Un français sur deux ne partira pas en vacances cet été... Je veux témoigner ici pour celui-là.
Celui-là qui devra vivre par procuration les vacances des autres et expliquer à ses enfants que non, vraiment, cette année encore, on n'a pas les moyens de partir !
Les différences de classes sociales se vivent aussi dans ces "détails".
En France, les deux mois de vacances d'été ont été institués jadis, quand il y avait encore énormément d'agriculteurs, et que ces derniers avaient besoin de toute la famille pour rentrer les foins, moissonner les céréales, puis le regain...
Je me souviens de cette époque, mon beau-père, maçon de son état chez un entrepreneur, travaillait tout l'été avec son père, qui était fermier, et dont la ferme d'ailleurs, appartenait à ce même entrepreneur.
C'était en Auvergne, j'avais une dizaine d'années et je participais, dans la mesure de mes capacités physiques, au travail nécessaire. Je garde de cette époque l'odeur du foin qu'on hissait à la fourche sur les remorques, le contact agréable avec le bois lisse du rateau fâneur qu'on utilisait, les sauts joyeux que faisaient les galopins dans la grange où était stocké le foin, foin qui serait consommé par les vaches, quand on ne pourrait plus les faire paître dehors.
Le long des nombreuses haies qui bordaient les champs, je me régalais des délicieuses fraises des bois et me rafraîchissais à l'eau d'une des multiples sources qui tintinabulaient dans la campagne.
Le soir, les hommes écoutaient le résumé du Tour de France à la radio, l'idole d'alors était Jacques Anquetil, et mon beau-père vitupérait dans sa barbe, car il aurait voulu voir gagner Raymond Poulidor, originaire comme lui, du Massif Central, presque un "pays"...
L'été fini, les enfants retournaient à l'école ; tous avaient passé ces deux mois en short et tee-shirt, tous avaient le visage, les bras et les jambes tannés par le soleil, tous se retrouvaient avec les mêmes souvenirs de vacances, en famille.
L'automne se profilait, nous l'attendions avec impatience, nous avions hâte de pouvoir aller chercher les noisettes, les noix, les châtaignes et les champignons, surtout les cèpes et les giroles, dont nous faisions sécher une partie, pour agrémenter les ragoûts au coeur de l'hiver...
Aujourd'hui, devenue citadine par la force des évènements, j'ai une profonde nostalgie de cette époque.
Nous n'avions aucun confort "moderne", si ce n'est l'électricité, on tirait l'eau du puit et nous nous lavions dans une bassine, au coin du feu l'hiver. Les jambons de cochon séchaient dans la cheminée (le cantou), salés et soigneusement enfermés dans des sacs de jute et, suspendu par un crochet au dessus de l'âtre, un chaudron mijotait, avec les épluchures de légumes, cette soupe, à laquelle on rajoutait du son, était destinée aux cochons. Sans chauffage central, nous nous pelotonions la nuit sous de volumineux édredons de plumes.
Nous avions peu d'argent, mais nous avions tout : volailles, lapins, potager regorgeant de légumes dont une grande partie étaient mise en conserves, des confitures variées grace aux nombreux fruits que la nature offrait généreusement. A certaines dates, plusieurs familles se réunissaient, le cochon était tué et toute la journée était consacrée à sa mise en garde-manger, dans une ambiance de bonne humeur et d'odeurs irrésistibles de patés et de patisseries faites maison ; (on parlait encore le patois du coin)...
Nous étions autonomes...
"Un, deux, trois, les filles étaient en place aux cuisines,
Un, deux, trois, les hommes avaient un bouquet à la main,
Un, deux, trois, les enfants taquinaient les cousines,
Un, deux, trois, les filles étaient belles depuis le matin" (chanson)
----------------------------------------------------------------------
PS : j'aurai bien aimé mettre des images, pour illustrer ces souvenirs, mais c'est un peu trop compliqué, je vous laisserai donc les imaginer.... Bonne fin de vacances à tous!