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Billet de blog 17 janv. 2023

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Pensions alimentaires : un système à refonder

Pour lutter contre la pauvreté des mères isolées et leurs enfants, favoriser l'égalité femmes-hommes, il faut entièrement revoir le système des pensions alimentaires : du terme même à sa définition, ses montants, son imposabilité, la capacité de contrôle des juges et les effets délétères sur les prestations sociales.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  • Le montant de la “pension alimentaire” est insuffisant par rapport au coût réel d’un enfant

Les mères isolées et leurs enfants figurent parmi les premiers groupes sociaux touchés par la pauvreté en 2022[1]. En France, 20,7 % des enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté ; ce taux atteint 40,5% dans les familles monoparentales tenues par des mères. Le niveau de vie moyen des mères isolées est inférieur de 20 % à celui des pères isolés.

Parmi les raisons, le montant de la pension alimentaire qui en France est largement insuffisant par rapport au coût réel d’un enfant. Pour mémoire, près d’1 million de parents touchent aujourd’hui une contribution financière à l’entretien et l’éducation des enfants (improprement appelée “pension alimentaire”). Le montant moyen de cette contribution était, jusqu’en 2021, de 170 euros mensuels et par enfant. En sachant que 30% de ces contributions demeuraient impayées. Le montant de l’allocation de soutien familial (ASF ou montant minimal auquel le parent gardien aura le droit même si la pension fixée est inférieure) a été réévalué fin 2022 pour  123,20   à 184  euros par mois et par enfant. 

Ces montants restent en tous les cas largement insuffisants au regard de ce que coûte réellement un enfant chaque mois (pour un enfant en bas âge, ce coût annuel peut aller jusqu’à 8000€/an soit 666€ / mois et donc 20% du budget du ménage[2]).

  • La pension alimentaire et l’ASF peuvent réduire les aides sociales des mères isolées

Aujourd’hui la pension alimentaire est imposable pour le parent gardien (majoritairement des mères) et est  déductible pour le parent non gardien (majoritairement des pères). Elle contribue donc à augmenter le revenu fiscal de référence des mères isolées et  à diminuer leur accès à certaines aides ou dispositifs qui se basent sur ce dernier (ex : tarifs de  cantine, centres de loisirs, aide à l’achat d’un véhicule).

Quant à l’ASF qui peut, en cas de jugement, remplacer la pension alimentaire ou bien la compléter, cette aide conduit souvent à une réduction des ressources des mères isolées, notamment les plus pauvres. L’ASF, de même que la pension alimentaire, est prise en compte dans le calcul des prestations CAF, de sorte que son augmentation conduit mécaniquement à une diminution des aides perçues. Ce qui est accordé au titre de l'ASF est retranché d'au moins autant au titre de la prime d'activité par exemple.

L’augmentation de l’ASF, adoptée fin novembre 2022, n’a pas été prise en compte dans le calcul du Revenu de Solidarité Active et de la prime d’activité mais le montant initial de l’ASF hors augmentation reste lui toujours pris en compte. L’effet de cette mesure est donc anecdotique, notamment au regard de l’inflation d’environ  6% sur l’année 2022. Rappelons par ailleurs que la révision annuelle des pensions pour suivre l’inflation n’est pas obligatoire.

  • L’ASF devrait concerner toutes les mères isolées

Aujourd’hui l’ASF n’est pas versée aux mères isolées qui sont de nouveau en concubinage. Ce n’est pas parce qu’une mère isolée se met avec un nouveau conjoint que ce dernier prend en charge l’enfant financièrement ou dans son éducation. En droit français, le “beau-parent” n’a aucun devoir vis-à-vis de l’enfant.

Ce n’est pas davantage parce qu’une mère isolée se remet en couple que l’obligation alimentaire, qui reste théoriquement à la charge du parent non gardien, cesse. La suppression de l’ASF en cas de remise en couple n’a donc aucun sens. 

  • La question des impayés doit être résolue

Malgré la mise en œuvre du Service Public des pensions alimentaires, les durées de traitement sont très longs et la question des arriérés de pensions pour les situations passées n’est pas résolue. De très nombreuses mères ont encore des milliers d'euros d’arriérés de pensions non versés ; ce nombre de mères concernées n’est malheureusement pas communiqué[3].

Malgré les plaintes, les relances auprès de la CAF, les situations s'éternisent et repose encore entièrement sur la mère obligée de recourir à un huissier, notamment quand le père a organisé son insolvabilité.

  • Le concept même de “pension alimentaire” doit être abandonné

Voilà comment est décrit la “pension alimentaire” sur le site “Servicepublic.fr” :

“Que vous soyez séparé ou divorcé, vous devez contribuer à l'entretien et à l'éducation de votre enfant (né pendant ou hors mariage, ou adopté), même majeur. La pension alimentaire a but d'aider le parent, chez qui réside l'enfant habituellement, à assumer les frais liés à la vie quotidienne (vêtement, scolarité, loisir,...) ou à des situations plus exceptionnelles (frais médicaux). Elle est déterminée en fonction de vos ressources et de ses besoins.”

La pension “alimentaire” n’est pas qu’alimentaire” et ne doit pas avoir pour but d’AIDER le parent chez qui réside l’enfant habituellement. Avoir un enfant, être parent engage des responsabilités, des devoirs et des frais financiers. Ce n’est pas une aide, c’est une responsabilité et un devoir.

La Collective appelle à :

  1. Une redéfinition de la notion même de “pension alimentaire” au profit d’une “ de contribution à l'éducation et a l'entretien de l'enfant (CEEE) » telle qu’imaginée par le Collectif Abandon de famille ;
  2. La fin de l’imposition de la pension alimentaire pour le parent gardien
  3. une révision à la hausse de la grille de calcul de la contribution en tenant compte du revenu du parent non gardien  de l’âge et des besoins effectifs de l’enfant, de leur coût réel;
  4. la systématisation du partage des frais « annexes » qui n’ont d’exceptionnels que leur nom et trop souvent mis à la charge exclusive des mères avec les montants de “pension alimentaires” dérisoires que l’on connaît ;
  5. la mise en place de moyens de contrôle de la situation financière des parents par les juges aux affaires familiales. Aujourd’hui, trop nombreux sont les pères à organiser leur insolvabilité et/ou donner de faux documents. Ce sont quelques fois des mères en difficultés qui doivent prendre sur leurs maigres économies pour payer un détective privé afin de prouver ces fraudes. En particulier, la Collective appelle à une justification annuelle obligatoire par le père de sa situation financière par la production de ses dernier avis d’imposition en date (dont revenus fonciers) avec une possibilité ouverte aux mères de se voir communiquer les services des impôts ledit document et par écrit sans qu’une obligation alimentaire soit nécessairement actée par jugement ;
  6. Un prélèvement automatique des pensions alimentaires ;
  7. la révision annuelle obligatoire et automatique de la “Pension alimentaire” afin de suivre l’inflation.
  8. Une généralisation de l’ASF à toutes les mères isolées, avec un jugement ou non, et celles de nouveau en concubinage.

[1] Source : https://www.secours-catholique.org/sites/default/files/03-Documents/RS22%2BCouvBD_0.pdf ; page 7

[2] Source : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-07/dss62.pdf

[3] Source : https://www.liberation.fr/checknews/2019/07/25/le-taux-de-recouvrement-des-pensions-alimentaires-s-est-il-vraiment-ameliore_1741967/

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