Camus vs Robespierre De l'homme révolté à l'homme révolutionnaire (II)
1 Robespierre, le tourment de l’idéal dans la double tempête de la guerre et de la révolution. Le choix de la terreur et de la vertu. La Révolution française a été un basculement complet, absolu et total d’une société monarchique vers l’avènement d’une société démocratique d’abord et républicaine ensuite. Elle a été une construction permanente, anarchique presque expérimentalede l’état moderne dans lequel nous vivons aujourd’hui. La Révolution s’est d’abord bâtie sur les idées et par conséquent sur l’idéologie, sans recul sur l’expérience puisque c’était un événement totalement neuf. Cette incertitude conceptuelle sur l’état et la société était renforcée par une incertitude économique, militaire et politique. En effet, très tôt la France fût confrontée à une guerre extérieure bientôt couplé à une guerre civile. Les deux avaient pour but commun de stopper le changement social et politique opéré lors de la prise des tuileries par les sections parisiennes le 10 Aout 1792. Dans cette jeune république secouée par les tumultes, les passions politiques de tout bord s’exprimèrent sans réserves ni modération, souvent appuyées, poussées et exacerbées par le peuple même, ivre de sa nouvelle souveraineté. Un seul mot d’ordre était répété partout, Agir ! Vivre libre ou mourir ! C’est dans ce contexte que Robespierre rentra au comité de salut public le 27 Juillet 1793.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
1 Robespierre, le tourment de l’idéal dans la double tempête de la guerre et de la révolution.Le choix de la terreur et de la vertu. La Révolution française a été un basculement complet, absolu et total d’une société monarchique vers l’avènement d’une société démocratique d’abord et républicaine ensuite. Elle a été une construction permanente, anarchique presque expérimentalede l’état moderne dans lequel nous vivons aujourd’hui. La Révolution s’est d’abord bâtie sur les idées et par conséquent sur l’idéologie, sans recul sur l’expérience puisque c’était un événement totalement neuf. Cette incertitude conceptuelle sur l’état et la société était renforcée par une incertitude économique, militaire et politique. En effet, très tôt la France fût confrontée à une guerre extérieure bientôt couplé à une guerre civile. Les deux avaient pour but commun de stopper le changement social et politique opéré lors de la prise des tuileries par les sections parisiennes le 10 Aout 1792. Dans cette jeune république secouée par les tumultes, les passions politiques de tout bord s’exprimèrent sans réserves ni modération, souvent appuyées, poussées et exacerbées par le peuple même, ivre de sa nouvelle souveraineté. Un seul mot d’ordre était répété partout, Agir ! Vivre libre ou mourir ! C’est dans ce contexte que Robespierre rentra au comité de salut public le 27 Juillet 1793.Brossons un rapide tableau des principaux combats que mena Robespierre avant d’arriver parmi les onze titans qui à eux seuls administrèrent la République de l’an II.Dés 1789, tout juste élu député, Robespierre s’engage pour l’émancipation et le droit de vote des juifs et des noirs1, il combattît vigoureusement le suffrage censitaire, il proposa aussi l’abolition de la peine de mort.Il était aussi pacifiste et anti-impérialiste et lutta ardemment contre l’esprit belliciste des girondins, dans un fameux discours aux jacobins, il averti que la guerre extérieure est le principal levier qui permet aux exécutifs d’exercer une dictature ou une tyrannie.Il y prononça aussi une phrase fameuse «La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffi se à un peuple d’entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c’est de les repousser comme des ennemis.».Légaliste, il veilla scrupuleusement, à plusieurs reprises, au respect de la constituante et enfin de la Convention Nationale. Il proposa également le non renouvellement des mandats.Déiste, adepte fervent de Rousseau, il craignait que le divorce et la rupture avec la foi en un «être suprême» créateur n’engendre et accélère la corruption et le matérialisme, plaçant ainsi l’intérêt individuel au dessus de l’intérêt général. Néanmoins, opposé aux églises dogmatiques et oppressives socialement, il chercha à fonder une religion civile fondée sur la vertu citoyenne et morale. L’itinéraire de Robespierre le mena d’un monarchisme constitutionnel et bourgeois prudent (avant Varenne) à la défense radicale des droits des plus pauvres. Percevant la tentative d’arrêt du mouvement révolutionnaire dans sa portée émancipatrice par les forces d’argent (aussi bien intérieures qu’extérieures), en rentrant dans le comité de salut public il chercha a établir une constitution limitant le droit de propriété en le subordonnant à la dignité et au droit à l’existence matérielle décente de chacun. Il garantissait ce droit par le droit imprescriptible et constitutionnel à