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Tribune 21 février 2025

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La réforme de la justice pénale des mineur·es selon Gabriel Attal et Gérald Darmanin

Traiter les mineur·es comme s’ils étaient majeur·es, sanctionner leurs parents comme on punit des enfants... Une tribune cosignée par la Collective des mères isolées et le Collectif enfantiste. 

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Le jeudi 13 février 2025 a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale la proposition de loi déposée par l’ancien premier ministre Gabriel Attal, visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » par le biais d’une réforme du Code de justice pénale des mineurs[1].

Non seulement cette loi s’attaque aux grands principes fondateurs du droit pénal des mineurs depuis 1906 (loi du 12 avril fixant la majorité pénale à 18 ans) et 1912 (loi du 22 juillet créant des tribunaux pour enfants) ; mais elle renverse totalement le principe de la « primauté de l’éducatif sur le répressif » censé guider la justice des mineurs depuis 1945[2]. Elle va également à l’encontre des avis émis récemment par Défenseure des droits[3] et le Conseil constitutionnel[4]. Pourtant, la comparution immédiate des mineurs de plus de 16 ans et la suppression de l’excuse atténuante de minorité pour certains récidivistes, bien que retoquées au printemps dernier par la Commission des lois, sont revenues en force et ont été adoptées en séance publique sans aucun amendement malgré l’opposition de la gauche et grâce aux voies de l’extrême-droite...

On peut aussi s’interroger sur la nécessité d’une telle réforme et sur son efficacité. D’une part, les chiffres montrent que la délinquance des mineurs n’a pas augmenté ces dernier temps : elle stagne, voire diminue[5]. D’autre part, cette loi ne remédie en rien au manque de moyens investis dans la prévention du passage à l’acte. La Protection Judiciaire de la Jeunesse manque de personnel spécialisé en raison de la réduction permanente du nombre de CDD et du manque de places pour accueillir les mineurs ; de même, il y a trop peu de juges des enfants par rapport au nombre de dossiers à traiter.

En outre, les mineurs concernés par cette loi sont très souvent victimes de violences au sein de leur propre famille. Or que fait la justice française pour les protéger ? La protection de l’enfance manque elle aussi cruellement de moyens et de personnel pour placer sous protection immédiate les enfants en danger au sein de leur propre famille. Enfin on peut rappeler que ces mesures législatives sont dues en grande partie à l’épisode des révoltes urbaines de juillet 2023 qui ont fait suite à l’assassinat par deux policiers du jeune Nahel Merzouk à Nanterre. Or le budget 2025 acte à nouveau une diminution drastique des crédits consacrés à la politique de la ville : 40 millions d’euros en moins pour les quartiers prioritaires, les associations de proximité, les dispositifs de découverte culturelle et sportive, etc[6].

Que dire enfin des mesures réservées aux parents des mineurs délinquants, qualifiés à plusieurs reprises de « défaillants » par les ministres successifs (Elisabeth Borne, Aurore Bergé, Gabriel Attal) ? À savoir une amende civile en cas d’absence à l’audience[7], voire des travaux d’intérêt général ou encore des stages de soutien à la parentalité… Il est insupportable d’entendre des politiciens qui soit n’ont pas d’enfants, soit confient à leur conjoint.e ou à des assistantes maternelles le soin de les élever à leur place, parler de ces parents qui, dans la majorité des cas, sont des mères isolées qui assument seules H24 et 7 jours sur 7 l’ensemble des responsabilités parentales, comme de petites choses fragiles « dépassé.e.s » à qui il faudrait donner des leçons de parentalité et d’autorité.

Au fond, que dire de cette loi sinon qu’elle revient à instaurer un nouvel Etat de droit qui s’autorise à traiter les mineurs comme des majeurs qu’il faut sanctionner plutôt qu’éduquer, et les majeurs comme des mineurs qu’on infantilise comme s’ils avaient besoin qu’on leur apprenne à être parents. Et pendant ce temps-là, que fait-on pour les mineurs en danger ou les mineurs victimes de Bétharram ou de la fondation Abbé Pierre ? Ils n’ont même pas de ministère dédié à l’enfance ; on nous fait miroiter la création d’un « Haut commissariat à l’enfance » qui n’a toujours pas de haut commissaire ; enfin on leur envoie le premier ministre François Bayrou pour qu’il leur fasse de vaines promesses de réparation tout en insistant bien sur le fait que les faits sont prescrits et que ce n’est pas de sa faute, il ne savait pas…

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/dossiers/restaurer_autorite_justice_mineurs_delinquants_et_parents

[2] Ordonnance du 2 février 1945

[3] Extrait de l’avis n° 24-7 du 21 novembre 2024

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=22448

[4] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221034QPC.htm

[5] D’après le dernier rapport de l’UNICEF le nombre de mineurs mis en cause par la police est passé de 200 000 à 121 000 entre 2000 et 2023, et la proportion des délits commis par des mineurs est passée de 22 % en 1988 à 12 % en 2023 (https://www.unicef.fr/wp-content/uploads/2024/11/Synthese-du-rapport-de-la-Consultation-nationale-UNICEF-de-2024.pdf)

[6] https://www.mediapart.fr/journal/france/150225/affaire-betharram-reforme-de-la-justice-la-republique-contre-ses-enfants

[7] https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/loi-attal-sur-la-justice-des-mineurs-les-mesures-chocs-de-gerald-darmanin-pour-durcir-le-texte