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Billet de blog 25 mars 2025

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Lettre ouverte à la mairie de Metz

À Metz, le service d’état civil piétine la loi et les droits des personnes trans. Refus arbitraires, humiliations, transphobie : assez. Le collectif Trans’Gressif interpelle la mairie et exige la fin immédiate de ces violences administratives.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Combien d'années faudra-t-il encore pour que le service d'état civil de Metz respecte enfin le Code pénal ?

À vous, monsieur le Maire, mais aussi à l’ensemble du conseil municipal et des employé·es de la mairie de Metz, plus particulièrement le service d’état civil. Vous détenez un pouvoir immense : celui de reconnaître ou de nier nos existences, d’accepter ou de refuser notre identité par une simple décision administrative. Ce pouvoir, vous l’exercez de manière arbitraire, abusive et profondément transphobe.

Nous vous rappelons une évidence : l’identité d’une personne ne se décrète pas en mairie. Il est inacceptable que des élu·es et des agent·es municipaux, sous couvert d’une circulaire dépassée et discriminatoire, s’arrogent le droit de contrôler, d’humilier et d’entraver la vie des personnes transgenres.

Nous exigeons que cela cesse.


1. Mise en contexte

Depuis 2016, la procédure de changement de prénom a été réformée afin de simplifier les démarches pour toutes les personnes souhaitant adapter leur état civil à leur identité réelle. Cette modification du Code civil visait à garantir un accès rapide, accessible et digne au changement de prénom, notamment pour les personnes transgenres. Désormais, il suffit de justifier d’un motif légitime pour que la demande soit validée. La circulaire du 17 février 2017 précise d’ailleurs explicitement que :

"Caractérise un intérêt légitime au changement de prénom, la volonté de mettre en adéquation son apparence physique avec son état civil en adoptant un nouveau prénom conforme à son apparence, et ce, indépendamment de l’introduction d’une procédure de changement de sexe."

En clair, toute personne transgenre qui souhaite changer de prénom doit pouvoir le faire sans avoir à justifier d’une transition médicale ou d’un parcours spécifique. La mairie a une obligation légale de traiter ces demandes avec impartialité et respect.

Or, à Metz, cette procédure a été détournée et pervertie en un outil de discrimination systématique. Vos services multiplient les obstacles inutiles, refusent sans fondement valable, et imposent des délais et des exigences arbitraires aux personnes transgenres. Vos décisions reposent sur des critères subjectifs, sur une vision dépassée et illégale de l’identité de genre. Votre application abusive de la circulaire de 2017 ignore le cadre juridique supérieur, notamment le Code pénal, qui est pourtant formel :

"Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de […] leur apparence physique, […], de leur identité de genre, […]."

Vos services, loin de garantir un accueil neutre et bienveillant, se livrent à une véritable maltraitance institutionnelle. Ils humilient, découragent et forcent les personnes transgenres à quémander un droit qui leur est pourtant garanti par la loi. Ils contribuent activement à la précarisation et à la souffrance de personnes déjà exposées à une violence sociale quotidienne. En refusant de respecter la législation en vigueur, vous ne faites pas qu’entraver des démarches administratives : vous niez notre existence, et vous portez une responsabilité directe dans les violences et discriminations que nous subissons.

2. Un constat accablant

Le mois dernier, nous, le collectif Trans’Gressif, avons lancé une campagne de recensement des refus abusifs opposés par votre service d’état civil. Les témoignages recueillis sont édifiants : refus injustifiés, accueils méprisants, humiliations publiques et transphobie institutionnalisée.

Les récits sont glaçants :

  • Une personne voulant rester anonyme, a déposé une demande de changement de prénom à la mairie de Metz avec un dossier complet et conforme aux exigences légales. Pourtant, sa demande a été refusée sous prétexte que son prénom choisi n’apparaissait pas sur des documents administratifs, une justification totalement infondée. Lorsqu'il a tenté d’échanger avec l’agent d’état civil pour comprendre ce refus, celui-ci s’est montré méprisant et condescendant, esquivant ses questions avant de lui ordonner de sortir, concluant froidement : "Si vous n’êtes pas contente, allez en justice." Ce mépris institutionnel a eu des conséquences directes : Ce dernier a dû démissionner de son emploi, incapable de supporter d’être constamment mégenré et forcé à porter un prénom qui ne lui correspondait plus.
    Déterminé·e à faire valoir ses droits, il a saisi le Défenseur des droits, sans réponse, et a consulté une avocate pour un recours judiciaire, mais s’est heurté·e à des exigences intrusives et pathologisantes, comme la demande d’un suivi psy. Seul le soutien moral du collectif Trans’Gressif lui a permis de ne pas se laisser écraser par cette violence institutionnelle. À la mairie de Metz, il adresse un message clair : "Nous sommes des citoyen·ne·s, nos identités ne sont pas un débat. Cessez de nous refuser ce qui nous revient de droit." Il est urgent que la mairie mette fin à ces discriminations et forme ses agent·es pour garantir un accueil digne et respectueux à toutes les personnes trans.

