Cette chronique vise à prouver que la question des retraites est centrale. Centrale pour le prolétariat, car il s’agit d’avoir une vie digne, de ne pas mourir au travail, et de pouvoir couler des jours heureux en bonne santé. Centrale également pour la bourgeoisie, car l’enjeu financier de la capitalisation est énorme. Nous vous proposons une revue de presse de ce qu’il se passe chaque mois dans Les Echos, le journal économique de référence, afin de mieux comprendre où en est la bourgeoisie dans ses projets attaques.
Dans les épisodes précédents : Il y a un empressement de la bourgeoisie à attaquer nos retraites, les temps de « négociations » ont été réduits de 9 à 3 mois, tout en espérant qu’il y ait un accord syndicat – patronat, ce qui éviterait de passer par l’incertaine case de l’Assemblée Nationale. Pourtant de célèbres économistes de la gauche du capital comme Philippe Aghion proposent eux d’attendre les prochaines élections présidentielles (en 2027 ?). Tout ce mois de janvier, il y a eu un voire plusieurs articles par jour sur la retraite. Idée du mois de janvier : et si on on bossait jusqu’à 69 ans… De son côté, la dirigeante de la CFDT prône le retour à la retraite par point ! A-t-elle un mandat de ses bases sur cette question ? Sur ce, place au mois de février :
Lundi 3 février : « Retraites : la grève des dockers se prolonge et menace les ports français » (article)
La direction de la CGT Dockers a livré son plan de bataille au patronat : des grèves perlées tout le mois de février !
Lundi 3 février : « Un « silver deal » pour les retraites »
Tribune de Michel Cicurel et Denis Ferrand, de Rexecode, « institut d’études économiques privé et indépendant »
Article un peu technique dont nous retenons que les retraités actuels ont beaucoup d’argent et d’épargne, qui pourraient être utilisés pour financer « la transition ». La retraite par capitalisation est « souhaitable ».
Enfin, à méditer : « la proposition d'une désindexation uniforme des retraites a finalement abouti à la chute du gouvernement Barnier. »
Mercredi 5 février : « L’exécutif prêt à donner plus de pouvoir aux partenaires sociaux sur les retraites » (article)
Jeudi 7 février : « Un baby boom à l’envers »
Recension du livre Les balançoires vides, le piège de la dénatalité, de Maxime Sbaihi (qui fait aussi des chroniques aux Echos) par Margaux Boulte.
Lundi 10 février : « Retraites : les difficiles équations de l’équité »
Tribune de Frédéric Cherbonnier, professeur d’économie à l’IEP de Toulouse et membre de la Toulouse School of Economics.
Prône la capitalisation en utilisant le terme « taux de rendement interne », et propose carrément : L'idéal serait de faire du cas par cas, via un examen médical au moment du départ à la retraite pour qu'un tel ajustement soit fonction de l'état de santé précis de chacun, mais cela semble bien impraticable ! » autrement dit, arrivé à l’age de départ, on ferait une visite médicale pour savoir combien de temps il nous reste à vivre, et si il nous reste peu, on toucherait plus d’argent !
→ Bienvenue en dystopie !
Mercredi 12 février : « Déficit des retraites : pourquoi Bayrou a raison »
Tribune de Jean Peyrelevade, présenté comme « économiste ». Il a été directeur adjoint du cabinet de Pierre Mauroy, chargé de toutes les questions économiques (mai 1981-mars 1983, c’est-à-dire du tournant de la rigueur de Mitterand). Puis il a été président de Suez, président de la banque Stern, président de l’UAP, président du Crédit lyonnais repris en état de faillite et redressé. Depuis 2003, il travaille de manière indépendante comme conseil d’entreprises et investisseur.
