Sic vos, non volis.
(Le travailleur ne jouit pas toujours
du fruit de son travail, adage latin)
Le troisième temps de la valse est tristement convenu. Le gouvernement signe, il agrée, mais il ne veut pas de désagrément estival ! Conscient de la parfaite injustice de certaines clauses, il propose de différer l’application du différé en faisant prendre en charge par l’État la compensation de cette pénalité infligée aux intermittents. Mais l’atteinte aux principes de la solidarité interprofessionnelle avec les travailleurs de la culture reste inscrite dans le marbre. Et rien n’est fait pour corriger le mode de calcul inique du plafond. Sans rire, l’heure est grave, il propose de réunir une commission Théodule pour examiner des réformes en profondeur. On notera qu’il y a onze ans était mis en place un comité de suivi des intermittents, dont les observations ont été d’une splendide inutilité.
La vérité pour mentir vrai, c’est que le Premier Ministre tient surtout à éviter un piège menaçant : céder aux sirènes permanentes des intermittents serait apparaître comme manquant d’autorité. Ne pas céder, c’est prendre le risque d’une crise durable. Ne cédons pas, rétrocédons un pansement posthume. Paris vaut bien une messe, disait Henry IV : Matignon vaut bien un festival ou deux…
Mais à ce jeu de dupes, il y a des perdants des deux côtés. Le premier, c’est l’État lui-même, qui sort encore plus affaibli de l’affaire. Car posons la seule question qui vaille en l’occurrence : pourquoi le ministère du Travail doit-t-il agréer l’accord ? Réponse : pour lui donner force juridique. Et pourquoi y-a-t-il besoin d’une procédure spéciale et d’un délai pour entériner cet accord ? Parce que l’État, garant du dialogue social, doit s’assurer que ce dialogue a été juste et complet : c’est sa mission de régulation. Sans se substituer aux syndicats, il lui faut vérifier la régularité des dispositions. En aucun cas, il ne peut s’agir d’un enregistrement automatique. Or en l’espèce, depuis trois mois, les acteurs du secteur artistique et culturel démontrent qu’ils n’ont été ni écoutés, ni entendus. Signer les yeux fermés devant un évident abus de faiblesse revient, pour l’État, à abdiquer son rôle fondamental de gardien de l’égalité. Ou alors, à reconnaître qu’il partage cette mise sous le boisseau d’un système qui est au cœur de l’exception culturelle française.
Oui, d’une certaine manière, entre MEDEF et MEDéficits, entre le marteau du patronat et l’enclume de la crise, c’est bien l’État qu’on assassine…