  • À 17 ans, un jeune homme trans, a déposé son dossier de changement de prénom à la mairie de Metz avec un dossier complet, comprenant sept témoignages attestant de l’usage quotidien de son prénom choisi, ainsi que tous les justificatifs nécessaires. Pourtant, malgré l’aval de la commission municipale, son dossier a été envoyé au procureur sans raison claire, le plongeant dans une attente angoissante de plusieurs mois. Lorsque, inquiet, il a cherché des explications, on lui a simplement annoncé, avec une froide indifférence, que le procureur statuerait sur son sort. Aucune justification n’a été donnée, aucun dialogue possible, seulement une décision absurde qui ne répondait à aucune logique apparente. Ce traitement administratif rigide et inhumain l’a plongé dans un profond désespoir.

    Le refus implicite de son identité a eu des conséquences dévastatrices sur sa vie quotidienne. En tant que pompier, il a dû participer à une cérémonie de remise de diplôme où son deadname a été publiquement affiché et prononcé, une épreuve humiliante et douloureuse. N’ayant pas conscience du caractère systémique de ces pratiques discriminatoires, il a d’abord cru qu’il s’agissait d’un problème isolé et n’a pas osé solliciter de soutien. Epuisé par l’obligation constante de justifier son identité et de raconter son histoire encore et encore, il exprime aujourd’hui un appel urgent : que la mairie de Metz respecte la dignité des personnes trans, traite leurs demandes avec clarté et bienveillance, et cesse d’imposer des obstacles inutiles aux mineurs trans qui demandent simplement à exister sous leur véritable identité.


  • Henry, homme transgenre de 20 ans, a déposé sa demande de changement de prénom à la mairie de Metz le 15 février 2024. Son dossier, pourtant complet, a été immédiatement redirigé vers le procureur, sans véritable considération de son contenu. La mairie lui a opposé un refus sec, affirmant par courrier officiel que sa demande ne revêtait pas d’« intérêt légitime », une justification profondément arbitraire et discriminatoire. Lors de son échange avec une agente administrative, il a été traité avec froideur et condescendance. L’agente, visiblement mal informée sur les questions transgenres, a utilisé des termes obsolètes et pathologisants, tels que "transexualité", et s’est même permis de lui poser des questions intrusives sur d’éventuelles opérations. Henry n’a pas seulement été mal accueilli, il a été invalidé dans son identité et renvoyé sans la moindre tentative de dialogue.

    Ce refus a eu des conséquences désastreuses sur sa vie. Déjà en situation de précarité, il n’a pas les moyens financiers d’engager un avocat, ce qui l’a contraint à abandonner ses démarches. Son quotidien est devenu un parcours du combattant : chaque recherche d’emploi, chaque démarche administrative devient un stress permanent, car son apparence masculine ne correspond plus à l’identité affichée sur ses papiers. Même récupérer un colis peut tourner à l’humiliation. Cette injustice l’a plongé dans une profonde dépression, l’empêchant de reprendre le combat contre un système qui devrait protéger ses droits au lieu de les lui refuser. Ce qu’il attendait de la mairie était simple : une procédure juste, transparente, et humaine. À la place, il a été confronté à un mur de mépris, de rigidité


  • Meryle, personne non-binaire de 28 ans, a tenté une d’effectuer une demande de changement de prénom à la mairie de Metz une seconde fois. Pourtant, avant même de pouvoir déposer son dossier, l’administration l’a dissuadé. Lors d’un appel téléphonique préalable, on lui a suggéré de reprendre son prénom de naissance plutôt que d’effectuer une seconde modification, insinuant que sa démarche avait peu de chances d’aboutir. Ce jugement intrusif et illégitime a immédiatement mis en évidence le mépris de la mairie pour les parcours trans et non-binaires. Lorsqu’iel s’est finalement présenté en mairie, espérant contourner les discriminations en jouant sur un passing féminin, iel a été accueilli par une agente d’accueil qui, avec un ton moqueur, lui a lancé : « Bonjour Madame, enfin Monsieur, enfin on sait pas trop hein. » Une phrase d’une violence insoutenable, témoignant d’un manque total de respect et de considération.

