Dans l’épisode précédent : Suite aux élections européennes du 9 juin 2024, Emmanuel Macron a dissolu l’Assemblée Nationale française. Ceci a eu pour conséquence de remettre au centre la question des retraites, après un an de parenthèse sur le sujet (Juin 2023 – Juin 2024). Cette période commence avec la nomination de Barnier comme 1er ministre, le 5 septembre, se poursuit par la nomination de son gouvernement le 23 septembre, et se clôt avec son discours de politique générale le 1er octobre, jour de manifestation appelée par la CGT, FSU, Sud.
A noter, comme point saillant de ce mois, la polarisation des discussions sur une éventuelle abrogation de la loi Borne, et la proposition audacieuse de Bruno Chrétien d’un report de l'âge de départ à la retraite à 65 ou 66 ans (le 24 septembre 2024).
Nous poursuivons donc notre lecture quotidienne du journal économique de référence en France Les Échos.
Mercredi 4 septembre : Article : « Retraites : pour la CFDT, l'abandon des 64 ans reste un impératif »
« Si le discours musclé de sa numéro un est en phase avec sa base, très remontée, il n'est pas question cependant pour le premier syndicat français d'emboîter le pas à la CGT. Non seulement, il n'appelle pas à se joindre au défilé de LFI le 7 septembre - « les syndicats ne sont pas les courroies de transmission des partis politiques » - mais il ne se joindra pas non plus à l'appel de la centrale de Sophie Binet. » [pour le 1er octobre]
Mercredi 4 septembre 2024 : Journal La Croix : « Premier ministre : la réforme des retraites, au centre des discussions pour trouver une majorité »
Jeudi 5 septembre : Nomination de Michel Barnier comme 1er ministre
Jeudi 5 septembre : Idées. La chronique de Christian Saint-Etienne : « Pourquoi l’économie française s’est plantée » :
« Ce diagnostic, qui aurait été non seulement partagé mais défendu par Keynes, devrait conduire à encourager l'essor des entreprises compétitives et exportatrices, à réduire la dépense sociale non conditionnelle actuellement déversée sur les personnes en capacité de travailler, à reculer l'âge de départ à la retraite au-delà de 64 ans pour augmenter la capacité d'offre, et à réduire les impôts sur les entrepreneurs et personnes qualifiées qui tirent la qualité de l'offre vers le haut. »
Christian Saint-Etienne est sobrement présenté par le journal comme « économiste, universitaire et analyste politique » : Il est professeur au CNAM et membre du Cercle des économistes.
Jeudi 5 septembre : Article « Pour la CFDT, l’abandon de l’âge de départ à 64 ans reste un impératif »
Vendredi 6 septembre : Article « Budget, retraite, chômage, logement…. Les chantiers urgents de Michel Barnier. »
Pour la rédaction « Abroger la réforme serait beaucoup moins facile qu’il n’y paraît, sachant qu’elle est déjà entrée en vigueur et que de nombreux paramètres de liquidation des pensions ont été revus. »
Vendredi 6 septembre : Le point de vue d’Olivier Klein, « professeur d’économie à HEC » : « Abroger la réforme des retraites serait dangereux. »
Deux propositions : « Moduler la durée de la vie active en fonction de l’évolution de la démographie. » et « Facilitons donc le travail des plus de 60 ans et incitons les entreprises à les conserver, voire à les embaucher. ». Traduction : Des aides publiques vers les entreprises.
Ce que l’article ne précise pas : Olivier Klein est ancien Directeur Général de la BRED (2012 – 2023). Il travaille chez Lazard. Il était auparavant Directeur Général Banque Commerciale & Assurances et Membre du Directoire de BPCE depuis avril 2010. il est également administrateur de Natixis Asset Management et de Nexity.
