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Billet de blog 10 juin 2024

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Elections européennes : que s'est il passé et comment réagir

Aujourd'hui, j'écris mon premier billet, poussé par les événements, une tentative d'explication et d'analyse sur les élections européennes et la dissolution de l'assemblé complétée d'une tentative de solution.

Corentin D.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce dimanche 9 mai 2024 avait lieu les élections européennes, un vote considéré comme mineur et qui se traduit souvent par une large abstention, notamment chez les classes populaires. A ce titre là, les élections de dimanche n’ont pas dérogées à la règle avec une abstention de 50%. Pourtant sur bien d’autres points ces élections feront date dans l’histoire de la république. 

La victoire du Rassemblement National, un premier coup de tonnerre.

 La première chose qu’on retiendra ce sera évidemment la première victoire véritablement significative de l'extrême-droite, arrivée en tête avec 31,4% des voix, leur permettant de récolter 30 sièges au parlement européen. Une victoire qui s’inscrit dans un contexte plus global de montée de l'extrême-droite partout dans le monde avec les victoires ces dernières années de Trump, Bolsonaro et plus récemment de Meloni ou Milei. Les héritiers de Pierre Bousquet (ancien Waffen-SS et co-fondateur du parti) n’en sont pas à leur premier coup d’éclat, déjà en 2018 et 2022 Marine Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle, mais le barrage républicain qui se formait à chaque fois l'empêchait d'accéder au pouvoir. Mais pour les européennes, point de second tour, et le Rassemblement National en profite donc pour s’imposer très largement. 

 A l’origine de résultat historique, il y’a évidemment la stratégie de dédiabolisation effectuée par Marine Le Pen qui depuis plusieurs années s’efforce de se détacher de l’image sulfureuse de son père, ancien criminel de guerre en Algérie et négationniste récidiviste. Elle commencera d’abord par l'éloigner de la tête du parti puis par changer le nom de celui ci (le Front National devient Rassemblement National), permettant par là même de faire oublier ses propres frasques, elle qui s’affichait fièrement avec des néo-nazis il y a de ça quelques années. A côté de celà, le parti s’efforce de conquérir un électorat nouveau et notamment jeune, avec la  starification sur les réseaux sociaux de Jordan Bardella, un ancien youtubeur déscolarisé qui après l’échec de ses études et de sa carrière de vidéaste échouera au RN en tant que député européen et vice-président du parti.

 Mais tous ces éléments ne peuvent suffire à expliquer un tel score, certes la stratégie de Le Pen est bonne mais dans un pays censé on ne fait pas arriver en tête un candidat qui a brillé au cours de son précédent mandat européen par son absence et son incompétence. Non d’autres éléments ont évidemment joué. C’est d’abord les médias qui ont fait de Bardella leur candidat star pour cette élection, l’invitant partout et tout le temps. Une étude de Tagaday (première plateforme de veille média) montre ainsi que Bardella fut le candidat le plus exposé médiatiquement avec plus de 17 000 mentions, soit plus de 3 fois plus que les candidats LFI (Manon Aubry), Renaissance (Valérie Hayer) ou LR (François-Xavier Bellamy) ! Une campagne médiatique mené tambour battant par Bolloré (propriétaire du groupe canal, de C8 ou encore de CNews) et ses fidèles chiens de gardes : Cyril Hanouna et Pascal Praud.

 Pour continuer d’expliquer ce résultat on peut aussi parler du rôle des autres partis, et notamment de celui de la majorité présidentielle : Renaissance. À sa réélection en 2022, Emmanuel Macron assurait que le vote barrage qu’il avait reçu d’une bonne partie des sympathisants de gauche l’obligeait et qu’il ferait tout pour faire baisser l'extrême-droite. Deux ans plus tard, celle-ci remporte les élections européennes, et Macron n’y est pas pour rien. En 2022, lors des élections législatives, La NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), une coalition de partis de gauches, termine première force d’opposition avec 151 députés mais la macronie fait nommer à la vice-présidence de l’assemblé un député RN alors même que le parti n’avait obtenue que 89 députés. Par la suite, macronistes et lepénistes voteront souvent de concorde contre les droits des plus précaires. Dans l’espace médiatique la gauche est effacée, faisant de la politique française un monstre à 2 têtes d’inspiration américanoïde. Une volonté qui s’exprimera notamment lors de la campagne européenne de cette année quand le premier ministre Gabriel Attal ira débattre avec le candidat tête de liste du RN Jordan Bardella. Rien ne peut expliquer cette décision de la macronie de promouvoir ainsi le RN, Attal n’est pas candidat alors pourquoi est-ce à lui d’aller débattre ? Quid de toutes les autres formations politiques ? Quelques malhonnêtes pourraient vouloir expliquer ça par le fait que ce sont les deux gros partis actuels, comme le furent l’UMP et le PS en leur temps, mais cette analyse est rapidement réfutée par les faits. Au moment du débat, le candidat PS, Raphaël Glucksmann, était très proche de Valérie Hayer, candidate de la macronie, dans les sondages. En 2022, Mélenchon finissait à 1,20 point de Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle. Si l’on se fit à la réalité, la politique française actuelle est composée de trois blocs : l’extrême-droite, le centre droit d’inspiration libérale et la gauche. Mais cette réalité ne rentre pas dans le récit que Macron veut écrire, son égo boursouflé le pousse à s’imaginer en seul adversaire di fascisme (là où en vérité les deux sont très proches sur plein de sujets) et tant pis si cela doit conduire à une victoire de l’extrême-droite car pour la bourgeoisie mieux vaut Hitler que le Front Populaire, comme elle aimait à le scander dans les années 30. 

