette le discrédit sur toutes les personnes concernées en insinuant que leurs vécus seraient montés de toutes pièces ou politiquement instrumentalisés.
Le délégué aux discriminations affirme désormais vouloir se réunir avec Couleurs Gaies pour « lister les difficultés et chercher des solutions ». Cet aveu constitue une reconnaissance implicite des dysfonctionnements que vous niez pourtant dans votre communiqué.
🪧 Sur la manifestation du 2 avril
Nous rappelons que manifester est un droit fondamental, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Depuis notre création en 2022, le collectif Trans’Gressif a organisé de nombreuses mobilisations contre la transphobie. L’espace public est souvent le seul endroit où nos paroles trouvent un écho, face à des institutions qui préfèrent la discrétion… pour mieux enterrer nos revendications.
Les entretiens privés, comme celui qu’a subi Margaux face à quatre représentant·e·s de la mairie, se sont révélés être des espaces d’intimidation plus que d’écoute et de remise en question.
📊 Ce que la mairie ne dit pas
La mairie affirme traiter environ une centaine de dossiers de changement de prénom chaque année. Très bien. Mais encore faudrait-il que cette donnée soit un peu plus qu’un chiffre creux lancé en guise de justification. Car en l’absence de tout détail sur la nature des demandes, cette statistique ne prouve rien, sinon une volonté d’éluder le sujet.
Nous ne savons pas combien de ces dossiers concernent des personnes trans, ni combien d’entre eux sont refusés, ni combien sont transmis au procureur sans justification, ni surtout quels critères sont appliqués pour juger de la “légitimité” d’une demande. Aucune ventilation statistique n’a été fournie, aucun bilan public, aucune analyse des pratiques internes. Pourtant, quand on se targue de respecter scrupuleusement la loi, il devrait être facile de démontrer une politique cohérente, équitable et non discriminatoire.
Il ne s’agit plus de simples questions, mais de constats récurrents : à Metz, les demandes de changement de prénom émanant de personnes trans sont systématiquement traitées avec suspicion, soumises à des critères subjectifs comme l’apparence physique, puis renvoyées au procureur comme pour en écarter d’avance la légitimité. Cette politique implicite – fondée sur une interprétation discriminatoire de la circulaire de 2017 – est appliquée de manière cohérente et assumée, comme l’ont confirmé les propres propos du délégué aux discriminations. Tant que cette pratique persistera, elle continuera de nourrir la défiance, l’exil administratif des personnes trans hors de leur propre commune, et l’humiliation institutionnelle.
Ce recours systématique à l’opacité est une violence institutionnelle à part entière. Elle nie aux personnes trans un droit fondamental : celui d’être traité·es à égalité. Elle les expose à des décisions arbitraires, basées sur des impressions, des jugements personnels, ou des critères illégitimes comme l’apparence. Et dans la plupart des cas, sans explication, sans possibilité réelle de recours, sans instance impartiale pour contester. Si la mairie de Metz persiste à affirmer qu’elle agit dans le respect de la loi, qu’elle le prouve. Qu’elle publie ses statistiques, qu’elle détaille ses critères, qu’elle accepte un audit indépendant sur ses pratiques. Car dans un État de droit, la transparence n’est pas une faveur : c’est une obligation.
📉 Au-delà des chiffres: l’illusion des volumes traités
Le fait que la mairie affirme traiter une centaine de dossiers par an n’est en aucun cas une preuve d’impartialité. Un nombre d’acceptations élevé n’implique pas automatiquement que toutes les demandes soient examinées équitablement, ni que les refus soient exempts de biais.
Car ce qui compte, ce n’est pas combien de dossiers sont validés, mais comment chacun est traité. L’impartialité ne se mesure pas à la quantité, mais à la qualité du traitement, au respect des droits fondamentaux, à l’accueil réservé aux personnes concernées, à la prise en compte de leur situation individuelle sans subjectivité, sans mépris, sans jugement sur leur apparence ou leur parcours.
Autrement dit, on ne peut pas brandir un chiffre comme un bouclier pour ignorer les pratiques discriminatoires. Accepter certaines demandes tout en en décourageant d’autres, c’est toujours discriminer. Refuser une personne parce qu’elle ne correspond pas aux critères de genre implicites du personnel municipal, c’est exercer un pouvoir subjectif qui n’a aucune place dans un service public.
