"La "stratégie Dracula" consiste à exposer le vampire à la lumière du jour, insupportable pour lui. Les négociations en cours du TTIP sont très confidentielles, aussi secrètes que celles de l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), au milieu des années 1990, qui est finalement mort lorsqu'il a été exposé en plein jour par ses détracteurs. Les parlementaires européens n'ont pratiquement aucun droit de regard sur les négociations du TTIP. Seuls les membres de la commission Commerce international ont déjà pu se rendre dans une pièce fermée, consulter les documents qu'on veut bien leur montrer, sans prendre de notes ni faire de copies. "
Extrait de l'interview de Susan George, présidente d'honneur d'Attac, réalisée par Thierry Denoel Journaliste au Vif/L'Express, le 05/05/2015, autour de son livre "Les usurpateurs" :
"Les patrons des multinationales prennent insidieusement le pouvoir, sans aucune légitimité et sans devoir rendre de comptes à personne""Les patrons des multinationales prennent insidieusement le pouvoir, sans aucune légitimité et sans devoir rendre de comptes à personne"
Le Vif/L'Express : "Les entreprises transnationales sont devenues la première puissance collective mondiale, loin devant les Etats qui leur sont souvent inféodés", écrivez-vous dans Les Usurpateurs. N'est-ce pas un effet de la mondialisation ?
Susan George : Certainement. Je n'aurais pas pu écrire cela il y a trente ans. Les entreprises se sont mondialisées beaucoup plus vite que les citoyens, surtout depuis la chute de l'empire soviétique, qui leur a ouvert les portes du monde entier. Elles se sont organisées sur une base collective à partir du début des années 1990, avec la naissance de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui leur a donné de nouveaux horizons en matière de libre-échange. Elles ont d'ailleurs été très influentes dans les négociations de l'OMC. Sans l'insistance de groupes comme American Express ou Citicorp, l'OMC n'aurait probablement pas vu le jour.
Les gouvernements sont-ils complices de la montée en puissance des multinationales ?
Ils ont laissé faire. Complices ? Je ne veux pas suggérer qu'il y ait des complots ni une corruption à grande échelle des gouvernants. C'est plus subtil que ça. Le néolibéralisme a instauré un climat favorable aux entreprises : c'est en fonction des besoins du marché qu'on gouverne. Aujourd'hui, de plus en plus de gens sont nés dans ce contexte idéologique, sans avoir vécu les Trente Glorieuses. Ils ne connaissent que cette mentalité-là.
Dans votre livre, vous épinglez le sommet de Davos ainsi que son Initiative de restructuration mondiale. C'est quoi ce programme ?
Le Global Redesign Initiative (GRI), en anglais, part du constat que les Etats sont devenus inefficaces, qu'ils ne peuvent pas régler les problèmes mondiaux, contrairement aux entreprises transnationales qui sont partout, qui disposent de ressources et de relais dans de nombreux pays et qui sont unies. Ce programme GRI de Davos réunit 1 600 experts, répartis en 46 Conseils de l'agenda mondial traitant de tous les sujets imaginables pour mieux réfléchir à une gouvernance mondiale. D'ici à cinq ans, on ne songera même plus à chercher des solutions pour résoudre les problèmes mondiaux sans la présence de grandes entreprises.
Pourquoi parlez-vous de la "classe Davos" ?
Parce que ceux qui fréquentent Davos ont tous les attributs d'une classe sociale, partageant les mêmes codes, les mêmes lieux de villégiature, les mêmes écoles élitistes... C'est une classe nomade, très influente, avec beaucoup de cohésion. L'aristocratie moderne. Une aristocratie qui, pour la première fois dans l'Histoire, est internationale. Le réseau des têtes couronnées européennes, lui, s'arrêtait aux frontières du Vieux Continent.
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