Dissolution : pourquoi ce choix ?

 C’est cet égo démesuré de l’homme qui nous sert de président qui nous amène au deuxième événement majeur qui fait de cet élection un point important de l’histoire de notre république. En effet, comme on l’a évoqué précédemment, les élections européennes ne sont pas des élections majeures, et la victoire du RN dans ce vote marqué par l’abstention des classes populaires, pourrait rester comme purement symbolique, d’autant plus qu’au parlement européen l’extrême droite reste minoritaire. Mais c’était là sans compter sur l’ambition démesurée de celui qui se faisait appeler Jupiter. En effet, à la suite de la victoire du RN, le président a annoncé dans la foulée la dissolution de l’assemblé nationale, une décision choc et qui n’était plus arrivée depuis presque 30 ans (la dernière ayant eu lieu sous Chirac en 1997). Pour expliquer son choix, Macron se cache derrière l’excuse du respect de la démocratie, mais si c’est vraiment cela qui l’anime pourquoi avoir choisi le délai le plus court imposé par la constitution (20 jours) alors qu’il aurait pu attendre plus longtemps ? Un choix qui interroge d’autant plus qu’on sort tout juste des élections européennes et que les remboursements de frais de campagne ne sont donc pas encore arrivés. 

 Si je dois me tenter à une explication, j’avancerais plusieurs raisons. D’abord l’ambition et l’égo d’un président qui ambitionne de rentrer dans l’histoire, la dissolution de l’assemblé c’est un événement marqueur, quelque chose qui n’arrive pas tous les jours, d’autant plus que depuis l’inversion électorale de 2002, les élections législatives avaient toujours suivies les élections présidentielles permettant au président élu de gouverner avec une majorité qui lui est acquise. Alors est-ce purement par égo que Macron dissout, indifférent au résultat de ces élections ? Non bien sûr, il y a derrière ça un calcul politique. Dans l’état actuel des choses les deux hypothèses les plus probables sont une victoire du RN et donc une cohabitation ou une victoire du clan Macron poussée par la nécessité de faire barrage aux héritiers spirituels des collabos. Dans cette dernière hypothèse, Macron ressortirait en grand vainqueur, victorieux une fois de plus du RN. Cette élection lui permettrait d'asseoir sa légitimité mise à mal par les différents mouvements sociaux (gilets jaunes, manifestations contre les retraites, révoltes de Nanterre et de Kanaky…), un peu à la manière d’un De Gaulle convoquant des élections après les évènements de Mai 68. Dans l’hypothèse d’une victoire du RN, on assisterait à une cohabitation qui permettrait à l’extrême droite d’accéder au pouvoir pour la première fois dans l’histoire de la 5ème république. En leur confiant ainsi le pouvoir, Macron mettrait ainsi fin à l’argument “l'extrême-droite on a jamais essayé”, son objectif est ainsi sûrement que l’extrême droite montre son inaptitude au pouvoir au grand jour, permettant ensuite au candidat de la macronie en 2027 d’arriver aux élections en tant que principal opposant au pouvoir en place et non en tant que responsable de son bilan. 

Que faire ?

 Cette bicéphalisation bourgeoise de la politique française, pose alors la question du rôle des autres partis politiques, et notamment de la gauche, unis en 2022, pour les élections législatives, cette alliance temporaire a volé en éclat quand le PS quitta la NUPES à la suite de la réaction de la France Insoumise au massacre du 7 octobre en Israël. Pourtant, si on regarde avec le recul la décision de LFI apparaît plutôt sage, ce sont les premiers à avoir qualifiés les actions du Hamas de crime de guerre plutôt que d’acte terroriste, permettant ainsi de les faire tomber dans le giron de la juridiction internationale et rappelant par là même que ces actes s’inscrivent dans un cadre précis qui est celui de la colonisation israélienne et d’une résistance palestinienne à cette occupation. La courageuse décision de LFI de condamner par la suite les intentions génocidaires du gouvernement Israélien à l’égard du peuple palestinien, sera pour les médias et le bloc bourgeois l’occasion de diaboliser le principal parti de gauche, avec la complicité du PS de Raphaël Glucksman, y voyant là l’occasion de renaitre en tant que parti crédibles. Les partis de gauche passeront ainsi plusieurs mois à se tirer dans les pâtes et arriveront aux élections divisés et ravagés par les guerres d’égo, faisant ainsi le jeu de la bourgeoisie. 