    Humilié.e, Meryle a renoncé à sa démarche. Plutôt que d’affronter une bataille administrative où son identité serait jugée en permanence, iel a décidé de réutiliser son prénom masculin dans ses démarches professionnelles et administratives, se contraignant ainsi à vivre sous une identité qui n’est pas la sienne. Face à cette exclusion institutionnelle, iel n’a entrepris aucun recours, faute de ressources et d’énergie pour lutter contre une machine municipale ouverte à la transphobie, mais fermée à l’écoute des personnes concernées. Son témoignage illustre parfaitement l’hostilité des agents municipaux, qui ne se contentent pas d’appliquer la loi avec rigueur, mais se permettent d’émettre des jugements personnels sur l’identité des demandeurs. Meryle ne demandait rien d’autre que du respect et une procédure impartiale. Au lieu de cela, iel a été rabaissé, moqué et contraint d’abandonner.


  • Tryss, une femme trans de 21 ans, n’a jamais pu entamer officiellement sa demande de changement de prénom à la mairie de Metz. Confrontée à une opacité administrative totale, elle s’est retrouvée prise dans un véritable parcours du combattant : chaque appel aboutissait à un renvoi vers un autre numéro, chaque tentative d’obtenir des informations en mairie se soldait par une nouvelle injonction à téléphoner ailleurs. Aucune information claire, aucun interlocuteur compétent, aucune aide. Après des mois de renvois incessants et d’obstacles absurdes, elle a fini par abandonner, non pas parce que sa demande était infondée, mais parce que la mairie a rendu son parcours impossible.

    Ce refus silencieux, insidieux, a de lourdes conséquences sur sa vie quotidienne. Son prénom de naissance continue de lui être imposé dans ses démarches administratives et professionnelles, niant son identité à chaque instant. Cette invisibilisation forcée est une forme brutale de discrimination : la mairie ne lui a même pas laissé la possibilité de se confronter à un refus clair, elle l’a simplement empêchée d’exister administrativement en la noyant dans une bureaucratie hostile. Son témoignage révèle une stratégie systémique de découragement, où les personnes trans sont abandonnées dans un labyrinthe administratif jusqu’à ce qu’elles renoncent.


  • En 2020, un jeune homme transgenre, alors âgé de 19 ans, a entrepris sa première demande de changement de prénom à la mairie de Metz. À l’époque, iel s’identifiait comme personne non-binaire, et avait réuni un dossier solide : attestations de proches, captures d’écran d’un coming-out familial, carte d’étudiant avec prénom d’usage, courriers attestant de l’usage quotidien du prénom choisi. Pourtant, après de multiples relances, la seule réponse obtenue fut une fin de non-recevoir orale : « Ce n’est pas un prénom, c’est un surnom ». Aucun document écrit ne lui fut transmis. Aucun échange possible avec un·e agent·e, aucun droit au respect ou à l’écoute.

    Le choc a été profond. Ce refus arbitraire, humiliant, a laissé une marque durable. Le jeune homme a dû faire face, seul, à une année universitaire où son deadname s'imposait partout : sur les listes d’appel, les documents, dans les couloirs. À chaque cours, il devait expliquer, rectifier, se justifier. L’épuisement moral s’est installé. Finalement, ce n’est qu’en s’adressant à une mairie d’un petit village, plus ouverte et respectueuse, qu’il a pu obtenir le changement de prénom tant attendu. Son expérience illustre l’absurdité d’une administration qui, selon le lieu de résidence, décide qui a droit ou non à la dignité. Ce témoignage est un appel direct aux élu.es et personnel de la mairie de Metz : formez-vous. Vos décisions ont des conséquences sur des vies entières.


  • Enfin, Margaux a été confrontée à une hostilité flagrante dès le dépôt de son dossier en avril 2020. L’agent d’état civil lui a au départ demandé son témoignage manuscrit pour refuser qu’elle l’apporte ensuite, avant de transmettre son dossier au procureur sous prétexte qu’il ne "revêtait pas un intérêt légitime", bien que conforme aux exigences légales.

    Quelques mois après son signalement par mail au maire, Margaux a été invitée à un échange avec le délégué aux discriminations de la ville. En réalité, elle s’est retrouvée face à quatre élu·es et agent·es municipaux, dans ce qui s’est vite révélé être un véritable tribunal transphobe. Ce qui aurait dû être un dialogue s’est transformé en monologue à charge, où l’un des élus, pourtant chargé des questions de discrimination, s’est permis de l’appeler "Monsieur" à plusieurs reprises avec mépris, niant ainsi délibérément son identité.

