Un vent de révolte souffle sur la France Insoumise (FI). Clémentine Autain, mais aussi Alexis Corbière ou François Ruffin, des figures majeures de la FI n’ont pas été incluses dans la direction, qui est décrite par beaucoup comme étant un « repli sur soi » du noyau du mouvement. L’affaire Quatennens attise aussi les tensions au sein des groupes d’action sur tout le territoire. Les grèves militantes se sont multipliées, faisant craindre un exode militant, surtout des plus jeunes. D’où vient cette crise politique majeure ? Et comment la résoudre ?
1. Un diagnostic
Cette crise est causée par le fonctionnement interne à la FI. Ce fonctionnement a été très adapté à la phase précédente, il a permis à ce mouvement de devenir en quelques années la première force à gauche, mais il est aujourd’hui dépassé. Ce modèle qui a si bien marché, consiste à créer un consensus autour d’une personne, Jean-Luc Mélenchon, et d’un programme, l’Avenir en Commun. Si l’on venait militer à la France Insoumise, c’est qu’on considérait cette option satisfaisante. Dès lors, si tout le monde est d’accord sur l’essentiel, pas besoin de réunions interminables ou de primaire fratricide ! Le temps consacré à la lutte est uniquement utilisé pour convaincre les gens de la pertinence de l’Avenir en Commun.
L’événement qui a initié la crise, celui qui a apporté un dissensus durable et conséquent au sein de la FI, c’est ce tweet : « La malveillance policière, le voyeurisme médiatique, les réseaux sociaux se sont invités dans le divorce conflictuel d’Adrien et Céline Quatennens. Adrien décide de tout prendre sur lui. Je salue sa dignité et son courage. Je lui dis ma confiance et mon affection. »
Quoi qu’on en pense, ce tweet, que Mélenchon n’a ni regretté ni supprimé, a provoqué une réaction très forte de la part de nombreux militant·e·s féministes dans la FI. À ce moment-là, tous les militant·e·s qui ont senti qu’iels étaient fondamentalement en désaccord avec les prises de paroles de Mélenchon se sont trouvé·e dépourvu de moyens d’expression en interne. Leurs opinions n’ont tout simplement pas été prises en compte. Alors iels ont été obligés de trouver d’autres moyens d’action comme les grèves militantes et la tribune « Faites Mieux » sortie dans le Monde.
À partir du moment où l’avis des militant·e·s n’est jamais entendu, la crise ne peut pas être dépassée car au moins l’un des camps se sentira injustement lésé. Dans cette situation, le risque c’est l’exode et la purge : l’exode des jeunes militant·e·s, qui ne se sentent plus représenté·e·s par le mouvement, et la purge des cadres qui contestent les actions de la direction.
L’alternative, celle que je défends, c’est de démocratiser la FI, mais pas n’importe comment. Il faut inventer une nouvelle organisation à la hauteur des enjeux politiques à venir.
2. Ce qu’il faut garder et ce qu'il faut changer
Les succès de la FI en 2017 et 2022 ne sont pas dû au hasard. Ils découlent notamment d’un fonctionnement interne extrêmement efficace. N’importe qui peut aller sur le site Action Populaire et chercher si un groupe d’action (GA) se situe à proximité. Du fait de la taille des GA (souvent une dizaine de militant·e·s actifs), des groupes sont présents à peu près partout en France. D’un seul clic, vous rejoignez le GA et pouvez commencer à militer et discuter sur des boucles Telegram. Il n’y a pas vraiment d’obstacles à venir militer car il n’y a pas de coût à rentrer dans la FI ni à en partir. L’absence de cotisation est l’un des avantages indéniables de la FI qu’il faut conserver. L’autre qualité de la FI c’est que les GA ne sont pas un lieu de débats interminables sur la ligne politique mais bien des lieux centrés sur les actions militantes, où la convivialité est évidemment de mise.
Le problème central de la FI c’est le manque de démocratie interne. Je vous présenterai des solutions concrètes, qui peuvent être imparfaites, mais qui méritent d’être débattues. Pour faire des institutions démocratiques, il faut d’abord un corps électoral. Or, je viens de dire que je ne souhaite pas la création d’un système d’adhésion et de cotisation. La solution est donc de faire voter les militant·e·s sur des critères d’engagement politique et non financiers.
Chaque personne ayant fait au moins deux actions militantes (tractage, porte-à-porte, collage…) dans l’année se signalera sur Action Populaire et pourra être considéré comme militant·e actif·ve. Les animateur·rice·s de GA auront accès aux noms de celles et ceux qui disent avoir participé aux actions de leur GA et repéreront facilement les potentielles anomalies.
Ce corps électoral pourra s’exprimer tous les cinq ans (ou après chaque législative) pour élire à la proportionnelle une assemblée représentative, où seront présentes les figures majeures du mouvement selon leurs scores. Cette assemblée se réunira régulièrement (par exemple tous les trois mois) et débattra des orientations générales du parti. Elle aura surtout pour mission de nommer un exécutif et de contrôler son action. Cet exécutif, révocable par l’assemblée, prendra les décisions stratégiques et coordonnera l’action militante au niveau national. Des référendums pourront être proposés à la base militante, notamment dans le cadre d’une primaire.

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Ce fonctionnement n’est pas une remise à zéro de ce qui a été construit mais une amélioration de ce qui existe déjà. L’objectif est d’être capable de trancher les désaccords de fond et de savoir toujours par qui, et selon quel mandat, les décisions sont prises. Il s’agit de permettre l’intervention populaire dans les institutions de la France Insoumise !