 Mais la situation actuelle appelle à des mesures exceptionnelles et il reste, je pense, deux options pour empêcher l’alternance Macron/Le Pen qui se profile, que ce soit maintenant ou en 2027. La première est évidemment l’union de la gauche pour les élections à venir François Ruffin, cadre de la France Insoumise a appelé à la création d’un nouveau front populaire dès le soir du 9 juin, suivi le lendemain par les leaders des partis socialistes et communistes, une volonté commune qui donne un semblant d’espoir. Mais cette union sera tout sauf facile, déjà car l'élection aura lieu dans 20 jours, un délai très court (sûrement choisi pour celà par Macron) pour résoudre des querelles profondes entre gens qui se détestent et qui ont passé la campagne entière à se critiquer mutuellement. De plus, le président a dégainé une arme supplémentaire pour empêcher cette union de se faire, en promettant que la majorité ne présentera pas de députés face aux députés sortant faisant partis de l’arc républicain, un terme qui reste volontairement très flou. N’importe quelle personne censée inclurait LFI dans l’arc républicain, mais le bon sens et le macronisme sont comme l’eau et l’huile, ils ne se mélangent pas. Cette volonté d'exclure les insoumis (qui avait pourtant contribué au barrage républicain de 2022, un soutien que ne rejetait pas Macron à l'époque), est faite dans le but de draguer l’aile droite du PS et d’EELV et donc d’empêcher toute alliance. Pour contrer ce plan, il est nécessaire pour LFI de faire des sacrifices, car si Faure appelle à l’union des gauches, le discours post-résultat de Glucksmann, laissait entendre une autre musique, et celui qui a su guider le PS a un de ses résultat les plus probant depuis des années pourrait bien être le fossoyeur d’une entente qui n’est pas encore née. Pour contrer la tentation de rejoindre la macronie, l’union doit donc se faire sur des bases avantageuses pour le PS. Pour celà, les députés sortants devraient être reconduits, ayant prouvé leur capacités à gagner, et le reste des circonscriptions doivent être réparties proportionnellement aux résultats des européennes. Une solution qui risque de faire grincer des dents les plus à gauche, mais qui pourrait permettre de satisfaire le PS. Le programme quant à lui est déjà tout trouvé, le délai avant les élections ne permettant pas d’en construire un nouveau, c’est celui de la NUPES en 2022 qui devra être adopté. Enfin, il reste à régler la question du premier ministre en cas de victoire de cette coalition. Pour moi, 3 choix sortent du lot : Mélenchon, Glucksmann et Ruffin. Le premier a su conduire la gauche à son meilleur résultat en 2022, loupant de peu le 2ème tour, et est le grand artisan de la création de la NUPES, cependant il cristallise en lui toute la détestation de LFI. Le deuxième est le candidat de gauche ayant connu le meilleur résultat à ces élections européennes, mais son passé trouble et sa proximité idéologique avec Macron en font un candidat très instable que beaucoup de gens de gauche refuserait sûrement de soutenir. Enfin le dernier est pour moi le meilleur choix, n’étant ni tête de liste ni dirigeant de parti, il a su se tenir à l’écart des guerres d’égo. De plus, des sondages récents montrent qu’en cas d’une candidature commune à gauche pour 2027, il serait le candidat le plus apte à remporter l’élection. Il a aussi montré sa capacité à séduire une part de l’électorat RN, votant plus par rejet du système que par véritable conviction (les fameux fachés pas fachos).

 Mais cette union utopique est loin d’avoir vu le jour, et en cas d’échec le bloc bourgeois se maintiendrait donc au pouvoir à travers une incarnation plus ou moins raciste. Pour lutter contre celà, il resterait alors la deuxième solution dont je parlais précédemment : celle de la Révolution. Une véritable révolution prolétaire pour renverser ce simulacre de démocratie que les bourgeois agitent devant nos yeux pour nous donner l’illusion que l’on possède un semblant de pouvoir.  Mais si les mouvements sociaux de ces dernières années nous ont appris quelque chose, c’est bien que les conditions préalables à la révolution ne semblent pas encore réunies. En attendant que nous, producteurs, soyons en mesure de nous sauver nous même, il semblerait que nous soyons obligés de nous en remettre à un tribun, aux partis de gauche de bien le choisir.

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