Comme C. Lelievre le souligne dans son blog, Blanquer utilise des stratégies déjà utilisées auparavant dans l'Education Nationale, par lui ou d'autres. Entre autres
Le rattrapage scolaire pendant les vacances
Il existe déjà depuis fort longtemps. Son but n'est pas tant de faire rattraper leur retard à certains élèves. Il est surtout d'habituer les enseignants à travailler pendant les vacances, c'est à dire d'augmenter leur temps de travail d'enseignement devant élèves. Et pour mieux les convaincre, il y a l'appât d'une rémunération supplémentaire qui compte, dans un contexte de baisse drastique du revenu des enseignants qui est réel. Cela permet incidemment également au ministère de savoir sur qui il peut faire pression pour servir ses objectifs. Comme le dit C. Lelievre aucun bilan n'a jamais été tiré concernant le bénéfice de ce dispositif auprès des élèves. Ce qui signifie bien que l'objectif est ailleurs, et ne concerne pas la résolution de la difficulté scolaire.
Hier des CP à 10 élèves: une expérimentation ancienne
En 2003, Il y a eu les grandes grèves contre, déjà, la territorialisation (de l'Education Nationale et la fonction publique), puis contre la réforme des retraites. A Marseille la mobilisation a été énorme. Enormité dont les médias n'ont pas vraiment fait état d'ailleurs. A la fin, la grande grève, et immense manifestation, suivies par un meeting (devant le vélodrome), tout le monde gréviste et mobilisé attendait l'appel à la grève générale des directions syndicales. La trahison des directions syndicales qui n'ont pas appelé à la grève générale a été ressentie comme un coup de poignard par tous les enseignants ce jour-là. Beaucoup ne s'en sont jamais remis. Après, le gouvernement a eu les mains libres pour renforcer son patient travail de détricotage du service de l'Education Nationale. La loi Peillon, qui n'est pas remise en cause par Blanquer, est là pour casser le statut enseignant, nous faire travailler plus, supprimer le restant de merveilleux fonctionnement démocratique de nos écoles primaires, entre autres, pour soumettre l'Education Nationale aux intérêts de l'économie capitaliste financiarisée.
Revenons à nos moutons. Après cette mobilisation de 2003, une des mesures du ministère a été ... de créer des CP à 10 élèves. Ces classes ont bien vu le jour, du moins ici à Marseille. Nous, les enseignants du primaire, avons été très surpris du choix de ce nombre 10. Jamais aucune revendication n'avait, ni n'a jamais été basée sur un tel chiffre. Et ce chiffre est fait pour ne rimer à rien, justement pour ne répondre à aucune revendication. Comme cela, quand la mesure est abandonnée, ce n'est pas contesté. Par contre elle est utile pour faire le buzz et faire taire la contestation. Ceci de 2 manières: le ministère fait croire qu'il cherche des solutions à la seule revendication auquel le gouvernement ne répondra jamais, l'effectif des classes, et il demande d'expérimenter à ... des contestataires de préférence.
Cette mesure a été abandonnée sans tambour ni trompette. Aucun bilan n'a jamais été tiré.
Aujourd'hui des CP à 12 élèves
Encore une fois ce nombre est déconnecté d'une quelconque revendication concernant les effectifs. Le ministère veut faire le buzz avec une mesure hors du temps et de l'espace dont même les enseignants ne veulent pas. Ce qu'ils veulent ce sont des effectifs diminués partout et plus de moyens pour retrouver les psychologues, les maîtres E, G, les médecins scolaires (qui vont être remplacés par des étudiants en SCU et d'autres objectifs pédagogiques), qu'on arrête avec la managérisation de la gestion etc...
