Coralie Pison Hindawi

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Billet de blog 25 juin 2024

Coralie Pison Hindawi

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Deux mains face au mal

Aux gens que j'aime (et à tous les autres) qui pensent que la Palestine, c'est triste mais que ça ne nous concerne pas vraiment. A ceux qui pensent que toute cette agitation, c'est forcément au moins un peu antisémite. A ceux qui sont tentés par le RN. Vous tous, prenez ma main et donnez-moi juste quelques minutes. J'aimerais que nous parlions sérieusement de ce dont il s'agit vraiment.

Coralie Pison Hindawi

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Oui, à tous ceux que j'aime (et à tous les autres) qui pensent qu'on a déjà bien assez de soucis avec nos vies et notre pays pour se préoccuper de ce qui se passe en Palestine/Israël ; à ceux qui pensent que quand même, il ne faudrait pas oublier que le Hamas l'a bien cherché en commettant cette attaque odieuse le 7 octobre et en prenant les otages, et que tout ça, au fond, ne nous concerne pas vraiment ; à ceux qui pensent que de toute façon, on ne peut rien y changer....

Ah, et j'aimerais m'adresser aussi dans la foulée à tous ceux que j'aime (et à tous les autres) qui pensent que le RN n'est peut-être pas une si mauvaise idée (ou même franchement une bonne idée). Statistiquement, il y en a forcément.

Je sais que je vous embête un peu - ou beaucoup - avec mes billets, je sais bien que vous avez chacun.e vos vies, vos missions et vos combats, mais j'aimerais ne rien regretter et que vous ne regrettiez rien non plus, plus tard, lorsque les bombardements et les exactions auront cessé, lorsque les otages survivants de tous bords auront retrouvé leurs proches, lorsque tous les corps auront été inhumés et que les blessures qui le peuvent auront été pansées, lorsque les portes du ghetto s'ouvriront et que nous serons face à face, lorsque les reportages et les questions fleuriront. Car ce jour finira bien par arriver, inéluctablement. Et car ce qui se passe n'est pas juste une guerre comme une autre.

Prenez donc ma main, s'il vous plait, et accordez -moi ces quelques minutes, et si vous le souhaitez, partagez ce texte avec ceux que vous aimez. Pardonnez-moi aussi, car je vais faire un truc un peu dégueulasse, là, histoire de vous coincer : je vais vous demander de vous engager solennellement, au nom de la petite Hind Rajab, à lire ce texte jusqu'à la fin, d'une part, et à essayer sincèrement de visionner le film Gaza après le 7 octobre dont je vous indiquerai le lien un peu plus bas, d'autre part.

Je suis désolée pour tout ça, pour ces billets qui vous pèsent, pour ces histoires atroces que je partage, pour ces exposés que je vous soumets et ces pièges que vous tends. Mais je me dois de faire ma part et il me faut être sûre que c'est en connaissance de cause que vous, que j'aime (et tous les autres), vous choisissez votre rôle dans cette histoire qui se déroule (presque) sous nos yeux.

C'est que je pense aussi à ce que vous nous direz après, lorsqu'il n'y aura plus de place pour le doute. J'anticipe que certains nous diront : "mais pourquoi n'avez-vous pas insisté plus ?" J'anticipe également que les générations israéliennes futures - qui ne portent aucune responsabilité pour les crimes d'aujourd'hui, mais en porteront forcément les conséquences - nous diront un jour : "mais comment avez-vous pu laisser faire ?"

Car il faut bien comprendre que ce pour quoi nous nous débattons depuis des mois, que ce qui nous anime, n'est nullement haineux, nullement raciste ou antisémite, bien au contraire. Pour ma part, je suis gênée par le qualificatif de 'pro-palestinien', qui me semble maladroit car il suggère qu'on serait, forcément, mécaniquement, 'anti-israélien'. Nous ne sommes pas des supporters de foot. Pour ma part, ce sont certaines actions de l'État israélien et une certaine conception de cet État, que je dénonce. Ce dont il s'agit ici, à mon sens, c'est de vie, de protection et de respect des droits de tous. Il s'agit de comment on doit réagir lorsque du mal est fait à des innocents, tout particulièrement à des enfants, qui n'ont pas les moyens de se défendre, et que nous sommes témoins de ce mal.

