Tourcoing, le 17 octobre 2023
Lettre ouverte à Monsieur le ministre de l’Education Nationale et Madame la rectrice de l’académie de Lille,
Ce lundi 16 octobre 2023, l’équipe éducative de notre collège a été conviée à une réunion de deux heures pour préparer le retour des élèves en classe suite à l’attaque du collège lycée Gambetta d’Arras qui a conduit à la mort de Dominique Bernard, professeur de lettres, et aux blessures de trois membres de la communauté éducative.
Alors que nous attendions beaucoup de réponses et de soutien lors de cette réunion, nous avons été confrontés à une réponse inadaptée, vide et indigne. L’institution n’a proposé que des éléments de langage creux. Nous avons tout d’abord été informés qu’il s’agissait « d’un espace ouvert à la discussion et sans jugement. » Un de nos collègues a pris la parole pour manifester sa colère, son inquiétude et a souligné qu’aucune évolution n’avait été apportée depuis l’assassinat de Samuel Paty, il y a trois ans déjà. Suite à cette intervention, de nombreux collègues profondément touchés et attristés ont pris la parole et ont fondu en larmes. Ils ont signalé leur incapacité à prendre en charge les élèves mais il leur a été rappelé qu’un «fonctionnaire fonctionne ».
Par ailleurs nous avons dû exprimer notre besoin de réaliser la minute de silence ensemble dans un moment solennel pour éviter d’être seuls face à nos classes et donc, une fois encore, potentiellement mis en danger. Certains collègues ont dévoilé leur inquiétude quant à des événements qui avaient eu lieu les semaines précédentes au sein du collège (couteaux introduits dans l’établissement, déclaration de faits imaginaires pouvant mettre en danger un professeur). Nous regrettons que cette réunion n’ait eu que pour but de nous contraindre à retourner au plus vite devant nos élèves... The show must go on.
Nos élèves n’ont donc pas pu bénéficier d’un accompagnement clair, concerté, apaisé, lors de cette situation douloureuse et complexe.
Nous avons contacté et échangé avec de nombreux autres établissements qui ont relaté des évènements, des souffrances et des colères similaires. Nous regrettons qu’à ce problème collectif, le poids de l’organisation et des solutions repose sur nous. Nous n’avons pu compter que sur les membres de notre direction, qui nous soutient et que nous soutenons dans cette épreuve. Nous avons été contraints de nous mettre en grève pour bénéficier d’un temps d’échange collectif.
Nous déplorons que la communication nationale et institutionnelle ait oublié qu’un établissement n’est pas qu’un assemblage de professeurs, mais également d’agents et de personnels divers et indispensables, eux aussi en première ligne. Notre soutien et nos pensées vont pour tous les blessés d’Arras, quel que soit leur poste.
Nous regrettons qu’il ne nous ait pas été accordé un temps de deuil digne, officiel et national, pour nous recueillir ensemble lors de ce moment de douleur ; un temps où nous ne serions pas à nous inquiéter de nos élèves, mais pour une fois, de nous.
Nous invitons les collègues, personnels, établissements, parents, élèves, personnes souhaitant rejoindre cette demande et action à se mobiliser.
Nous restons dans l’attente d’une réponse à la hauteur de la situation de la part de l’institution dont nous
sommes les représentants.
Des membres du collège Albert Roussel de Tourcoing