l’insurrection. Alors pourquoi cet homme plein d’idéal, émancipateur et progressiste, pacifiste et sourcilleux légaliste, ayant une foi totale dans l’homme, a-t-il soutenu la politique de la Terreur et les abominables lois de prairial ? Pour Robespierre, une fois la révolution lancée et le roi exécuté, il n’y a pas de retour en arrière possible. Dés lors il distingue la république de la paix dominée par la vertu et la république révolutionnaire qui doit établir les bases inébranlables de la liberté et du droit et qui, pour réussir, utilise des moyens transitoires.Ceux ci malheureusement s’affranchissent du principe démocratique ordinaire7.Il faut garder en mémoire que Robespierre s’est opposé de toutes ses forcesà la guerre internationale voulue et poussée par la gironde, sachant que de la guerre dépend les régimes et lois d’exception. Cependant conscient des risques de tyrannie lié à la terreur il la subordonna constamment à la vertu. 5 Février 1794 - 17 pluviôse An II «Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. La terreur n’est autre chose que la justice prompte, sévère, inflexible; elle est donc une émanation de la vertu ; elle est moins un principe particulier, qu’une conséquence du principe général de la démocratie, appliqué aux plus pressants besoins de la patrie.» Très clairement Robespierre justifiait les moyens par la fi n. Très philosophe, il hiérarchisait les principes. Il fixait des conditions logiques et successives de réalisations de ces principes et en faisait découler une politique. Il soumettait l’ensemble à l’intérêt général et oubliait, y compris pour lui-même, l’intérêt individuel. Il le soumet à l’expression de la souveraineté nationale qui s’incarnait alors dans la Convention. Il fît, conjointement avec les autres membres du comité de salut public et avec l’appui constant de la Convention Nationale, de la terreur l’instrument nécessaire d’une stratégie destinée à provoquer un «degré de peur jugé nécessaire à l’accomplissement d’objectifs politiques». En se basant intentionnellement sur l’arbitraire afin d’obtenir la soumission de tous les citoyens ; elle devint un moyen de gouvernement destiné à asseoir définitivement la légitimité du régime révolutionnaire alors contesté. Est-elle cependant une fatalité dans toute révolution «considérée comme modalité du changement» ? Car cette terreur était en confrontation avec la vertu. Et en balance avec elle. Et c’est bien cette vertu, principe essentiellement individuel qui tourmentait Robespierre dans sa fervente sincérité idéaliste et cela rendait son action paradoxale voire absurde. Il savait ne pouvoir décréter par la loi la vertu publique, et celle-ci ne pouvait pénétrer les cœurs aussi vite que l’action dominait la révolution. La vertu ne pouvait s’exercer que par le comportement de chacun, or agir sur ce comportement passait, à ce moment chaotique là, par la terreur qui violait en retour la vertu personnelle et les principes démocratiques et républicain de Robespierre. Ce grand écart schizophrénique le rendit malade à plusieurs reprises,il fût alité presque 6 semaines à la fin du grand comité juste avant Thermidor. Il intervint personnellement de multiples fois pour cadrer et tenter de canaliser la terreur. Par exemple, il rappela à Paris pour le sanctionner Carrier l’auteur des massacres de Nantes, il s’opposa à l’arrestation de plusieurs députés et évita la guillotine à 73 girondins. Il tentât d’instaurer un comité de clémence au coté du tribunal révolutionnaire dés 1793. Il sanctionna les enragés Hébertistes. Bien d’autres exemples peuvent prouver la lutte individuelle qu’il mena pour protéger les patriotes des excès du terrorisme d’état. Nul doute qu’il fut pris dans un grand tourment intime. Ce qui est certain c’est que l’on ne peut mettre en cause sa sincérité dans sa vision de la terreur comme système temporaire et transitoire qu’il savait et affirmait contraire à l’idéal républicain mais absolument nécessaire néanmoins pour l’action progressiste radicale et révolutionnaire qui mène à cet idéal commun. Pour illustrer ce tourment on pourrait citer sa dernière phrase prononcée le 8 thermidor de l’an II (26/07/1794) à la convention qu’il respectait par-dessus tout. «Mais elle existe, je vous en atteste, âmes sensibles et pures ; elle existe, cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des cœurs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de l’humanité, sans lequel une grande révolution n’est qu’un crime éclatant qui détruit un autre crime. Elle existe, cette ambition généreuse de fonder sur la terre la première République du monde ; cet égoïsme des hommes non dégradés, qui trouve une volupté céleste dans le calme d’une conscience pure et dans le spectacle ravissant du bonheur public. Vous le sentez, en ce moment, qui brûle dans vos âmes ; je le sens dans la mienne.»
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