Il s'agit, au fond, de qui nous sommes et de ce que nous voulons être.

Il faut bien commencer quelque-part

- Beaucoup de gens pensent que les attaques du 7 octobre étaient si affreuses que leur contexte importe peu, d'une part, et qu'elles expliquent et/ou justifient l'intégralité - ou presque - de la réaction israélienne.

J'ai bien conscience qu'à moins de le rechercher d'une manière volontaire et un peu masochiste, de très nombreux Français non connectés au Proche-Orient ne sont confrontés que sporadiquement à des images ou vidéos graphiques de cette réaction israélienne. De temps en temps, on entend bien les estimations chiffrées du nombre de morts, et la proportion d'enfants et de femmes, mais bien souvent la véracité de ces chiffres est questionnée (ce sont "les chiffres du Hamas"). Facile de penser, si l'on n'a pas le temps d'aller gratter, d'aller chercher plus loin, qu'effectivement, ces chiffres sont peut-être, probablement, exagérés. Toute personne normalement constituée a d'ailleurs envie de croire que ces chiffres sont exagérés. On sait bien qu'il se passe des choses affreuses - on en voit bien des images, on en entend des bribes de temps à autre - et on trouve ça triste, mais il est rassurant de penser qu'elles ne sont probablement pas si fréquentes, pas si différentes de n'importe quelle guerre (je me suis d'ailleurs moi-même surprise maintes fois à espérer très fort que ce dont je prenais connaissance puissent être des "fake news" et que la polémique autour des chiffres soit justifiée).

Cette relative invisibilité de l'ampleur de l'horreur qui pourtant se déroule permet d'ailleurs de renforcer encore l'idée que ce qui se passe est une réaction somme toute logique, naturelle, voire justifiée, à l'attaque du 7 octobre.

- L'idée que la réaction militaire israélienne au 7 octobre est quelque chose d'acceptable est également connectée à la notion qu'Israël a le droit de se défendre contre une telle attaque, contre le terrorisme. On parle souvent de légitime défense. Nos représentants en tous cas.

- Beaucoup de personnes qui défendent la cause palestinienne et/ou critiquent les exactions israéliennes sont taxées d'antisémitisme. Toutes ces manifs ne véhiculent-elles pas, un peu par défaut, des slogans, des idées antisémites ? J'ai commencé à répondre à cette question mais il faudra aller jusqu'au bout de la logique.

Il va falloir parler de tout ça, et revenir sur certains points. Gardez ma main dans la vôtre, s'il vous plait, je fais de mon mieux pour faire vite et pour me concentrer sur l'essentiel (mais bon, je suis quand même chercheure à la base, donc le format des tweets, c'est pas possible, soyez juste un peu patient...). Si vous ne le faites pas pour moi, faites-le pour Hind.

Bon, pour ceux qui sont allergiques au droit international ou qui trouvent ça vraiment trop long, je vous libère partiellement de votre engagement :

Vous pouvez aller directement à la partie "Récapitulons", plus bas, j'y résume l'essentiel. Mais bon, vous raterez des trucs...

Attaques et légitime défense

Pour beaucoup de personnes, l'histoire a basculé le 7 octobre 2023, et l'attaque menée ce jour-là a eu une telle force qu'elle a semblé balayer tout ce qui avait pu se passer avant. Beaucoup de gens (notre jeune premier ministre en sursis, par exemple) insistent encore et toujours sur la souffrance terrible que cette attaque a représentée pour les Israéliens, pour justifier leur droit à se défendre et expliquer la violence de leur réaction.

On comprend très naturellement qu'une tuerie de plus de mille personnes en quelques heures, dont une majorité de civils, soit de nature à traumatiser un peuple et à nourrir des envies de revanche ou un désir de détruire le groupe à l'origine de cette attaque - une attaque l'on peut certainement qualifier de terroriste si l'on désigne ainsi une attaque ciblant délibérément des civils, des innocents, dans le but d'obtenir ainsi, par la terreur, un gain politique. On comprend très naturellement le caractère complètement inacceptable d'une tuerie ciblant des civils et incluant des enfants, quel qu'en soit le contexte (car évidemment, il y a toujours un contexte), et on comprend que la société ciblée puisse réagir violemment.

