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Billet de blog 15 octobre 2024

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Procès de Châteauroux, nouveau scandale pour l'ASE ?

Des enfants vulnérables placés sans vérification dans des familles non agréées par des fondateurs douteux : le procès de Châteauroux révèle un effondrement inquiétant du système de protection de l'enfance. Il est temps de repenser le fonctionnement de l'ASE et d'exiger des garanties pour protéger ceux qui en ont le plus besoin.

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Le procès de Châteauroux est un électrochoc pour l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et pour la société tout entière. Comment en est-on arrivé là ? Comment des enfants ont-ils pu être placés dans des familles non agréées, livrés à des adultes dangereux sans que ceux-ci aient subi la moindre vérification ? Ce scandale, qui révèle un effondrement systémique des procédures, doit nous amener à ouvrir un débat essentiel sur la responsabilité de l'ASE et l'impérieuse nécessité de réaliser des enquêtes de moralité avant tout agrément de famille d'accueil.

Qui est responsable de quoi  ?

Le rôle de l'ASE est clair : assurer la protection des enfants qui lui sont confiés. Or, à Châteauroux, des dysfonctionnements majeurs ont permis que des jeunes particulièrement vulnérables soient placés chez des familles sans la moindre autorisation. Il est difficile de concevoir qu'en 2024, de telles situations puissent encore exister. La Croix rapporte que certaines de ces familles n'étaient même pas agréées, violant ainsi la réglementation en vigueur et mettant en péril la sécurité des mineurs. En écoutant les témoignages, on pourrait presque penser qu'ils agissaient par pure bienveillance, sauf que la réalité est tout autre : leurs motivations étaient avant tout pécuniaires. En parallèle, à l'écoute des témoignages des jeunes victimes — qui ont rapporté des faits de maltraitance et d'abus — on ne peut qu'être frappé par l'échec complet du système à assurer leur bien-être.

Selon RTL, 19 personnes sont jugées dans le cadre de ce procès, incluant des membres de familles d'accueil, mais aucun représentant de l'ASE du Nord. Bien qu'elles comparaissent devant le tribunal correctionnel de Châteauroux pour, entre autres, violences, travail dissimulé en bande organisée, accueil de mineurs sans déclaration préalable, administration de substances nuisibles ou usage de faux en écriture, et risquent jusqu'à dix ans de réclusion, aucun des prévenus ne sera jugé pour les agressions sexuelles dont les mineurs ont fait état lors de leurs auditions devant les gendarmes chargés de l'enquête. Pourtant, le scandale est d'une ampleur telle qu'il révèle des défaillances à tous les niveaux : de la sélection des familles d'accueil à l'absence de contrôles de l'agrément de l'association qui les encadre et de suivis une fois les enfants placés. Cette situation montre à quel point le système de protection de l'enfance a échoué dans sa mission fondamentale. En ne procédant pas à des vérifications approfondies, les autorités ont exposé des enfants déjà fragilisés à de nouveaux traumatismes. Ces dysfonctionnements systématiques soulignent l'urgence d'une réforme profonde.

L'enquête de moralité, une solution ?

De mon point de vue, l'absence d'enquêtes de moralité est une faute grave. En effet, ces enquêtes permettent de vérifier le casier judiciaire, d'évaluer la stabilité psychologique et de s'assurer que l'environnement familial est propice à l'accueil d'enfants. Elles sont le premier rempart contre les risques de maltraitance. Dans le cas de Châteauroux, l'absence de ces vérifications a conduit à des situations tragiques où les enfants ont été exposés à de nouveaux traumatismes, alors qu'ils avaient été confiés à l'ASE pour être protégés. Bruno, l'un des prévenus, avait déjà un casier judiciaire au moment des faits ; il avait été condamné pour agression sexuelle sur ses propres filles. Par ailleurs, l'interview systématique des enfants du foyer permettrait de révéler la présence de violences domestiques dont on sait que les auteurs excellent dans leur dissimulation puis leur normalisation.

Ce débat n'est pas seulement technique, il est avant tout éthique. Placer un enfant est une décision qui engage la responsabilité de l'État, mais aussi la nôtre, en tant que citoyens et contribuables. Si nous acceptons que ces vérifications ne soient pas effectuées, nous fermons les yeux sur des situations de souffrance et de maltraitance potentielles. Nous devons exiger des garanties. Comment peut-on encore tolérer que des enfants soient confiés à des personnes qui n'ont jamais été soumises à une évaluation rigoureuse ?

Le procès de Châteauroux doit être l'occasion de repenser le fonctionnement de l'ASE. Les procédures doivent être renforcées, les enquêtes de moralité rendues systématiques, et les contrôles accrus pour éviter de nouveaux drames. L'Aide sociale à l'enfance doit également travailler à restaurer la confiance de la société dans ses missions. Pour cela, elle doit faire preuve de transparence et montrer qu'elle est capable de prendre les mesures nécessaires pour protéger les enfants, même ceux qui sont si difficiles à placer. Car, en réalité, derrière cette affaire se cache une vérité dont l'État se passerait bien : de par leurs profils aux limites des extrêmes, certains mineurs sont particulièrement difficiles à placer et il arrive même que certaines informations soient cachées aux familles d'accueil pour éviter les refus. D'après le témoignage d'une ex-famille d'accueil de la région Rhône-Alpes, une fois ces profils placés, l'ASE fait en sorte de fermer les yeux sur des comportements qu'elle ne juge pas dramatiques à condition que le placement se poursuive.

Comment pourrions-nous mieux protéger les enfants placés ?

Qui peut trouver cette situation acceptable ? Ce débat est urgent, car chaque jour qui passe sans réforme expose de nouveaux enfants à des risques inacceptables. Alors que les témoignages d'enfants maltraités se succèdent au tribunal de Châteauroux, il est temps de se demander quelle société nous voulons construire. Une société qui protège ses plus vulnérables, ou une société qui les abandonne à leur sort par laxisme et complaisance ?

Nous devons exiger de l'ASE et des autorités locales qu'elles mettent en place des règles strictes et efficaces pour la protection des enfants. L'enquête de moralité doit devenir un passage obligé pour chaque famille d'accueil, sans exception. Cela pourrait éviter que de telles situations se reproduisent à l'avenir. Le silence n'est plus une option.

Vos réactions sont bienvenues : ce débat concerne chacun d'entre nous.

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