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Billet de blog 7 novembre 2024

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Les grands électeurs américains : le pouvoir invisible qui façonne la présidentielle

Les grands électeurs américains, figures souvent méconnues, jouent un rôle central dans l'élection présidentielle. Ce système complexe, conçu pour équilibrer le poids des États, peut parfois aller à l'encontre de la volonté populaire, comme en 2016 avec Trump et Clinton. Comprendre leur pouvoir, c'est saisir les subtilités d'une démocratie qui n'en est pas tout à fait une.

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Temps de lecture estimé : 5 à 6 minutes

Une mécanique électorale singulière

L'élection présidentielle américaine fascine, intrigue, et laisse souvent perplexe. Pour beaucoup, l’image qu’on se fait est celle d’une compétition acharnée entre deux candidats, sur le modèle du duel à l’ancienne. Mais derrière ce spectacle électoral se cache une mécanique singulière, un système étrange qui détient la clé de qui accède à la maison-blanche : les grands électeurs. Comprendre leur rôle, c’est comprendre pourquoi l’amérique n’est pas tout à fait une vraie démocratie directe, mais plutôt une construction hybride qui garde de forts accents du passé.

Les origines des grands électeurs

Le système des grands électeurs est né avec la constitution des états-unis en 1787, alors que les pères fondateurs cherchaient à équilibrer le poids des états et celui de la population. C’était aussi un moyen de se protéger de ce qu’ils appelaient « la tyrannie de la majorité », c’est-à-dire l’idée qu’une population très nombreuse pourrait dominer les plus petites communautés. Le collège électoral, formé de 538 grands électeurs, est donc cette structure à mi-chemin entre une élection populaire directe et une représentation indirecte. Mais alors, comment fonctionne vraiment ce système ?

Chaque état américain se voit attribuer un certain nombre de grands électeurs, proportionnel à la taille de sa population. La Californie, très peuplée, en a 55, tandis que le Wyoming, moins peuplé, n’en a que 3. Le jour de l'élection, les citoyens votent non pas directement pour leur candidat présidentiel préféré, mais pour des grands électeurs qui s’engagent à soutenir ce candidat. Le système « winner-takes-all » (« le gagnant remporte tout ») est appliqué dans presque tous les états : celui qui remporte la majorité des voix populaires dans un état emporte tous les grands électeurs de cet état. Cela donne lieu à une dynamique où certaines voix finissent par ne plus compter – par exemple, les républicains californiens ou les démocrates texans, dont les votes sont souvent dépassés par la majorité dominante de l’état.

L'importance des états pivots

Cela explique pourquoi les campagnes électorales se concentrent sur les états dits « pivots » ou « swing states ». La Floride, la Pennsylvanie, le Wisconsin… ces états qui, à chaque élection, peuvent faire basculer le résultat d’un côté ou de l’autre sont les véritables champs de bataille électoraux. Leur pouvoir est tel qu’il n’est pas rare de voir des millions de dollars investis dans ces territoires, alors que d'autres états sont laissés de côté. L’effet pervers ? Les besoins des états non-pivots sont souvent peu considérés.

Quand la volonté populaire est ignorée

L'un des aspects les plus contestés du système des grands électeurs est sa capacité à contrecarrer la volonté populaire. En 2016, Donald Trump a remporté la présidence avec 304 grands électeurs, alors qu'Hillary Clinton avait obtenu près de trois millions de voix de plus que lui à l'échelle nationale. Ce n'était pas la première fois : en 2000, George W. Bush avait lui aussi accédé à la maison-blanche en ayant moins de voix populaires qu’al gore. Cette dissonance entre vote populaire et résultat final amène de plus en plus de voix à se lever pour réclamer une réforme du système électoral américain, voire sa suppression.

Mais pourquoi le système persiste-t-il ?  Peut-être parce que changer un tel mécanisme, ancré dans le tissu même de la constitution, exigerait une volonté politique hors norme, et des amendements constitutionnels qui sont pratiquement impossibles à faire passer, tant le congrès est polarisé. De plus, beaucoup d’états bénéficient du système actuel, car il leur garantit une influence disproportionnée à celle de leur population.

Débats actuels sur fond de réforme

Les débats autour du collège électoral continuent de susciter des réactions fortes, particulièrement après chaque élection controversée. Selon une analyse récente de France Inter, les tensions concernant la légitimité du système se sont accrues après les élections de 2024, où les résultats ont une nouvelle fois mis en lumière la fracture entre le vote populaire et le résultat final. En effet, une majorité d’américains interrogés se dit favorable à un système de vote direct, estimant que chaque voix devrait avoir la même valeur, peu importe l’état d’origine.

Toutefois, l’adoption d’un système de vote direct se heurte à une résistance importante, notamment de la part des états bénéficiant d’une plus grande influence avec le système actuel. Par ailleurs, certains experts soulignent que le collège électoral permet de maintenir une certaine stabilité institutionnelle, évitant des remises en cause fréquentes du résultat des élections dans un pays aussi vaste et diversifié.

La proposition d’un « pacte national de vote populaire » a également été évoquée comme alternative. Ce pacte, qui pourrait permettre aux états d’attribuer leurs grands électeurs au candidat ayant remporté le plus de voix au niveau national, suscite de l’intérêt, mais reste limité dans sa portée tant qu’un nombre suffisant d’états ne s’y rallie pas. Ces discussions témoignent d’une volonté croissante de faire évoluer la démocratie américaine vers une plus grande représentativité, tout en jonglant avec les réalités politiques et institutionnelles actuelles.

En fin de compte, les grands électeurs représentent cette mécanique invisible qui peut, d'un coup de vote, faire basculer l’avenir politique de la première puissance mondiale. Une pièce secrète d'un puzzle qui, sous couvert de démocratie, n’est pas toujours au service de la majorité. Une interrogation profonde reste : combien de temps les américains accepteront-ils qu’une élection puisse se jouer sans que la volonté populaire ne soit totalement respectée ? Une question qui résonne bien au-delà des frontières des états-unis, interpellant quiconque est attaché à la promesse d’une démocratie authentique.

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