Morale instinctive et droit se rejoignent ici car le droit international interdit effectivement, quel que soit le contexte, que des civils (notamment des enfants) soient ciblés en tant que tels, même le droit des conflits armés. Et le droit international prévoit également la possibilité pour un État de se défendre contre une attaque armée tant que l'attaque persiste et que le Conseil de sécurité n'a pas réussi à y mettre un terme. Ce droit de 'légitime défense' est mentionné à l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

Il convient de noter que d'autres conditions existent par ailleurs, en vertu de ce qu'on appelle le droit international coutumier : pour être légal, le recours à la force armée en légitime défense se doit de respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, que l'on mesure tous deux en fonction de l'attaque initiale. Enfin, il convient de savoir qu'un État qui occupe illégalement un territoire ne peut invoquer la légitime défense pour recourir à la force armée dans ce territoire occupé.

Ce qui découle du succinct rappel des normes régulant la légitime défense en droit international est la chose suivante (pour rappel, j'ai étudié ces questions pour mon doctorat et enseigné le droit international à l'American University of Beirut, au Liban, à des étudiants de fin de licence ou de master, pendant plus de 10 ans) : Si Gaza n'était pas contrôlée depuis plus de seize ans par Israël, et donc toujours considérée comme un territoire occupé dans lequel les Israéliens sont une puissance occupante au sens de la IVème Convention de Genève, l'attaque du 7 octobre aurait pu, tant qu'elle était en cours et tant que le Conseil de sécurité n'avait pu agir concrètement, ouvrir le droit des Israéliens à recourir à la force armée en vertu de la légitime défense, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.

Il se trouve, cependant, que les Israéliens sont considérés comme occupant militairement Gaza et ne peuvent donc prétendre au droit de recourir légitimement à la force armée en vertu de la légitime défense. Par ailleurs, il convient de noter que l'attaque armée du 7 octobre a pris fin, comme son nom l'indique, ce jour-là, puisqu'en quelques heures, l'armée israélienne avait repris le contrôle et tué ou arrêté les assaillants. Il convient de noter également que depuis le 7 octobre, ce sont les Israéliens qui se livrent, quasiment sans discontinuer, à une attaque armée massive - en violation d'ailleurs de nombreuses règles du droit de la guerre (aussi appelé droit international humanitaire, DIH) - et que, de ce fait, en droit international, qu'on le veuille ou non, et même indépendamment des violations du DIH, ce sont les Palestiniens qui peuvent actuellement prétendre au droit de recourir légalement à la force armée pour se défendre contre l'attaque israélienne qui se déroule depuis maintenant plus de huit mois à l'encontre de l'enclave sans que le Conseil de sécurité n'ait réussi à prendre une action véritablement protectrice. Pourtant, toute référence à la légitime défense des Palestiniens semble très rare et elle est même dénoncée par certains comme apologie du terrorisme.

Les gros mots : terrorisme et génocide 

Cela nous amène à cette fameuse notion de terrorisme. De quoi s'agit-il exactement ? Y a -t-il même lieu de le définir ? Ne le savons-nous tous pas intuitivement ? Il semble que non. Et pour cause : malgré de nombreux efforts, il n'existe pas de définition internationale universelle sur ce qu'est véritablement le terrorisme. Il s'agit donc d'un concept défini au niveau des États. C'est cette absence de consensus international autour du concept qui amène de nombreux juristes à s'abstenir d'utiliser ce terme, que l'on sait très politique, pour lui préférer des qualificatifs reconnus en droit international, tels que les crimes de guerre, crimes contre l'humanité etc. Il y a quelques années, j'avais étudié la question, recherché toutes les tentatives d'aboutir à une définition consensuelle du terme et j'avais résumé pour mes étudiants et moi-même les points sur lesquels il existe une large entente : l'idée que le terrorisme implique l'utilisation de la violence à l'encontre de personnes civiles -innocentes- dans le but que la peur, ou la terreur générée serve un objectif politique ou idéologique. On retrouve dans la plupart des textes internationaux ces 4 éléments clefs : la violence, le fait qu'elle cible des innocents, que la terreur générée soit considérée par ceux qui l'emploient comme un moyen (acceptable) au service d'une fin (un objectif politique ou idéologique).

