Si l’on connaît mal la Commune, on ignore davantage les véritables causes de son instauration, car non seulement elles concernent la trahison des élites qui gouvernaient, mais aussi parce que ces causes se sont reproduites plus tard dans l’Histoire.
Premier coup de pied dans le récit de l’Histoire officielle : Cette curieuse guerre de 1870, premier volet de la trilogie d'Henri Guillemin sur la Commune. Il y étudie les événements depuis la déclaration de guerre, fin juillet 1870 jusqu'au 4 septembre de la même année.
Le contexte : depuis les dernières élections (1869), les classes dirigeantes tremblent devant la montée des mécontentements de la classe ouvrière. La guerre contre l'Allemagne paraît un moyen de conforter l'Empire, mais les désastres militaires vont changer la donne. Extraits choisis sur trois personnages clés :
A propos d’Adolphe Thiers : « Ce que préconise, pour l'instant, son altruisme de grand citoyen, c'est, après la chute, bien entendu, de l'Empire, un gouvernement réellement anonyme et aussi impersonnel que possible, qui ne se résume en aucun nom propre, qui ne soit le triomphe actuel ou prochain d'aucun parti. Le 'pacte de Bordeaux', en somme, avant la lettre. Afin de ne pas effaroucher les orléanistes qu'il s'agit pour lui d'empaumer, Thiers ne prononce pas encore le nom mal avenant de République ; mais c'est à cette solution qu'il travaille, car la République telle qu'il l'entend aura ce double avantage de permettre, d'une part, étant le régime de la 'souveraineté nationale' - autrement dit la dictature des notables sous couvert des votes paysans - une répression du prolétariat ouvrier d'autant plus écrasante qu'on la pourra baptiser 'démocratique' et 'conforme au vœu du pays', et, d'autre part, de lui assurer, à lui Thiers, cette jouissance concrète du pouvoir qu'il convoite depuis quarante ans. » (p.59/60)
Qu'en est-il du général Trochu ? Il part du même postulat que Thiers à savoir que la guerre est perdue :
« L'un, parce qu'il est indispensable à ses calculs qu'elle le soit, l'autre, le général, parce que nous sommes commandés par des imbéciles. Mais tandis que Thiers entend réussir, à la faveur du désastre, une brillante opération politique, Trochu, obsédé par le 'danger rouge', n'a qu'une seule préoccupation : tout faire, sacrificiellement, s'il le faut, pour que la déroute ne s'accompagne point d'une subversion, pour que le drame militaire ne se complique point d'une tragédie sociale. ».
Le voici nommé, par l'Empereur, gouverneur de Paris. A tout prix éviter la révolte populaire. L'ordre établi, voilà ce que Trochu entend défendre.
Pour Trochu : « la fin, c'est l'ordre, l'ordre seul, qui se résume en trois mots - et lui-même aura soin de les énoncer : Famille, Propriété, Religion. Trois mots, on l'observera, et non pas quatre, car "Patrie", pour ce général, est un terme qui n'appartient pas à son vocabulaire de base ; un mot suspect ; en tout cas secondaire. Les vraies valeurs, les seules réalités solides sont d'une autre nature."
Donc, peu importe le régime, que ce soit l'Empire ou, en cas de faillite de celui-ci, la République, Trochu n'est pas regardant. Reste l'armée. L'Empereur a perdu à Sedan, mais l'armée possède encore des ressources et une défaite ne signifie pas la fin de la guerre.
Qu'en est-il de Bazaine ? C'est là qu'intervient le troisième homme et la découverte de Guillemin. Ce nom ne désigne pas seulement un général incompétent et félon mais un collectif, c’est à dire l'ensemble (ou presque) de la hiérarchie militaire qui n'a qu'une hâte : capituler le plus vite possible pour aller défendre les intérêts des honnêtes gens menacés par la populace parisienne.
Guillemin : "L'ennemi n'est plus en face, mais à l'intérieur. L'ennemi ne s'appelle plus Bismarck, mais Blanqui (ou Rochefort, ou Gambetta, mots synonymes). La guerre étrangère, n'en parlons plus. La poursuite en serait folle, et criminelle, alors que le danger - un danger suprême - est ailleurs, et que M. de Bismarck doit le comprendre comme eux-mêmes. Qu'ils soient Allemands ou Français, les gens convenables ont à présent le même adversaire effrayant : la basse plèbe, ces "prolétaires" dont Rochefort-le-marquis a su se faire le délégué, la populace qui crie "aux armes!" et prétend résister au destin. Comme si ces gens-là avaient à se mêler des choses militaires ! Comme s'il leur était permis de se déclarer pas d'accord lorsque les généraux leur disent que la guerre est finie ! Comme si les devoirs du patriotisme pouvaient être laissés à leur appréciation quand les spécialistes se sont prononcés." (p.196/197)
Tout est en place pour une honteuse capitulation.
Colloque sur le thème "Henri Guillemin et la Commune - le moment du peuple ?" le 19 novembre 2016 à l'Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 à Censier.
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Site de l’association Les ami(e)s d’Henri Guillemin : www.henriguillemin.org