Une des problématiques sur laquelle j’aimerais débattre consiste dans la différence entre l’action intellectuelle et l’action politique et des limites à cette action. Robespierre, si je résume ce que j’ai compris de son action, était un homme de droit et homme politique, appartenant au comité de salut public. Il mettait son action au service de son idéal de justice. Pour lui elle passait par l’atteinte du but révolutionnaire et donc il soumettait ses principes à ce but.Camus a davantage porté son action sur les mots et la pensée, par l’écriture et l’échange. Il subordonne l’action. C’est la différence fondamentale entre les deux hommes.Robespierre a mis en avant la justice face à l’histoire. La terreur devait s’accompagner de la vertu. Camus lui a soumis sa philosophie à l’histoire.Le dilemme de Camus réside pour moi dans son rapport à l’ordre du monde, par un retour à l’humanisme. Il prône la révolte mais est sceptique quant à l’usage de la violence comme action. Camus a bien illustré par ses propos qu’à un idéal il ne sacrifierait pas les siens. Il développe à son insu un esprit communautaire.La vertu de Robespierre passe par un sacrifice total de l’intérêt individuel au profit du collectif. Nous voici arrivé finalement au cœur du dilemme qui nous rassemble et qui nous sépare. Les limites de l’action par rapport à l’histoire et au désir de transformation sociale et humaniste. Robespierre, dans la révolution, croit à l’histoire qui domine les vies humaines, Il croit en l’existence d’un être suprême et à l’éternité de l’âme. En conséquence il accepte la mort et le meurtre si ceux ci sont nécessaires à l’achèvement et à la pérennité de la révolution. Seule la victoire de la révolution dans l’histoire compte, car elle est définitive et vitale pour réussir l’affranchissement de l’homme et son épanouissement dans la liberté, la fraternité et l’égal accès de tous à la prospérité sociale.
Le meurtre est consubstantiel à l’humanité, il est même lié à la fraternité comme nous le montre Caïn et Abel. Dés lors nulle action réellement radicale ne peut y échapper, et qu’y a-t-il de plus radical qu’une révolution qui est, par essence, une inflexion définitive de l’histoire et la mise à bas d’un ordre humain établi. Elle est par conséquent une guerre.
Or guerre et mort sont indissociables. Dès lors renoncer au meurtre c’est renoncer à l’action. Evidemment la morale condamne le meurtre, et l’humanisme encore plus, il a été le premier a demander l’abolition de la peine de mort. Mais la guerre engendre la radicalité la plus grande et la pire des tyrannies et il a été également le premier à prévenir la Nation contre ce danger. Mais une fois la roue historique lancée, coupable de faiblesse est celui qui sous prétexte de respecter des principes condamne l’homme à vivre dans une histoire qui porte l’oppression. Il sacrifie sa vie et soumet celle des autres au futur de la Nation, car sa foi révolutionnaire l’assure que la Révolution porte en elle cette libération et les principes humanistes qu’il défend. C’est là le levier deson action. Doit-on avoir peur d’agir par peur de ne pas pouvoir refermer la parenthèse de la terreur ? Cette angoisse l’a rendu malade. En Révolution s’arrêter c’est mourir. L’alter-ego doit s’effacer derrière le principe et l’histoire pour son avènement même. Alors certes il rejoint Camus en affirmant que tout n’est pas historique et que la nature humaine doit être l’amour et la vertu mais pour lui cet amour engendre aussi le sacrifice et Robespierre à fait le sien à l’histoire.Camus dénonce justement, à la suite de la seconde guerre mondiale cette spirale de la violence et montre comment un pouvoir non vertueux et entre les mains de quelques hommes engendrait davantage que la terreur, la dictature. Alors y a t’il des points communs entre ses deux hommes ?Nous ne pouvons répondre que par des questions. Est ce que les simples idées et la transformation intérieure suffisent ou une action extérieure est elle nécessaire pour accomplir notre but ?Camus prônait une action juste et pourtant cela reste conceptuel. Ses limites s’arrêtent la vie, et aux siens et à ses proches. Robespierre vise le même traitement pour ous.L’acceptation du meurtre comme instrument politique a été accepté par Robespierre ar la violence est inhérente à tout changement véritable et qu’elle est dans la nature même de l’humanité. Camus dans sa pensée de midi a écarté cette question. Peut être avait t’il trop conscience des dérives contrairement à Robespierre qui lui les vivait de l’intérieur. Une question aussi est celle du risque de basculement vers une dictature quand la violence devient l’unique moyen de répression.On voit bien ce moment et cette tentation dans les événements de Thermidor. Le danger et le malaise c’est la spirale de la violence. Pour Robespierre cette violence était légitime seulement si elle était soumise à la vertu d’ou son rejet de la dictature qu’on lui a proposée. Pour Camus elle est toujours illégitime. Mais ne s’est t’il pas par là condamné à l’inaction et à l’attente dans la révolte passive ? Entre Camus et Robespierre s’est interposé Sade et Nietzche Le cynisme et la mort de Dieu.La différence entre les deux hommes me semble donc tourner autour de leur rapport à la vie. Cependant je travail je l’espère vous aura permis par cette comparaison étrange des deux hommes de voir que leur pensée et leurs réflexions portait toutes les deux autour de même sujet de l’absurde et de l’action et de slimites que celle-ci doit rencontrer.