A mon sens, si l'on souhaite vraiment utiliser le terme de terrorisme, il convient donc de préciser sur quels critères on se base et de les appliquer à toute situation de manière équitable. Pour ma part, je m'abstiens généralement d'utiliser le terme, mais en vertu de la définition que j'utilise (basée sur les négociations internationales), aussi bien l'attaque du 7 octobre que l'attaque qui se déroule depuis le 7 octobre me semblent réunir les quatre éléments clefs de la définition du terrorisme. Car oui, depuis le 7 octobre, c'est une violence massive qui a été utilisée à l'encontre de toute la population de Gaza, une population civile composée à plus de 40% d'enfants qui a été décimée dans des proportions cauchemardesques, dont la plupart des infrastructures civiles, habitations, hôpitaux et écoles y compris, ont été détruites systématiquement dans le but au mieux, de forcer les Gazaouis à se soulever contre le Hamas (un argument extraordinaire qu'on entend régulièrement côté israélien) - un objectif donc politique, servi par l'usage de la terreur ciblant les civils - et, au pire, dans l'objectif de détruire le peuple palestinien, en tout ou partie - là aussi, il s'agit d'un argument extraordinaire qu'on a hélas entendu régulièrement aussi de la part des dirigeants israéliens.

On notera que dans ce cas-là, nous allons au-delà encore du terrorisme puisque les actions israéliennes couplées à ces déclarations nourrissent la suspicion qu'il s'agit d'actes de génocide. La plausibilité qu'un processus génocidaire soit à l'œuvre à Gaza a d'ailleurs été reconnue par la plus haute instance judiciaire internationale, la Cour Internationale de Justice, au mois de janvier dernier.

Je profite d'ailleurs de l'occasion pour inviter ceux qui pensent que l'attaque du 7 octobre était si terrible qu'elle justifie un déferlement de violence en représailles, même à l'encontre de civils innocents, ce qu'ils pensent que l'attaque israélienne qui se déroule depuis le 7 octobre pourrait bien justifier à l'avenir...

Moi, j'aimerais bien que les gens qui déclarent des trucs s'astreignent à bien aller jusqu'au bout de leur logique et à se demander de temps à autre si c'est vraiment le type de monde qu'ils souhaitent laisser en héritage à leurs enfants.

Récapitulons

Si je résume, où en sommes-nous ? Au fait que :

1. En droit international, l'attaque du Hamas ayant cessé depuis le 8 octobre, d'une part, et l'État d'Israël occupant militairement Gaza, d'autre part, on ne peut considérer que l'État israélien peut recourir à la "légitime défense" à l'encontre des habitants de ce territoire (Et que, dans ce contexte, les Palestiniens de Gaza ont, eux, le droit de se défendre, par les armes si nécessaire, contre l'attaque qui les vise depuis le 8 octobre). Je n'aborderai pas ici la question importante du droit des Palestiniens à user de la force armée pour se défendre contre l'occupation qui les assujettissait déjà bien avant le 8 octobre.

2. Au-delà de ces qualifications juridiques, si l'on peut comprendre qu'une attaque de l'ampleur de celle du 7 octobre génère une réaction forte de la part des Israéliens, on doit rappeler que toutes les instances onusiennes (Secrétaire Général, Assemblée Générale, UNICEF, UNOCHA, UNRWA, OMS, etc.), de nombreuses organisations non-gouvernmentales telles que Human Rights Watch, Médecins sans Frontières, Oxfam etc. ont alerté depuis l'automne de très nombreuses et très graves violations du droit international humanitaire. Les violations sont si graves, les déclarations de représentants politiques israéliens déshumanisant les Palestiniens et justifiant les violations si inquiétantes que la plus haute instance judiciaire internationale, la Cour Internationale de Justice, a reconnu comme plausible le risque de génocide à l'encontre des Palestiniens et demandé, d'une part, que les Israéliens cessent d'empêcher l'accès de vivres, médicaments et autres biens de première nécessité à l'enclave et, d'autre part, plus récemment, la fin des opérations militaires dans le sud de l'enclave. Ces violations et leur reconnaissance ont d'ailleurs des conséquences juridiques pour les autres États qui doivent non seulement s'abstenir d'aider l'État israélien mais également faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les exactions s'arrêtent. A ce stade, cela va bien plus loin que de simples appels à un cessez-le-feu ou à ce que les autorités israéliennes veillent à minimiser les victimes civiles.

