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Billet de blog 14 juin 2012

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Valéridicule

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À mi-chemin entre Racine et Courteline, il y a la farce mise en scène par Valérie Trierweiler, avec la traditionnelle figure à trois : l’ex-épouse, la nouvelle compagne, et entre les deux le mari. L’affaire prêterait à rire s’il ne s’agissait du Président de la République, et de sa capacité à arbitrer une situation politique. On aurait tort de banaliser l’incident : il s’agit en effet d’une transgression d’un principe républicain fondamental, imposant à nos représentants de séparer leur vie privée et leur vie publique. Déviance, hélas devenue habituelle depuis quelques années au sommet de l’État : mais ne pouvions-nous espérer que le changement-maintenant consisterait à rompre avec des pratiques désolantes et mortifères ?

Mais qui est donc Valérie Trierweiler ? Dans le civil, elle est journaliste à Paris-Match, magazine dont le principe même est de traiter la vie publique sur le mode people de la vie privée, œuvrant sans relâche à dissoudre la frontière entre les deux. Sa pratique professionnelle éclaire l’ambiguïté de son comportement, même si en l’occurrence elle n’a pas agi dans le cadre professionnel, mais à titre privé. Sans mandat électif, sans responsabilité politique, elle est parfaitement libre, en tant que simple citoyenne, de dire sur twitter ce qu’elle veut comme elle le veut. Y compris sur ses états d’âme conjugaux, pour autant que cela intéresse quelqu’un au-delà de son cercle familial. Y compris sur ses préférences électorales, pour autant que cela intéresse les électeurs rochelais. Mais si elle prétend rester une journaliste ordinaire, elle s’est elle-même placée, bien imprudemment, en dehors d’une citoyenneté « normale ». Compagne omniprésente du nouveau Président de la République, installée officiellement dans un Palais de la République, elle doit faire le départ entre ses humeurs personnelles et de prétendues responsabilités publiques qui, bien que non légitimes, n’en sont pas moins devenues réelles par sa présence qu’elle nous impose : les premières peuvent l’amener à exprimer des jugements indépendants, les secondes l’obligent à la réserve dans un débat où elle n’a aucun titre à agir et à dire. Entre les deux, il lui faut choisir… et elle n’a en réalité pas vraiment le choix. Si elle en est incapable, que l’on choisisse pour elle.

François Hollande serait bien inspiré de la tenir à l’écart de toute installation officielle dans les murs de l’Élysée. Elle n’a de raison d’y résider qu’en vertu de ce « statut » bien équivoque de « Première dame de France », c’est-à-dire de façon privée et sous réserve que le Président y réside lui-même. Si l’on veut que le ridicule ne tue pas, que nous ne soyons pas de nouveau confrontés au vaudeville d’un Président en souffrance publique de rupture matrimoniale, que celui-ci sépare clairement et rapidement les deux aspects de sa vie. Et qu’il s’aide, dans cette courageuse décision, des beaux vers de Racine, lorsque Titus congédie Bérénice :

« Je sais tous les tourments où ce dessein me livre,
Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
Que mon cœur de moi-même est prêt à s’éloigner,
Mais il ne s’agit plus de vivre, il faut régner. »

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