Nous avons tous des vies, des responsabilités, familiales, professionnelles, et beaucoup d'entre nous sommes déjà très occupés avec ça.
Pour ma part, écrire pour exprimer mon refus de la violence infernale qui tue et blesse gravement depuis deux mois au Proche-Orient, qui détruit vies et habitations à une échelle vertigineuse dans un petit territoire abritant (le mot n'a plus de sens) tant d'enfants et de personnes sans aucune responsabilité pour l'attaque terrible du 7 octobre, écrire pour partager des rappels sur notre humanité commune et sur les règles qui s'appliquent même en temps de guerre est le principal moyen que j'ai trouvé pour essayer de faire quelque-chose.
J'écris un peu et je me trouve engouffrée dans mes responsabilités personnelles, si décalées de l'horreur qui se déploie jour après jour depuis deux mois.
J'ai peu de temps aujourd'hui, car j'ai à faire pour mon travail et mes enfants, pour la maison, les repas, toutes ces choses qui représentent à la fois une charge et une chance infinie, ces choses dont des dizaines de milliers de personnes à quelques milliers de kilomètres d'ici sont désormais brutalement privées, contraintes de fuir et d'essayer de survivre en dépit d'une entreprise de destruction très puissante et très efficace dont ils sont la cible, bien évidemment.
Les analyses plus approfondies de ce qui est à l'œuvre, les réponses aux argumentations étranges - quand elles ne sont pas franchement racistes - qui trouvent des justifications pour ce déferlement de violence (lutter contre le terrorisme, annihiler le mouvement Hamas, assurer la défense de l'Etat israélien etc.), le rappel plus précis de nos obligations, de notre responsabilité internationale de protéger, nous autres qui sommes les témoins de ces crimes, attendront car j'ai des cours à préparer et à assurer, des corrections à faire, des enfants à chercher, un repas à préparer...
J'écris donc vite, un petit billet, pour apaiser un tout petit peu ma conscience avant de filer au boulot, pour me dire que j'ai dit non, que j'ai fait ce que j'ai pu, que j'essaie...
Avant de filer, quand même, j'aimerais faire remonter une info qui ne fera nulle part la une, mais dont j'ai connaissance. Elle concerne Lina, une femme palestinienne qui a à peu près mon âge, des enfants qui ont à peu l'âge des miens, et qui, dans le contexte actuel à Gaza, fait partie des plus chanceux : habitante de Rafah, au sud du territoire, elle est encore vivante, n'a pas perdu d'enfant, et elle vit encore chez elle.
Lina fait, objectivement, partie des chanceux de Gaza et pourtant j'ai appris il y a deux jours qu'elle a perdu douze kilos en deux mois. De quoi faire rêver les personnes qui souhaitent perdre du poids pour des raisons de santé. Sauf que, comme vous l'anticipez certainement, Lina ne fait pas de régime. Elle a perdu douze kilos en deux mois parce que, comme nous en avons tous conscience, un siège empêche l'accès des biens de première nécessité comme la nourriture, à Gaza. Voilà pour Lina, qui n'apparaît nullement dans les chiffres terribles des personnes tuées ou blessées qui gonflent sans discontinuer depuis maintenant deux mois.
Nous sommes en 2023.
De nombreux représentants des États proches de l'État d'Israël, comme le nôtre, tergiversent et n'ont pas condamné avec toute la force que requièrent droit international et morale humaine ce qui est à l'œuvre depuis deux mois en terre 'sainte' : une opération de vengeance qui décime enfants et civils au nom d'un objectif militaire ridicule et naïf et qui ressemble si fort à ce que l'humanité a inventé de pire que toutes les instances et tous les États ont l'obligation de réagir immédiatement et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que cela s'arrête immédiatement.
Je ne comprends pas très bien ce que ces représentants, ceux qui sont censés représenter les peuples au niveau international, attendent.
C'est une vraie question. C'est une terrible question.
Vraiment, qu'attendent-ils ?