3. Ces violations constatées en plus haut lieu se traduisent, sur le terrain, depuis bientôt 9 mois par une situation cauchemardesque pour une population composée en majeure partie de civils n'ayant bien évidemment aucune responsabilité dans l'attaque du 7 octobre planifiée dans le secret par quelques têtes pensantes d'une organisation qui est tout sauf démocratique, et d'une très grande partie d'enfants. Bien que les Israéliens ne laissent aucun journaliste étranger rentrer à Gaza et bien qu'ils aient tué un nombre record de journalistes palestiniens, il existe de nombreuses images et de nombreuses vidéos qui documentent l'horreur. De tels élements de preuve ont d'ailleurs étaient pris en compte par la Cour Internationale de Justice. Une terrible compilation de vidéos existe désormais en français et, si elle est extrêmement difficile à visionner, elle doit absolument l'être pour tous ceux qui n'ont pas eu accès à de telles images au cours des derniers mois. Ce film," Gaza après le 7 octobre," est visionnable librement. Il est extrêmement dur. Il ne s'agit malheureusement pas de fake news. Au fil des mois, j'avais déjà vu dans les médias (en particulier Al Jazeera et Middle East Eye) la plupart des vidéos que ce film reprend. Il s'agit d'un petit aperçu de ce que l'attaque israélienne depuis le 7 octobre a créé à Gaza, pour la population. Au-delà des rapports officiels et des textes juridiques, il est essentiel, à mon sens, de voir ce film et de le diffuser afin que le plus grand nombre de gens puisse prendre la mesure de ce qui est à l'œuvre. Car ce n'est qu'ainsi que le plus grand nombre prendra conscience que ce qui se joue en Palestine/Israël depuis quelques mois n'est pas une guerre, mais tout autre chose et que les Palestiniens, surtout les plus jeunes, ont besoin de notre protection. Le lien est ici.

4. Protéger des innocents qui sont privés de vivres et de médicaments et attaqués depuis des mois par une armée très puissante, une armée qui a déjà tué plusieurs dizaines de milliers de personnes dont plus de 15 000 enfants, détruit la majeure partie de leur territoire, de leurs infrastructures, qui a kidnappé des centaines et des centaines de personnes, maltraitées et torturées...(pour ceux qui doutent de la gravité de tout cela mais ont la flemme d'aller chercher par eux-mêmes, il existe malheureusement de nombreux rapports très officiels qui documentent tout cela, et je suis prête à en indiquer le lien dans les commentaires) n'est pas chose facile.

J'imagine qu'une partie au moins de ceux qui lisent ces lignes pensent que tout cela est effectivement affreux mais qu'on n'y peut rien. Le fait est qu'effectivement, on ne peut malheureusement pas facilement arrêter une machine de destruction de ce type, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut rien. Le fait est que lorsqu'on ne fait strictement rien face à une opération militaire qui s'acharne contre tout un peuple quasiment sans défense depuis des mois, lorsque l'on vit sa vie comme si de rien n'était, on fait quelque chose : on fait le choix de ne rien tenter, d'accepter cette situation et cette injustice.

Ce qui m'anime, moi, depuis le début, est la conviction que l'action est possible et qu'elle peut contribuer à changer les choses. Ce qui m'anime à chaque billet, à chaque petite action, c'est la conviction que si nous étions des milliers chaque week-end, nos représentants ne pourraient plus se cacher derrière je ne sais pas quoi et sauraient qu'on les attend au tournant, que non seulement la CIJ et l'UNICEF etc mais également leurs électeurs attendent qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir. Il y a une part de symbolique là-dedans, mais en politique, le symbolique a un poids et peut même sauver des vies. Il y a aussi une part tout à fait concrète car Israël est un État avec lequel nous avons beaucoup de liens et d'échanges commerciaux, qui sont autant de moyens tangibles de pression.

