Nous sommes à la veille du 2ème tour de l'élection locale. Dans ce moment suspendu où tout sera comme avant, à savoir, pourri, ou pire si le candidat du Front National devrait être élu…
En 2002 naissait cette saloperie de Front Républicain. L'humiliation des gens de gauche. Le vote honteux. Lionel Jospin, lâche et irresponsable, se retirait de la vie politique (avant de revenir en 2007 pour accompagner ses amis à bien savonner la planche de Ségolène Royale et permettre l'élection de Sarkozy… Le PS dans toute sa splendeur).
Deja 12 ans… J'avais promis qu'on ne m'y reprendrait plus. Que ce vote arraché serait le dernier. Qu'ils assumeraient.
Puis, le 23 Mars, ici, chez moi, c'est le vote frontiste qui est en tête. Ma ville que j'aime tant. 34% de fachos, de racistes, d'abrutis, d'égoistes, d'incultes, d'irresponsables. En vrac.
Ce front républicain que je conchie depuis 12 ans et dans lequel je vais a nouveau sombrer demain. Ai-je le choix ? Intellectuellement, je ne l'ai pas. Je suis un combattante, une militante. Je pétitionnais, il y a si longtemps avec Charlie Hebdo quand ils demandaient l'interdiction du FN. Et puis, soudain, nous avons compris que ce parti était l'idiot utile et nécessaire des deux partis qui, toujours, se partage le gâteau. Au détriment des électeurs. Des gens de convictions que nous sommes, habités de valeurs républicaines exigeantes.
Nous avons mené une campagne difficile et intense. Nous avons vu la misère de certains quartiers, la détresse et le désespoir. Nous avons entendus des propos d'une bêtise incommensurable. Une haine que nous ne soupçonnions pas aussi farouche. Des histoires d'enveloppes qui circulent, de "dons" de toute nature. Voir et entendre qu'un électeur peut s'acheter.
J'en sors fatiguée. Et écœurée. Parce que nous avons rencontré quelques uns de ces 34%. Les convaincus qui, motivés par leur haine des autres, veulent faire place nette. Bouter hors du pays des plus malheureux qu'eux. Des abrutis qui, bien que dotés d'un cerveau, ne s'en servent que pour leurs intérêts propres. Dresser les diagnostics et ne jamais essayer de comprendre comment nous en sommes arrivés là. La faute des autres. Toujours. Des incultes qui, nourris de TF1, ressortent les arguments les plus bêtes et éculés que la télé leur sert à longueur d'antenne. Ce sont les pires. Ils n'entendent rien, ne comprennent rien, ne mesurent pas la portée et les conséquences pour eux, pour leurs enfants et pour une population dont on sait la misère. Qu'il était pénible de devoir tenter d'informer ces cons si sûrs d'eux-mêmes… Et puis tous ces pauvres gens qui nous ont servi du "la gauche ou la droite c'est pareil" et qui avaient décidé de voter FN "pour leur faire peur au PS et à l'UMP".
Et bien, ils ont gagné. La peur est là. Je ne veux pas que ma ville soit le laboratoire expérimentale de ce parti de la haine. Je ne veux pas. Et bien que je ne sois qu'une citoyenne "militante", je n'ai pas pu me resoudre à ne rien faire pendant l'entre deux tours. Parce que je me sens concernée et responsable des résultats de cette élection. J'aurais aimé me dire "je fais confiance à l'intelligence des Perpignanais pour que le FN ne passe pas" et ainsi décidé de voter blanc le 30 Mars. Mais dans une ville où ils font 34%, où la candidate qui a fait 9 et quelques % appelle à l'abstention (quand on sait qui sert l'abstention…imbécile) , où le PS n'a même pas fait 12, où EELV se tait et se cache depuis Dimanche, où le NPA nous crache dessus par mail parce que nous appellons à mobilisation, elle est où l'intelligence ????
Mais est-ce qu'il est reponsable, politiquement, de se laver les mains de ce scrutin ? Est-ce que, si le FN devait gagner la mairie, je pourrais encore me regarder en face après n'avoir rien fait pour l'empêcher ?
Alors, nous avons remis nos baskets et nous avons tracté. Nous avons demandé aux citoyens de réfléchir, de prendre le temps de le faire, aux conséquences de ce vote. A l'image que donnerait Perpignan d'être une ville frontiste. Quand notre patrimoine historique, architectural et culturel est si riche, s'entendre dire "Ah oui Perpignan, la ville d'Aliot ?". Je ne peux pas m'y résoudre.
Nous avons donc battu le pavé. Pendant deux jours. Nous avons entendu des horreurs, de la haine. Ils n'ont plus peur. Ils ne se cachent plus. Ils se revendiquent avec fierté. Nous y sommes allés, courageusement, au risque des insultes et des invectives. Et nous étions seuls.
Nous n'avons vu ni le PS, ni le PC, ni le NPA, ni EELV. Seuls.
Hier apres-midi, une manifestation devant la préfecture pour protester après le feu au camp de Roms. Toute la bien-pensance de gauche était là. À nous mépriser, parce que entre la peste et le choléra, nous avons choisi le choléra. Comment vont-ils expliquer aux rares qui ont voté pour eux qu'ils se seront lavés les mains d'un second tour qui peut mener le FN à la Loge ?? Ils me font pitié de tant de bêtises, d'ostracisme et d'irresponsabilité. Des abrutis.
A la pause déjeuner, J.M Pujol faisait son tour de ville avec les caméras. Jusqu'à nous. Il nous a remercié. Et la colère a eclaté. Dans toute son injustice que ce soit nous qui fassions campagne pour lui alors que nous exècrerons sa politique. Lui hurler sa responsabilité. Il disait "oui, je sais, j'en tiendrais compte. Le message est passé"
Alors, dans ce moment fragile où le temps est suspendu, je me plais à penser que quelque chose s'est mis en marche. Qu'aujourd'hui, cet homme nous devra des comptes, à nous, militants de gauche qui avons arpenté les rues pour un sursaut républicain. On ne le lâchera pas. Il nous le doit.
La gauche Perpignanaise fait à peine 20%. Et elle ne mérite pas mieux. Ce qui nous attend est immense. Il y a tout à refaire, à reconstruire. Et on va le faire. Parce que Perpignan mérite mieux que tous ces guignols.
Je ne veux pas que ma ville soit FN. Point.