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Billet de blog 10 janvier 2019

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Les repentis de Deliveroo

Hamza et Malik sont deux livreurs bordelais qui ont travaillé chez Deliveroo. Ecœurés par la dégradation de leurs conditions de travail et par le mépris des managers, ils espèrent faire passer un message aux plus jeunes qui pourraient être tenté.e.s par l'expérience : ne pas se bercer d'illusions.

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Il fut l'un des premiers à endosser le sac au kangourou vert à Bordeaux, en octobre 2016. Hamza, fraîchement débarqué dans cette ville, cherche un petit job en attendant de trouver un poste dans son domaine : la sécurité incendie. "Au début, ils t'en mettent plein les yeux, te promettent monts et merveilles et c'est le cas. Seulement les six premiers mois". Pour 70 heures de vélo par semaine, Hamza empoche parfois près de 3000 euros. Un salaire mirobolant, comme pour son camarade Malik, également livreur Deliveroo. Passionné par le vélo, il suivait une formation pour devenir chauffeur de taxi. Rouler pour la plateforme lui permettait de réviser sa géographie bordelaise, en vue de passer l'examen. Mais rapidement, les deux amis déchantent. Ils réalisent qu'en plus des charges de leur statut d'auto-entrepreneur, ils doivent rajouter les frais de l'entretien du vélo qui peuvent être conséquents, même lorsqu'on roule seulement 20h/semaine.


Rapidement, tous les deux subissent de plein fouet la dégradation de leurs conditions de travail. Hamza accuse une chute de 30% de sa rémunération. Il parle aussi de rivalités, voire même de menaces, entre les ancien.ne.es livreur.euse.s et les nouveaux.elles, au contrat plus avantageux et les nouveaux, prêts à travailler à n'importe quel prix. Sans oublier le changement dans la gestion du planning sur le logiciel staffomatic. Au départ, les deux livreurs se connectaient le matin à 11 heures pour choisir leurs créneaux. Il existait même une prime pour travailler le weekend. Désormais, l'algorithme prend en compte le taux de présence, les annulations tardives de shift, et la participation aux pics du weekend. Seul.e.s les meilleur.e.s élèves, soit 10 à 20% de l'effectif, peuvent choisir leurs créneaux. Les mauvais.e.s ne ramassent que les miettes. "On est passés d'un système de bonus si tu travaillais le weekend à des pénalités", regrette Malik. "C'est de la subordination", renchérit Hamza. "On est loin de la flexibilité vantée par le modèle d'un travail à la demande".

Rouler plus pour gagner moins

A l'été 2018, Deliveroo teste un nouveau contrat à la distance, sur une tarification variable. Auparavant, les livreur.euse.s roulaient au maximum trois kilomètres par livraison. Mais petit à petit, les distances ont augmenté - parfois 5 kilomètres - sans que la rémunération ne suive, jusqu'à cette proposition de nouveau contrat. "On a senti que c'était foireux et on a refusé ce nouveau contrat", explique Hamza. Les manifestations, les tentatives de conciliation au sein du bureau de Deliveroo, rencontre avec des députés : rien n'y fait. "Ils ne nous ont pas imposé ce nouveau contrat, mais nous poussaient à le signer en augmentant les distances de livraison", précise Malik.

L'arrogance de la plateforme est permise par une législation conciliante. Hamza en veut à l'Etat, qui les laisse en roue libre pour faire trimer les jeunes, inconscient.e.s de l'exploitation qu'ils et elles subissent. "Le gouvernement doit arrêter de fermer les yeux sur cette précarisation constante". Le taux de chômage devient un moyen de pression sur les livreurs qui, s'ils ne sont pas contents, n'ont qu'à aller voir ailleurs. Un véritable abus de faiblesse sur les plus précaires, sans parler des sans-papiers et des mineurs. Malik assure qu'ils sont de plus en plus nombreux à trimer sur les vélos. "Deliveroo utilise cela pour faire baisser ses tarifs car il sait qu'il trouvera toujours des gens pour bosser".

Fin décembre, Hamza a trouvé enfin un poste en CDI dans son secteur - la sécurité incendie - et peut enfin raccrocher son vélo. "J'ai désormais un vrai job, avec la retraite, les RTT et les prestations sociales". Il aimerait que son expérience devienne un exemple à ne pas suivre. "Il faut sensibiliser les jeunes à ne pas travailler pour Deliveroo, car l'accident peut survenir à tout moment et les conditions de travail sont de plus en plus difficiles". Quant à Malik, il est passé de l'autre coté, celui des restaurants. Un soulagement tempéré par ses craintes pour ses camarades, restés sur la route. "Foodora a fermé, plus personne ne veut travailler pour Deliveroo dans de telles conditions. Uber va tout racheter et avoir un monopole. Et ce sera encore pire pour ceux qui restent".  

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