Je fais partie des 5000 contractuels employés par l’Éducation Nationale pour la « brigade Covid » mise en place du 5 janvier au 12 février 2021.
Comme tous les vacataires, nous avons été engagés seulement sur cette période, et souvent pour des remplacements longs, car les enseignants remplacés font partie des personnes vulnérables Covid.
Reprendre une classe, qui en était à son troisième ou quatrième remplaçant, n’a pas été chose facile. Il a fallu établir un lien avec ces élèves déstabilisés par la situation depuis la rentrée. Il a fallu jauger les différents niveaux, s’adapter, etc.
Cette brigade a bénéficié de 10h de formation en distanciel, formation loin d’être complète et faite dans l’urgence. Pour mon cas on m’a mise du jour au lendemain dans une REP+ avec un dispositif ULIS. Je n’avais pas fait de choix en ce sens et n’ai jamais travaillé avec des personnes en situation de handicap.
Je me suis très bien adaptée vue mon expérience professionnelle antérieure et ma grande adaptabilité. L’équipe pédagogique et l’équipe ASH m’ont superbement accueillie et le contact avec les élèves a de suite pris ainsi qu’avec les parents d’élèves et l’enseignante remplacée.
Un climat agréable s’est instauré avec beaucoup de travail, d’installations en classe et une part d’improvisation. Nous avons pu rattraper un peu le retard pris depuis tout ce temps et j’ai pu enfin voir le niveau de chacun au bout de cette période. Oui, car il est sans dire qu’en ULIS c’est du cas par cas et ce n’est pas tous les jours facile.
Je n’ai pas été visité durant cette période mais j’ai demandé des RDV auprès d’un conseiller pédagogique de circonscription. J’ai donc eu le droit à un entretien et j’attendais le prochain avec empressement.
J’ai passé 6 semaines fort appréciables avec plein de projets en cours et à venir.
Nous espérions tous ( élèves, parents d’élèves, personnel ASH, équipe pédagogique, acteurs du monde médical et moi-même) que je revienne sur ce dispositif à la rentrée de mars. J’ai de mon côté promis à mes élèves, complétement largués par la situation, que je me battrai bec et ongles pour être avec eux à la rentrée.
J’ai remballé quelques affaires mais j’ai laissé tous mes dispositifs inventés pour eux dans la classe (balles anti-stress, bouteilles à émotions, peluches, jeux pédagogiques, affichages muraux, etc). Oui car c’est un investissement de remplacer une classe d’ULIS qui n’a que des remplaçants depuis septembre. Un investissement humain mais aussi financier.
Je suis partie ce vendredi 12 février espérant de tout mon cœur retrouvé ce petit monde auquel je me suis si vite attachée.
J’avais écrit un courrier le 3 février à ma coordinatrice où je posais plusieurs questions et entre autre où je lui demandais quelle serait la situation pour mes élèves à la rentrée. J’y faisais part de mon inquiétude ainsi que celle des parents et de mon équipe. Ce mail est resté sans réponses. J’ai renvoyé le même mail mais via la boite mail professionnelle durant les vacances scolaires. Mail resté une fois encore sans réponse. J’ai tenté d'appeler plusieurs postes de la Direction des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN) durant la période de vacances scolaires mais aucune réponse…
Le lundi matin je me suis donc dit que les CDD ne seraient pas renouvelés et que personne ne nous informerait. J’espérais innocemment que mes élèves n’étaient pas laissé sans solutions et qu’ils bénéficiaient d’un remplaçant titulaire qui resterait avec eux jusqu’aux vacances d’été.
J’ai eu l’équipe ASH et l’équipe pédagogique ce jour-là au téléphone qui m’ont demandé pourquoi je n’étais pas là et qui m’ont informée que les enfants étaient sans remplaçant et qu’ils n’en auraient pas avant un petit bout de temps. La plupart de mes élèves ne peuvent pas être accueillis à l’école si je ne suis pas là, leur handicape les empêchant de suivre un enseignement dans d’autres classes.
J’ai appelé de nouveau la DSDEN ce lundi pour comprendre ce qu’il se passait. On m’a dit d’attendre patiemment et de regarder très régulièrement ma boite mail mais sans promesse aucune de réembauche.
L’incompréhension totale, l’injustice et la tristesse m’ont envahie.