Vendredi 6 septembre : Barnier dit vouloir « ouvrir le débat » pour une « amélioration » de la réforme controversée sur les retraites « sans pour autant tout remettre en cause » (Les échos, lundi 9 septembre)
Lundi 9 septembre : La secrétaire générale de la CFDT plaide « a minima » pour la suspension de la réforme des retraites. (Marylise Léon, dimanche 8, à France Inter)
Lundi 9 septembre : L’éditorial des Echos par Etienne Lefebvre. « Michel Barnier : un retour salutaire au réel »
« En termes diplomatiques, il a écarté le scénario d’un retour en arrière sur le passage aux 64 ans. Prêt à « améliorer la réforme » pour les plus fragiles, mais dans le respect des équilibres budgétaires. Or, d’équilibre, il n’y en a pas. »
Mercredi 11 septembre : « Face à Michel Barnier, patronat et syndicats fourbissent leurs armes »
Martin (Medef), sur les retraites : « Il n’a certes pas fermé la porte à de nouvelles discussions, mais seulement sur « les carrières des femmes » et « l’usure au travail » et comme Michel Barnier à la condition de préserver « les équilibres financiers ». Sans un mot sur l’emploi des seniors. »
Jeudi 12 septembre : En Une : « Le RN à l’offensive sur les retraites » : « Le parti de marine Le Pen s’apprête à déposer une proposition de loi pour revenir sur le report de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans. Une façon de prendre à revers la gauche, qui fait aussi de l’abrogation de la réforme de 2023 une de ses priorités. Et d’embarrasser le futur gouvernement de Michel Barnier, qui veut juste ouvrir le débat pour améliorer le système sans provoquer de nouveaux dérapages budgétaires. »
Jeudi 12 septembre : Rubrique Analyses « Barnier et la taille du trou de souris », par Dominique Seux : « Le point d'atterrissage sera, on s'en doute, plus complexe sur les retraites. Michel Barnier a indiqué être prêt à rouvrir le débat sans « tout remettre en cause ». On comprend qu'il tient à l'âge légal de 64 ans, mais qu'il demandera aux partenaires sociaux de négocier le reste. La CFDT ne parle déjà plus d'abrogation, mais de gel et il y a fort à parier qu'elle voudra se différencier de la CGT pour apporter des avancées concrètes aux salariés. Qui refusera de se mettre autour de la table ? Oui, il y a un trou de souris s'il y a un peu de bonnes volontés. »
Lundi 16 septembre : Article « La Chine repousse l’âge de la retraite, inchangé depuis les années 1950 »
Projet de réforme adopté vendredi 13 septembre à l’Assemblée Nationale Populaire. Les hommes passeront de 60 à 63 ans, les femmes de 55 à 58 ans. Augmentation de la durée de cotisation. Espérance de vie qui s’est allongée, donc faut travailler plus longtemps.
Lundi 16 septembre : La chronique de Gilbert Cette : « Sortir des difficultés récurrentes de finances publiques. » : « Concernant ces trois populations [jeunes de moins de 25 ans, femmes, personnes peu qualifiées], des réformes ont été engagées, par exemple celles de l'apprentissage, des lycées professionnels, des retraites, de l'indemnisation chômage, de la formation professionnelle, du RSA… Certaines de ces réformes appellent sans doute des ajustements pour en augmenter l'efficacité. Mais il faut les poursuivre, sinon les amplifier parfois, et renforcer leur cohérence entre elles. »
La rédaction le présente comme professeur à Neoma Business School et auteur de Travailleur (mais) pauvre. Il est aussi le directeur du COR (Conseil d’Orientation des Retraites).
Samedi 23 septembre : Nomination du gouvernement Barnier
Dimanche 22 septembre 2024 :
Sophie Binet, dirigeante de la CGT, avant 13h sur BFM : « Tout ça pour ça »:
Sophie Binet dit sa « colère » et sa « déception » après la nomination du gouvernement Barnier
Plus tard dans la journée, Barnier annonce vouloir toucher à la réforme des retraites.
Binet : « Si Emmanuel Macron a eu une défaite cinglante aux élections européennes et aux élections législatives, c'est à cause de cette réforme des retraites », a avancé Sophie Binet, évoquant "une majorité de députés qui veulent abroger la réforme des retraites". "Elle doit être abrogée": Sophie Binet estime qu'on "ne peut pas aménager" la réforme des retraites. Elle parle aussi d’une conférence de financement.