    Au fil de la discussion, l’aveu implicite est tombé : les demandes de changement de prénom étaient systématiquement évaluées sur la seule base de la circulaire de 2017, sans aucune prise en compte du cadre légal supérieur. Le Code pénal, pourtant garant de la protection contre les discriminations, était tout bonnement ignoré. Lorsque Margaux a mis en évidence l’incohérence flagrante entre cette application stricte d’une circulaire contestée et la loi en vigueur, les responsables ont campé sur leurs positions pendant trente minutes, refusant toute remise en question.

    Face à leur propre contradiction, ils ont tenté de minimiser la gravité de la situation en évoquant le "faible nombre de signalements", comme si le silence forcé des victimes de violences administratives justifiait leurs abus. Ils ont également avancé que "certains dossiers refusés par la mairie étaient finalement acceptés par le procureur", occultant totalement le fait que cet examen judiciaire ne devrait être qu’une exception et non une norme imposée arbitrairement pour entraver des démarches légitimes.

    Ce témoignage illustre une discrimination institutionnalisée, où la mairie, sous couvert d’une interprétation abusive d’un texte obsolète, entrave volontairement l’accès aux droits des personnes transgenres. Après avoir partagé son expérience, Margaux a reçu de nombreux témoignages similaires. Refus arbitraires, mépris affiché, violences administratives : ces pratiques ne sont pas des cas isolés, mais bel et bien une politique délibérée.


    Ces tactiques d’intimidation et d’épuisement moral sont indignes d’une administration qui se doit de servir et protéger l’ensemble de ses citoyen·nes. Combien de personnes faudra-t-il briser avant que vous ne reconnaissez votre responsabilité ? Chaque refus abusif, chaque humiliation infligée, chaque dossier arbitrairement renvoyé au procureur est une violence institutionnelle qui pèse sur les épaules des personnes transgenres. Votre obstination à entraver ces démarches n’est rien d’autre qu’une volonté de nier nos existences.

    Comment osez-vous dormir sereinement après tant de malveillance ? Comment pouvez-vous ignorer les conséquences dramatiques de vos actes, alors que vous condamnez des personnes à vivre chaque jour sous un prénom qui leur est imposé, dans un monde qui les invalide déjà en permanence ? Vous précarisez nos vies, vous nous exposez à des violences administratives, sociales et professionnelles, tout en vous cachant derrière une interprétation bornée d’une circulaire contestée. Ce n’est pas de la rigueur administrative, c’est de la discrimination. Et nous ne l’accepterons plus.

3. Il est temps d'agir !

Ces situations sont inacceptables. Nous exigeons que la mairie de Metz et son service d'état civil cessent ces pratiques discriminatoires et transphobes. Nous demandons des mesures concrètes :

Vos pratiques sont illégales et inhumaines. Nous exigeons immédiatement :

  •  Le respect strict de la loi, sans application abusive et discriminatoire de la circulaire de 2017.
  • Une formation obligatoire pour l’ensemble des agent·es municipaux sur les questions d’identité de genre et les droits des personnes transgenres.
  • Un suivi transparent des demandes de changement de prénom, avec des délais clairs et des explications précises en cas de refus.
  • Des sanctions pour tout comportement discriminatoire avéré au sein du service d’état civil

Nous ne cesserons pas de nous battre tant que chaque personne transgenre qui dépose une demande de changement de prénom à Metz sera traitée avec respect et dignité. Il est temps que la mairie de Metz assume ses responsabilités.

À partir de maintenant, nous mettons en place une veille, afin d’accompagner chaque personne victime des refus abusifs de la mairie. Nous dénoncerons chaque entrave et engagerons des actions à chaque atteinte aux droits des personnes transgenres.

Nous ne mendions pas notre dignité : nous l’exigeons.

Nos identités ne sont pas un débat

Le droit des personnes trans à disposer librement de leur corps et de leur identité en totale autodétermination ne relève ni d’une autorisation administrative, ni d’une faveur que vous daignez accorder.

Nous n’accepterons plus d’être humilié·es, nié·es et maltraité·es par des institutions censées nous protéger.

Nous appelons toutes les personnes concernées et alliées à nous rejoindre le 2 avril 2025, place d’Armes à Metz, devant la mairie, en soutien aux victimes de ces violences administratives et en l'honneur de la journée de visibilité trans du 31 mars.

Nous ne céderons plus. Nous sommes là. Et nous resterons.

Le collectif Trans’Gressif 

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