Et au-delà de ce que nos petites actions pourront contribuer à faire ou pas, en ce qui me concerne, il y a le fait de pouvoir se dire, maintenant et plus tard, que l'on ne s'est pas tu ; que l'on a fait, ce qu'à son niveau, on a pu. Qu'on a fait, comme le colibri (ou le roitelet, ou autre, selon les versions de l'histoire) devant le feu de forêt : notre part, même infime, dans une période sombre de l'histoire. C'est cela que nous continuons de célébrer lorsque nous célébrons la résistance durant la seconde guerre mondiale. Le courage des petites actions, quel qu'en soit le prix et quel que soit le rapport de force, devant le mal à grande échelle.

5. En dépit de toutes les absurdités qui sont dites sur la question, il me semble évident qu'en demandant la protection des Palestiniens, nous servons également les intérêts véritables des Israéliens, juifs et non juifs, en particulier les plus jeunes qui n'ont rien choisi et dont on sacrifie la possibilité d'un avenir pacifique sur l'autel de la vengeance et de la haine. Je ne crois pas que les personnes qui, d'ici, défendent ce massacre soient de véritables "amis d'Israël". Quelle sorte d'ami vous encouragera à massacrer des innocents ? Que s'imagine un tel ami sur votre vie future, votre vie d'après le massacre ?

6. Dernier point : c'est là qu'on en arrive à la question des élections législatives. C'est là que je me tourne vers tous ceux que j'aime et qui pensent que la majorité présidentielle est un parti raisonnable, sérieux, qui fait pour le mieux. C'est là que je me tourne aussi vers tous ceux que j'aime et qui pensent "le RN, au fond, pourquoi pas ?" ou encore qui espèrent depuis longtemps que le RN vienne faire le ménage au sommet de la politique française.

Maintenant je vais probablement me mettre à dos tout le monde sauf ceux qui pensaient comme moi à la base. Mais bon, vus les enjeux, je me dois quand même d'aller jusqu'au bout.

Chacun est libre de ses choix, évidemment. Mais je vous prie de prendre en compte dans votre libre choix ce que la ligne des partis qui vous tentent a été sur ce qui se déroule à Gaza et plus largement en Palestine/Israël depuis plus de huit mois. Côté parti présidentiel, M. Macron a attendu plus d'un mois pour commencer à appeler à un cessez le feu et à la "retenue". Il n'a jusqu'à présent jamais cessé de dialoguer et de commercer avec les responsables israéliens malgré les lourdes accusations qui pèsent contre eux et malgré les injonctions claires du droit international. Pour moi, il ne s'agit ni d'une position sérieuse, ni décente. Elle est indigne et monstrueuse et pour moi, cela balaye tout le reste.

En ce qui concerne ceux qui sont tentés par le RN, je ne sais pas vraiment par où commencer tant la liste est longue. Je ferai court. Sachez que je partage beaucoup de votre frustration vis à vis du pouvoir en place, tout particulièrement de notre président et de certains ministres. Mais enfin recherchez s'il vous plait l'historique et la ligne de RN. Sur la question palestinienne, le parti s'est affiché comme un soutien indéfectible d'Israël, non pas parce qu'ils ont les intérêts des Israéliens à cœur (voir plus haut) mais surtout parce que la déshumanisation des Palestiniens, un peuple arabe et majoritairement musulman, sur laquelle repose le massacre, correspond bien à l'idéologie fondamentalement raciste de ce parti, qui, rappelons-le, ne nous promet rien de bon non plus côté social, côté droits des femmes, côté LGBT, côté environnement... la liste est vraiment longue.

Perso, je ne peux considérer sérieusement que la seule famille politique qui en dépit de toutes ses limites et de toutes les critiques - certaines justifiées, d'autres abusives - s'est positionnée clairement face au massacre des innocents et aux fosses communes (car encore une fois, c'est de ce niveau d'horreur que nous parlons). Le Nouveau Front Populaire n'est pas la solution miracle, c'est juste un retour à des bases qu'on aurait pu croire indiscutables. On pourra alors recommencer à réfléchir sur comment on construit, en France et au-delà, quelque-chose qui ne repose pas sur la destruction de certains au profit des autres, un projet pour tous...

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