Cette mesure sert à rebattre les cartes et à sidérer les enseignants par l'audace de la mesure à commencer dans l'Education Prioritaire qui est le secteur le plus contestataire aujourd'hui et qui l'a été l'année dernière. En y regardant de plus près, cela se fait à moyens quasi constants. Très peu de profs en plus devant les élèves puisque cela ne concerne qu'une minorité d'écoles. Par contre les maîtres titulaires remplaçants sont pressentis pour pourvoir les postes (qui ne l'on jamais demandé, d'où casse du statut). Et, c'est là que cette mesure prend toute sa signification, les maîtres remplaçants titulaires seront eux-mêmes remplacés par des contractuels. Cette attaque du statut enseignant est donc bien réelle cachée derrière une mesure qui, gageons-le sera abandonnée très vite dans les milles réseaux prioritaires ou sinon certainement jamais généralisée dans les dizaines de milliers d'écoles existantes.
La prime supplémentaire de 3000 euros annuelle pour les professeurs de l'Education Prioritaire
a) Un rappel, la baisse des salaires des fonctionnaires, tout bénéfice pour le gouvernement
Il faut rappeler que en 10 ans, la désindexation des salaires des fonctionnaires sur les prix a engendré un revenu supplémentaire pour l’État d’environ 25 milliards d’euros. Or c’est en 1983 que le gouvernement Mauroy a initié la désindexation sur les prix dans le privé comme dans le public (un impôt sur les fonctionnaires qui ne dit pas son nom). Et tous les gouvernements ont fait de même après Mauroy. De plus 7,5 milliards ont été prélevés sur les salaires des fonctionnaires en guise de nouvelles « retenues » pour les pensions (autre impôt).
Quant à la réforme PPCR, elle coûtera 1 milliard à l’état jusqu’à 2020. Comparé aux chiffres précédents on peut relativiser cette dépense, ou dire d’une autre manière, que cela ne coûte rien à l’État puisque ce sont les fonctionnaires eux-mêmes qui ont déjà abondé la somme qui servira à les « augmenter ». Les PPCR n’ont donc rien à voir avec un quelconque rattrapage de leurs pertes salariales cumulées depuis 1983.
Ne pas oublier que le gel du point d’indice n’a pas été supprimé. Seules ont été accordées des augmentations minimes de 2x0,6 % qui ne rattrapent pas la baisse du pouvoir d’achat enregistrée depuis trop longtemps.
b) Là dessus la prime Blanquer aux seuls enseignants des REP+ et REP
C'est aussi une vieille stratégie. Elle est basée sur la perte de pouvoir d'achat des enseignants. Une prime supplémentaire avait déjà été attribuée à tous les professeurs d'Education Prioritaire il y a 4 ans. Le ministère met cette fois-ci le paquet pour tenter de faire taire un secteur qui n'a pas arrêté de contester la politique de baisse des moyens dans l'EP. Blanquer avec cette mesure phénoménale, qui bizarrement ne fait pas le buzz, tente cette fois-ci d'acheter les contestataires. Les REP sont en effet pressentis pour appliquer en premier les mesures les plus difficiles et les plus contestables de la loi Peillon qui se met en place petit à petit. Cette prime qui se rajoute à la précédente a aussi un but très important c'est de diviser la profession. La loi Peillon en effet en créant des missions nouvelles aux enseignants (ce qui contribue à casser le statut) vise à faire rentrer la compétition entre profs, à créer de nouveaux postes hiérarchiques où, comme dans toutes les entreprises du monde, il y aurait des nouveaux responsables/petits chefs ??? avec des missions à faire appliquer (des projets pour la gym, pour les sciences .... pour les arts ...), des comptes à rendre à ces nouveaux chefs. D'ailleurs tout a déjà commencé dans nos écoles. Les maîtres deviennent les ouvriers spécialisés avec des missions qui s'éloignent de plus en plus de la base de l'enseignement: faire acquérir des connaissances. Le but devient autre: fournir de la main d'œuvre aux entreprises, à la demande, à moindre coût avec les compétences minimales nécessaires (qui devraient être dosées et mesurées au moyen du nouveau livret numérisé, 1er chapitre du nouveau livret ouvrier du 19/21ème siècle.
Les mesures qui sont prises par Blanquer, ici dans le primaire, ont une apparence bénéfique. Elles font en fait partie d'un arsenal qui poursuit l'objectif de la loi Peillon qui n'a pas été retirée par Macron/Blanquer. Au contraire tout est fait pour accélérer son application.