La version plus détaillée est disponible par email à l'adresse voyage_a_velo_officiel@proton.me ou à la fin de l'article. Son relai le plus large est possible et même souhaité.
Le premier jour de vélo, le premier regard. Ce jeudi qui se voulait tranquille est très rapidement marqué par un contrôle d'identité, inaugural de tous ceux à venir durant le périple. Il commence par l'apparition impromptue d'une voiture de gendarmerie sur le côté de la voie cyclable pendant notre pause, ce qui nous interpelle d'étrangeté et nous interroge sur la possibilité d'être surveillé.e.s de loin étant donné que le trajet de notre convoi a été communiqué publiquement. Les gendarmes nous parlent de cambriolages le long de la voie cyclable pour justifier ce contrôle. Mais comment déterminer si nous sommes trop méfiant.e.s à ce stade du périple ou si l'hypothèse de notre surveillance est avérée ?
Le second jour est exempt de contrôle et nous fait relativiser l'incident de la veille.
En arrivant sur la fin de notre troisième jour de vélo, tout s'emballe. Nous réalisons que nous sommes surveillé.e.s et filmé.e.s à chaque pont le long du canal que nous remontons jusqu'alors. Nous marquons un temps d'arrêt à plusieurs reprises pour essayer de nous calmer et déterminer notre réaction. Même si nous ne risquons rien et que nous n'avons rien à cacher, comment se débarrasser de cette désagréable présence pour retrouver un climat de convoi plus serein et moins oppressant ? Loin de nous rassurer, cette présence policière fait monter la pression chez certain.es d'entre nous. Mais nous continuons d'avancer en constatant que la surveillance se transforme en filature de loin, et cela, jusqu'à notre destination du jour où nous nous soumettons à notre second contrôle d'identité. Comprenant, contrôle d'identité et fouille des sacoches sur réquisition exceptionnelle - ne concernant que notre ville étape - avec insistance des fonctionnaires pour connaître notre destination finale...

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Le quatrième jour, la filature "affichée". En ce jour férié de "fête" nationale, la filature s'installe confortablement : nous la repérons à la sortie du camping et nous la constatons ensuite à chaque intersection, en véhicule banalisé. Un échange s'effectue avec deux des personnes de notre convoi - sans obtenir d'information particulière quant à leurs motifs ni l'origine exacte de leurs ordres. On nous précise simplement que les ordres viennent "de très haut". Nous semons nos accompagnant.es dans une grande ville, fortuitement, et célébrons avec soulagement cette petite victoire que l'on sait temporaire. Ailleurs en France, on apprend que d'autres convois de vélos sont plus escortés que nous encore, avec survols d'hélicoptères ou présence de motards à l'avant et l'arrière des convois.

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Le cinquième jour, la rencontre et le début de la fin. Repéré.es sur la route, la filature reprend au bout de quelques kilomètres après notre départ. Nous devinons que les patrouilles du département étaient en alerte et communiquaient entre elles pour nous retrouver. Lors de la pause déjeuner, le relai s'effectue entre équipes de gendarmerie, la nouvelle se présentant à nous pour officialiser la filature sous couvert de bonnes intentions. Troisième contrôle d'identité avec vérification des adresses. Les échanges verbaux avec cette nouvelle équipe sont ubuesques, se veulent sympathiques, mais leur présence jusqu'ici "lointaine" se rapproche soudain (on nous collera désormais de très près, au point de s'inviter dans le camping municipal dans lequel nous poserons nos tentes). À 20km du changement de département, une seconde équipe grossit la première en vue du futur relai, probablement pour prévenir tout risque de nous perdre de vue. Face à l'inquiétude et l'incompréhension que génèrent la présence de la gendarmerie dans le camping auprès des autres campeur.euses, celle-ci fait venir l'adjoint du maire, déclare qu'elle nous attendra à l'entrée dès le lendemain matin et se replie. Les esprits sont épuisés par la pression, ne supportent plus l'envahissement de nos vies privées, et nous réfléchissons à un plan pour disparaître : on part en repérages, on réfléchit loin des téléphones, on se couche tôt.

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Le sixième jour, la fuite et l'arrivée. Ce dernier jour commence à 4h du matin et nous partons dans la nuit noire et le silence, comme dans un film... Nous roulons sans croiser personne jusqu'à la gare où nous prenons enfin le large, enfin rassuré.es d'échapper à la surveillance étroite. La fatigue nous rattrape très vite en revanche : l'accumulation des efforts de la semaine, le manque de sommeil et le chemin qu'il nous reste à parcourir ne sont pas de bons conseils. La journée est semée d'embuches et rien ne se déroule vraiment comme prévu, et nous finissons séparé.es en 2 groupes avec le plus gros convoi ralliant le Village de l'Eau à St-Martin-lès-Melle en soirée, après un second train, des kilomètres en plus et des tentatives d'esquives de contrôle. Mais là-bas, le sort est identique pour tout le monde : le village est encerclé, contrôles des identités et fouille méticuleuse des sacs et sacoches sans réquisition papier à présenter, ni officier de police judicaire (OPJ) sur seule parole des gendarmes ... Nous arrivons épuisé.es mais infiniment soulagé.es d'être enfin au terme du périple quoique trop éreinté.es pour le célébrer. Le voyage fut intense, inattendu à certains égards, intimidant (et tout un tas d'autres adjectifs !).
Conclusions de l'histoire. Notre expérience de convoi vélo interroge quant aux moyens (financiers, humains, logistiques...) mis en place dans la surveillance et la répression des militant.e.s écologistes en France actuellement. Cela interroge également sur le niveau très avancé de dégradation de la démocratie. Les différentes étapes ont révélé un dispositif national coordonné entre gendarmeries départementales et leur omniprésence pendant notre trajet semble s'inscrire à la fois dans un objectif de pressurisation des mouvements écologistes et dans une volonté de surveillance et de répression, visant, à tous les niveaux, à les mettre en échec. Il soulève de nombreuses questions et inquiétudes quant aux priorités de sûreté de l'Etat et de ses engagements politiques. Nous espérons que ce récit interpelle l'ensemble des destinataires : journalistes, élu.es, défenseur.euses des droits humain.es, camarades de luttes, afin de se saisir de cette grave situation et, surtout, de visibiliser de telles traques dans l'espoir de les voir cesser et que leurs commanditaires soient discrédités.
Fort·es de notre détermination avec nos camarades de luttes de divers horizons, nous avons tenu bon et demeurons déterminé.es à poursuivre les mobilisations écologiques et sociales pour vivre dans une société viable. Pour le partage, en commençant par celui de l'eau.
Récit complet à faire circuler autour de vous