Tant que les témoignages recueillis continueront de faire état de comportements humiliants, de refus sans fondement et de pratiques d’intimidation, aucun volume de dossiers validés ne saura masquer les dysfonctionnements profonds d’une administration qui refuse de se remettre en question.
🧭 Une problématique bien plus large
Ce que nous dénonçons aujourd’hui à Metz n’est pas un cas isolé. Partout en France, des personnes trans rencontrent les mêmes obstacles, les mêmes humiliations, les mêmes refus abusifs. La circulaire du 17 février 2017, pourtant censée faciliter les démarches, est régulièrement utilisée comme un outil de sélection discriminatoire, au lieu d’être un cadre d’accompagnement bienveillant. Dans plusieurs villes, elle est interprétée de manière restrictive, voire dévoyée pour exclure les personnes qui ne rentrent pas dans les cases d’un « passing » jugé suffisant par les agent·e·s d’état civil.
À Metz comme ailleurs, cette circulaire devient un prétexte légal commode pour filtrer, soupçonner et ralentir les démarches des personnes trans. Il est temps de rappeler une évidence : une circulaire ne fait pas la loi, et encore moins le Code pénal, qui interdit explicitement toute discrimination fondée sur l’apparence physique ou l’identité de genre. Tant que cette ambiguïté ne sera pas levée, tant que les pratiques resteront opaques et laissées à la libre appréciation de personnes parfois mal formées ou malveillantes, les injustices se poursuivront – à Metz comme partout ailleurs.
✍️ Une atteinte à la liberté d’expression
Enfin, nous dénonçons une grave atteinte à la liberté de parole : plusieurs membres du collectif ainsi que des personnes le soutenant, ont été bloquée sur les réseaux sociaux de la mairie après avoir tenté de répondre à la publication du maire. Leurs commentaires ont été supprimés. C’est une atteinte directe à notre droit de réponse, et un signal alarmant sur la volonté de la ville de contrôler le discours.
✊ Nos revendications restent inchangées
Nous ne sommes ni manipulé·e·s, ni téléguidé·e·s par quelque parti que ce soit. Nous ne parlons pas au nom d’une orientation politique : nous parlons en notre nom propre, en tant que personnes trans, concerné·e·s directement par les violences administratives que nous dénonçons. Nous ne faisons pas campagne pour quiconque. Nous ne préparons aucune élection. Nous défendons nos vies, ici et maintenant. Réduire notre prise de parole à une stratégie électoraliste ou une instrumentalisation partisane, c’est une tentative grossière de détourner l’attention du vrai sujet : les violations systématiques de nos droits.
Accuser celles et ceux qui osent dénoncer les discriminations de « faire de la politique » est une vieille ficelle. Mais rappelons une chose : revendiquer le respect de la loi, exiger l’égalité de traitement, dénoncer les discriminations, ce n’est pas « faire de la politique », c’est exercer nos droits fondamentaux en tant que citoyen·nes. Et si parler de dignité humaine vous paraît trop militant, peut-être faudrait-il revoir vos priorités.
Nos revendications sont simples, légitimes et précises :
- Que les demandes de changement de prénom soient traitées dans le respect de la loi, sans subjectivité, sans arbitraire, sans jugement sur notre apparence ou notre parcours.
- Que les agent·es de la mairie soient formé·es à la réalité des vécus trans, et sanctionné·es en cas de propos ou comportements discriminatoires.
- Que la transparence soit assurée : des chiffres clairs, des procédures cohérentes, des critères objectifs.
- Et surtout : que les personnes trans soient accueillies comme n’importe quel·le autre citoyen·ne, sans mépris, sans suspicion, sans humiliation.
Nous ne demandons pas un traitement de faveur. Nous exigeons l'application simple et rigoureuse du droit, dans un cadre respectueux et digne. Et tant que des personnes trans continueront d’être renvoyées au silence, de voir leur identité niée, leurs démarches entravées, nous continuerons à porter leurs voix. Parce que ce que vous semblez avoir oublié, c’est que le respect ne se négocie pas. Il se garantit.
Le Collectif Trans’Gressif