Dans ce texte, l’auteur soutien Bayrou contre Gilbert Cette et le COR (noyauté par les syndicats)
→ les affrontements entre secteurs de la bourgeoisie, c’est pas joli-joli
Jeudi 13 février : « Sortir de l’impasse des retraites »
Une pleine page accordée à Jean Tirole, Prix nobel d’économie
Lundi 17 février : « Retraites, saison 4 (hélas) »
Article de Dominique Seux
https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/retraites-saison-4-helas-2149073
« Un énième bricolage est probable, avant qu'il faille remettre l'ouvrage sur le métier dans quelques années. La solution intelligente aurait bien sûr été d'introduire il y a vingt ans, comme partout ailleurs, un pilier de capitalisation pour compléter un système par répartition qui prend l'eau. »
→ Dominique Seux, chroniqueur des Echos, mois après mois se plaint que depuis l’élection de Macron, on a eu beaucoup de débats, de projets, de réformes avortées, de réformes insuffisantes.
→ il conclue son article en se plaignant qu’on ne verra pas en 2025 en France de projet de capitalisation. Espérons qu’il ait raison...
Lundi 17 février : « Retraites par capitalisation : comment gérer la phase de transition ? »
Tribune de Bertrand Martinot, économiste, a rédigé pour Fondapol « La capitalisation, un moyen de sortir par le haut de la crise des retraites ? », il écrit également pour l’Institut Montaigne.
« La réouverture périlleuse du chantier des retraites a le mérite d'installer la question de la capitalisation dans le débat public et plusieurs études récentes ont réactualisé le sujet. »
Depuis la fin du conflit de 2023, le Medef plaidait abstraitement pour une dose de capitalisation. Maintenant les tribunes passent à l’étape suivante : elles nous expliquent comment ça va se passer. Outre le problème que le prolétariat ne va pas accepter une telle attaque, il y a également des problèmes techniques à résoudre :
Le problème est le suivant : si une partie de notre salaire est capitalisé pour le futur, cette partie ne va plus aux retraités d’aujourd’hui. Donc si la capitalisation se met en place, il y aura moins d’argent pour les pensions d’aujourd’hui. Il faut compenser cette perte d’argent par des privatisations, ou une baisse des pensions des retraités.
Lundi 17 février : « Le vertige démographique »
Recension du livre Un monde sans enfants, de David Duhamel
Mardi 18 février : « Retraites, l’ouverture de la CPME » (En Une)
La CPME est pour abandonner l’idée de la retraite à 64 ans… pour indexer l’age de départ sur l’espérance de vie, donc pour l’augmenter les années de cotisations, et nous faire partir après 64 ans…
→ Interview à lire, un concentré de leur argumentaire
Mardi 18 février : « Bayrou : le vrai piège s’appelle retraites » (article)
« Pire que le budget et l'affaire Bétharram, se dessine le casse-tête des retraites. Le patronat des PME ne fait pas de l'abolition des 64 ans un tabou. »
Mercredi 19 février : « Le plan épargne retraite a séduit un Français sur six » (article)
Onze millions de français ont ouvert un PER dont un peu plus d’un million sur l’année passée
→ chiffres à vérifier
« Le PER a surtout bénéficié au début de la transformation des anciens contrats d'épargne retraite, qui représentaient jusqu'à 75 % de la collecte. Maintenant que la plupart des transferts ont eu lieu, il faudra voir, cinq ans après son lancement, si les encours continuent de progresser pour mesurer réellement son attractivité », indique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne.
Mercredi 19 février : « Sécurité sociale : pourquoi le plus dur reste à venir »
Tribune de Solenn Poullennec (journaliste des Echos)
« Quand elle a eu 45 ans, la Sécurité sociale a connu une révolution, avec la création de la contribution sociale généralisée (CSG). Il est temps de réfléchir au cadeau qui pourrait lui être fait pour ses 80 ans fêtés cette année. »
Mercredi 19 février : « Retraites : Refuser les solutions magiques et faire un choix difficile »
Tribune d’Hippolyte d’Albis, présenté comme professeur de l’école d’économie de Paris et vice-président du cercle des économistes.