Lundi 23 septembre 2024 :
La même Sophie Binet, toujours dirigeante de la CGT
"C'est le match retour contre la réforme des retraites" : Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, appelle à faire grève le 1er octobre
"C'est le match retour contre la réforme des retraites. Nous pouvons obtenir son abrogation, c'est ce que montre la déclaration de Michel Barnier. Le rapport de force est de notre côté. Il faut pousser notre avantage", martèle Sophie Binet. »
Elle réclame "l'organisation d'une conférence de financement pour que nous puissions faire nos propositions en matière de financement".
"Les choses sont claires. Nous sommes disponibles pour participer à une conférence de financement de notre système de retraite, pour expliquer comment est-ce que nous pouvons financer les 62 ans parce que c'est ça qu'il faut mettre à l'ordre du jour", insiste-t-elle.
"Il faut prendre l’argent, là où il est, c’est-à-dire sur les actionnaires dont le revenu ne cesse d’augmenter", arguant que la politique menée par Emmanuel Macron "a offert 73 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux plus grandes entreprises". Sophie Binet milite notamment pour la "remise à plat" des "200 milliards d’euros d’exonération fiscale aux entreprises sans aucune contrepartie".
→ donc elle met pelle mêle hausse du salaire des femmes et « taxer les riches »
Lundi 23 septembre : Une des Echos : « Impôts, retraites, immigration : Barnier fixe le cap »
Mardi 24 septembre : Une des Echos : « Retraites : Ce que Barnier pourrait revoir » + une demi page p.14
Mardi 24 septembre : Le point de vue de Bruno Chrétien « Travailler plus, pour sauver notre modèle social »
En résumé : Sur le modèle du sport de haut niveau, donner le meilleur de soi. Comparés aux sportifs, les salariés ne travaillent vraiment pas assez…
Préconisation : « en reportant l'âge de départ à la retraite à 65 ou 66 ans pour s'aligner sur nos voisins européens. »
Bruno Chrétien est présenté comme président de l’Institut de la Protection sociale.
Mercredi 25 septembre : Article « Où sont nos alliés? » : « L'amélioration de la réforme des retraites fait, elle, davantage consensus, hors certains LR et certains macronistes qui commencent à se demander pourquoi la gauche a été écartée au motif qu'il ne fallait pas détricoter le bilan d'Emmanuel Macron, puisque c'est ce que Michel Barnier est en train de faire. »
Jeudi 26 septembre : Article « Le dilemme de la gauche face au RN sur le sujet des retraites »
Le RN a une niche parlementaire le 31 octobre, durant laquelle il va proposer l’abrogation de la réforme des retraites.
Jeudi 26 septembre : Le point de vue de Maxime Sbaihi « Abroger la réforme des retraites ? Trois balles dans le pied »
« Pour parvenir à l'équilibre, nous explique le COR, il nous faut au moins porter l'âge effectif de départ à la retraite à 65 ans d'ici à 2030 et 66 ans d'ici à 2070 si on choisit de ne pas toucher aux niveaux des pensions et au taux de prélèvement actuels. »
Maxime Sbaihi est sobrement présenté par la rédaction des Echos comme « économiste ». Jusqu’en juin 2024, il était directeur des études dans le think tank Institut Montaigne, il tient des chroniques régulières dans L’Opinion, et il est l’auteur de l’essai Le Grand Vieillissement (2022).
Vendredi 27 septembre : Le point de vue de Pascal Perri : « La France ne peut pas ignorer la démographie »
Il préconise le recours à l’immigration choisie pour financer les retraites.
Vendredi 27 septembre : Le point de vue de Louis de Crevoisier et Paul-Armand Veillon : « Une mesure de justice pour améliorer la réforme des retraites »
Ils proposent de baisser les cotisations des travailleurs ayant fait leur durée de cotisation, mais pas encore atteint l’age de départ à la retraite.
Louis de Crevoisier et Paul-Armand Veillon sont « économistes ».
Lundi 30 septembre : Article « Retraite des hôpitaux et des collectivités : la bombe financière. »
Rapport des inspections de l’administration des finances et affaires sociales. Préconise d’augmenter les cotisations de la part employeur… alors que les hôpitaux publics connaissent déjà des coupes budgétaires.
Le 1er octobre : journée nationale de grève intersyndicale et interprofessionnelle ET discours de politique générale de Barnier.