« Je ne suis pas étonné de voir les hommes coupables,
mais je suis souvent étonné de ne pas les voir honteux ».
Jonathan SWIFT, Pensées sur divers sujets
Décidément, il y a un gros problème de la représentation dans notre vieille France. Et pas seulement en politique. Les syndicats, ces nécessaires corps intermédiaires entre les travailleurs et les décideurs économiques ou politiques, souffrent aussi d’une crise de légitimité. Inégalement bien sûr, mais sûrement. Et dès l’aube, j’ai senti passer sur moi l’aile de l’imbécillité. L’attitude de la représentante de la CFDT, interviewée ce lundi sur France Inter, en offre une singulière et douloureuse caricature. Parlant de l’accord conclu à l’UNEDIC le 22 mars, et particulièrement de la partie de celui-ci concernant les annexes 8 et 10, cette dernière y est allée d’un tonitruant : Circulez, il n’y a rien à dire ! La majorité a parlé, et ce n’est pas « une poignée d’intermittents » (sic) qui va remettre en cause un accord concernant des millions de travailleurs. La question qu’elle ne pose pas, c’est quelle majorité et pour qui ? Ce qui est concerné par les annexes, c’est tout un champ professionnel, aussi économiquement important que symboliquement névralgique, dont l’intermittence constitue un élément essentiel. Or, qui a signé ? Le MEDEF qui ne comporte aucune structure culturelle dans ses adhérents, et trois syndicats dont la CFDT, si faiblement implantée dans ce secteur qu’elle pourrait en tenir les troupes dans une cabine téléphonique … Mais, bien sûr, pas la CGT, seul syndicat assez représentatif du milieu des salariés culturels.
Nous sommes donc vraiment en présence d’un abus de puissance en forme d’abus de faiblesse. Et le rôle de l’État, du moins d’un État qui n’oublierait pas qu’il est là pour rétablir les équilibres dans l’intérêt général, consiste à protéger le faible contre la coalition des puissants. Or, nous l’avons répété, l’introduction d’un délai de carence dans un système destiné à lutter contre la carence et un mode de calcul absurde du plafond rendent l’accord aussi injuste que mortel. Le Gouvernement ne doit pas signer en l’état s’il ne veut pas voir l’État faillir à sa mission de garant de l’égalité. S’il cédait aux sirènes patronales menaçantes, ce n’est pas simplement de fêtes qu’il privera les citoyens cet été, c’est du reste de confiance qu’on lui prête encore qu'il devra faire le deuil. À entendre l’arrogance de la responsable CFDT, quand elle parle de « poignée », il vous vient des envies… de citer le sage : « Quand la bêtise gifle l’intelligence, l’intelligence a le droit de gifler la bêtise. »