« Mais là on ne voit pas du tout comment on financerait la transition, c'est-à-dire le paiement des pensions dues sans nouvelles cotisations au système. »
Vendredi 21 février : « Retraites : un état des lieux alarmant » (en Une)
→ Remise du rapport de la Cour des Comptes la veille
Vendredi 21 février : « Les discussions entre syndicats et patronat s’annoncent tendues » (article)
Vendredi 21 février : « Pour une réforme des retraites juste et pérenne »
Tribune du think tank « Démocratie Vivante » : Jacky Bontemps (ancien dirigeant national de la CFDT, devenu hollandiste puis macroniste), Marie-Françoise Leflon (ex secrétaire nationale de la CFE-CGC), Dominique Villemot (ex ? Hollandiste)
« Démocratie Vivante est un think tank de gauche oeuvrant pour que le quinquennat d'Emmanuel Macron contribue au progrès social. »
Ces ex-dirigeants syndicaux se positionnent pour améliorer les conditions de travail, aligner la durée de cotisation à l’espérance de vie en bonne santé (parce qu’ils sont de gauche quand même), et développer... la capitalisation collective.
Lundi 24 février : « Réforme des retraites : attention à l’attractivité »
Tribune de Etienne Wasmer (New York University et Science Po)
L’article commence de façon peu audacieuse (reculer l’age de départ à 65 ans), mais veut mettre un pied dans la porte de la capitalisation : introduire une dose de capitalisation pour la période entre l’age de départ à la retraite et la fin de l’obtention des trimestres de de capitalisation.
Mercredi 26 février : « L’exécutif veut un retour à l’équilibre des retraites en 2030 » (article)
Veille de la réunion du conclave (jeudi). Alors que Bayrou avait annoncé que les « partenaires sociaux » auraient carte blanche, il leur a envoyé une feuille de route. Il est déjà annoncé que FO y va à reculons.
Jeudi 27 février : Réunion du conclave. FO quitte la réunion au bout de 15 minutes !
Jeudi 27 février : « Retraites : les points clés des discussions entre patronat et syndicats » (article)
Vendredi 28 février : Retraites : FO claque la porte des discussions à peine entamées (article)
« A peine entamées, les discussions censées aboutir à une révision de la réforme de 2023 apparaissent mal embarquées. Et ce, même s'il paraît improbable que la CGT suive FO, en tout cas tout de suite, alors que sa numéro un, Sophie Binet, défend la stratégie « du pied dans la porte ».
« «J'ai toujours dit que lorsque des questions sont bloquées, lorsqu'il n'y a pas de résolution possible, le référendum est une issue», affirme François Bayrou dans une interview au «Figaro» mise en ligne jeudi soir. »
Vendredi 28 février : Retraites : la CGT appelle à la mobilisation
Communiqué de la CGT
https://www.cgt.fr/comm-de-presse/retraites-la-cgt-appelle-la-mobilisation
Appelle à la grève le 8 mars, et le 20 mars « pour gagner l’abrogation de la réforme » (deux jours de grève déjà programmés, des femmes, et des retraités) et ne dit rien sur sa présence au conclave.
Bilan : Ce mois de février, la bourgeoisie montre à nouveau son impatience : Macron aurait dû mettre en place la capitalisation dès 2017. Plusieurs tribunes continuent d’argumenter les bienfaits de la capitalisation. D’autres sont revenues sur la question de savoir comment on passe concrètement à un système par capitalisation. Ceci devrait nous inquiéter au plus point. Ce n’est plus une proposition du Medef en abstrait de capitalisation de nos retraites dont il s’agit (comme en juin 2023 quand la fin du conflit fut sifflée), mais une partie des penseurs de la bourgeoisie en sont déjà à réfléchir aux aspects techniques concrets. Nos directions syndicales sont-elles déjà en train de réfléchir aux moyens d’actions concrets pour empêcher ça ? Combien de temps vont-elles discuter tous les jeudis du dépeçage de notre système par répartition ?