Les élèves sont laissés en carafe, les parents d’élèves ne peuvent pas aller au travail, les équipes sur place doivent jongler avec des élèves ULIS à dispatcher dans des classes, moi je pleure dans mon canapé car je ne peux rien faire à part attendre une solution pour mes élèves qui comptaient sur moi. « C’est dégueulasse ! » C’est tout ce que j’avais à dire ce jour-là…
Ce n’est pas la première fois que je suis déçue par l’Éducation Nationale mais j’espère toujours qu’un miracle va arriver.
Je connais bien ce petit monde car j’ai fait mes études il y a bientôt 20 ans pour être Professeure des Écoles. J’ai passé le concours il y a 15 ans presque et ce, 2 fois de suite. J’étais déjà halluciné de voir comment on embauche les professeurs des écoles et de la formation dans les IUFM.
N’ayant pas été promue, j’ai décidé de continuer ma route dans les écoles mais pas de cette façon. Je suis donc devenue animatrice pédagogique et formatrice. Car la pédagogie depuis toujours c’est ce qui me motive et m’anime et j’avais bien compris après ces 2 années que ce n’était pas ça qui primait dans l’Institution.
J’ai pu récolter pas mal de témoignages d’enseignants durant cette époque ce qui me confortait dans mon choix de ne pas avoir insisté dans cette voie. Le mal être des enseignants est plus que présent, un ras le bol se fait ressentir très souvent. Pas d’écoute des supérieurs, des obligations pédagogiques fondées sur on ne sait quoi, des changements inopportuns à tout va, des salaires décevants, etc, etc… La liste est longue et peu glorieuse.
Mais voilà, je suis maman désormais et très impliquée entant que présidente des Représentants de Parents d'Elèves de l’école de ma fille. Je suis de très près ce qu’il se passe dans le monde de l’éducation et suis toujours très intéressée de voir comment toute cette sphère si particulière évolue. Surtout que désormais mes enfants en font partie.
Je suis estomaquée de la façon dont s’organise cette belle et grande Institution qu’est l’Éducation Nationale
J’ai donc tenté ma chance en passant par la porte de derrière.
Je ne repasse pas le concours vue que toutes les conditions ont changées et qu’il faut maintenant un bac +5 (je l’ai passé avec une licence à l’époque mais là je n’ai plus le droit). Du coup je tente ma chance entant que contractuelle. Je réalise une partie de mon rêve et ça fonctionne. Ça fonctionne même très bien vu les éloges que je reçois de toutes parts même du côté de l’inspection de l’éducation nationale.
Alors pourquoi tout arrêter maintenant ?
Aujourd’hui je sais que ma situation n’est pas isolée et que nous étions 5000 dans le même bateau. 5000 à attendre un appel ou un mail, 5000 à peut-être chercher un autre travail. 5000 à ne peut-être donc pas répondre présent le jour où on a besoin de nous.
Aujourd’hui nos contrats sont renouvelés à partir du lundi 8 mars jusqu’au 31 mai.
Pendant plusieurs jours ma classe est donc restée sans enseignant alors que je suis volontaire et disponible. On tente de nous consoler en nous proposant une formation de… deux petits jours, au cours desquels je ne suis pas remplacée. L’IEN m’a pourtant appelé en amont pour me dire que je retournais sur mon poste lundi. Mais les personnels de la DSDEN ne connaissent pas l’IEN et ne connaissent même pas son nom !
Incroyable ! Nous ne sommes en fait qu’un paquet d’individus avec aucune connexions ni coordination de nos supérieurs ; individus à leur disposition, employés dans des conditions précaires.
Je suis estomaquée de la façon dont s’organise cette belle et grande Institution qu’est l’Éducation Nationale. Institution dans laquelle nous laissons nos enfants sans vraiment savoir ce qu’il se passe « là haut ». Tout ça, ça fait vraiment peur !
Et finalement, qu’attendions nous tous ?
L’enveloppe ministérielle pour tout débloquer. Et pourquoi seulement maintenant ? Peut-être parce que c’est la fin des vacances scolaires de la dernière zone ? Une large économie faite au dépend de l’humain.
Voilà, ils n’ont tout de même pas réussi à me faire baisser les bras, et je continuerai à me battre pour les élèves, les équipes pédagogiques qui vivent ça au quotidien, les parents d’élèves, les autres acteurs qu’on a tendance à oublier : ASH, maîtres E et G, ATSEM, psychologues scolaires, infirmières scolaire et tant d’autres.
Hauts les cœurs !